Intervention de Annie David

Réunion du 17 novembre 2008 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 22

Photo de Annie DavidAnnie David :

Le groupe CRC présente également un amendement de suppression de l'article 22, lequel a pour objet de prévoir la non-compensation de certains dispositifs portant exonération de cotisations de sécurité sociale.

Ce ne sont pas moins de sept exonérations que vous nous proposez de ne pas compenser, monsieur le ministre, en violation totale des engagements de l’État formulés dans la loi de 2005 et repris à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Alors que la loi oblige l’État à compenser à la sécurité sociale toutes les exonérations qu’il concède, l’État s’accorde à lui-même le droit de ne pas respecter ce que la loi l’oblige à faire.

Nous ne pouvons que regretter que la commission des finances ne reprenne pas à son compte cette clémence que l’État s’accorde à lui-même lorsqu’elle a pour mission d’examiner la recevabilité de nos amendements au titre de l’article 40 de la Constitution. Il est bien dommage que le rapporteur pour avis, M. Jégou, ainsi que le rapporteur général, M. Marini, ne soient plus là pour nous répondre.

Plus encore, nous devons nous interroger sur la pertinence même de ces exonérations de cotisations sociales, accordées en grande partie aux employeurs pour des emplois précaires, à temps partiel et sous-rémunérés. Nous nous trouvons en effet dans une situation ubuesque : l’État, c’est-à-dire les contribuables, finance à grand renfort de fonds publics la pérennisation de « trappes à bas salaires » qui bénéficient d’abord et avant tout aux employeurs.

La pertinence de ces exonérations a d’ailleurs fait l’objet d’un grand débat. La Cour des comptes préconisait le réexamen de la composition du panier fiscal affecté en compensation des exonérations et proposait de les réexaminer « à la lumière de l’évaluation de leur efficacité et de leur efficience », ce qui laisse entendre que la Cour des comptes considère que cela ne sert pas l’objectif fixé.

Par ailleurs, le député Yves Bur précisait dans son rapport d’information, que je vous invite à lire, mes chers collègues : « Quelle que soit la légitimité des objectifs poursuivis, il ne revient évidemment pas aux régimes de sécurité sociale de financer ainsi directement des politiques de l’État. » Ce faisant, notre collège de l'Assemblée nationale pose la vraie question : est-ce à la sécurité sociale, aux comptes sociaux, brefs, aux cotisants, de financer la politique d’emploi du Gouvernement ? Si l’État veut intervenir et faciliter l’emploi, il doit le faire sans détour, mais il n’y a aucune raison que cela pèse sur les comptes sociaux !

L’année dernière, nous avions procédé à un rapide calcul pour vérifier l’efficacité de ces multiples exonérations, qui représentent à elles seules plus d’un quart des dépenses publiques dites de lutte contre le chômage. Pour quels résultats ? La précarisation, monsieur le ministre ! En effet, les exonérations de cotisations sociales que vous proposez jouent contre l’emploi de qualité puisqu’elles sont inversement proportionnelles à la rémunération du salarié : elles sont maximales lorsque le salaire est égal au SMIC et diminuent, jusqu’à disparaître quand le salaire atteint 1, 6 SMIC.

Selon nos calculs, établis à partir du nombre d’emplois concernés par ces exonérations sociales que vous aviez annoncé, monsieur le ministre, lors du débat sur la précédente loi de financement, soit 800 000, cela coûte à la sécurité sociale environ 52 000 d’euros par emploi et par an.

Or n’est-ce pas ce même Gouvernement qui cherche, par ses discours, à culpabiliser les salariés privés d’emploi et les bénéficiaires de minima sociaux ? Manifestement, les véritables profiteurs du système – je n’ose dire « les assistés » – ne sont pas nécessairement celles et ceux que l’on croit !

Ces exonérations affectent plus encore les comptes sociaux et ceux de l’État, car la situation de sous-rémunération qui leur est associée fait naître d’autres dépenses : primes pour l’emploi, RSA, exonération de taxe d’habitation, de l’impôt sur le revenu... Cette liste n’est pas exhaustive !

Elles constituent donc bel et bien une subvention déguisée à l’emploi précaire.

Et vous voudriez, monsieur le ministre, à travers cet article, que nous acceptions que cette politique désastreuse pour les comptes publics, qui pèse sur le quotidien des milliers de personnes concernés, ne soit pas compensée ? Décidément non !

Les membres du groupe CRC refusent d’être associés de la sorte à une politique qui réussit l’exploit d’être néfaste pour l’emploi tout en privant la sécurité sociale de ressources dont elle a pourtant bien besoin.

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.

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