La Haute Assemblée vient de rejeter notre amendement précédent, qui visait à conditionner l’octroi, aux employeurs, des exonérations de cotisations sociales à une pratique salariale que nous pourrions qualifier, reprenant une expression à la mode, de morale ou d’éthique.
Jusqu’à présent, et cela va visiblement continuer, les exonérations de cotisations sociales resteront ce qu’elles sont, à savoir, bien souvent, un chèque en blanc.
Voilà donc le seul système – je dis bien « le seul » – dans lequel l’État participe financièrement – et à quelle hauteur ! –, mais n’aurait jamais rien à dire. Vous nous aviez pourtant habitués à un tout autre raisonnement, qui veut que celui qui paye soit celui qui décide.
Pour justifier ce refus, le Gouvernement explique qu’il n’est pas souhaitable ni possible d’intervenir dans ce qui relève de la sphère privée, de la relation entre l’employeur et le salarié. Pourtant, face à la crise financière et la nécessité de sauver le système capitaliste, créateur de nombreuses inégalités, il a su se montrer bien plus audacieux.
En quelques jours, vous avez réuni tout ce que notre pays compte de banquiers, d’assureurs et de spéculateurs pour leur annoncer qu’ils toucheraient un pactole – 40 milliards d’euros dans un premier temps, sur une enveloppe globale de 360 milliards d’euros – à condition qu’ils prêtent, d’abord et avant tout, aux petites et moyennes entreprises.
De deux choses l’une : soit il est impossible d’intervenir dans les relations qui existent entre deux acteurs privés, au nom de quoi votre conditionnement n’est que pure démagogie ; soit il est possible d’intervenir et je ne comprends pas pourquoi nous ne le ferions pas ici, dès lors que les conséquences seraient profitables à des milliers de nos concitoyens.
Je voudrais prouver ce que je dis par l’exemple. Au début de la crise, vous avez réussi à obtenir, contre votre chèque, que la banque Dexia renonce à accorder au président de son directoire une prime qui était pourtant bien contenue dans son contrat de travail. Il s’agissait donc d’un conditionnement à une mesure ayant une incidence sur une relation privée de nature contractuelle.
Pourquoi, dès lors, ne pas en faire autant pour améliorer les conditions de vie et les salaires de nos concitoyens ?
En 1968, le gouvernement du général de Gaulle a su, sous la pression populaire, trouver les mécanismes pour augmenter, de manière importante, la rémunération de tous les salariés. Pourquoi ce qui était possible hier ne le serait pas aujourd’hui ?
Votre refus de conditionner les aides publiques aux employeurs en dit long sur la conception qui est la vôtre du rôle de l’État.
Il est sévère avec les bénéficiaires du RSA, sévère avec les faibles et ferme les yeux sur ce qui se passe du côté des puissants. Les sommes en jeu ne sont pourtant pas négligeables : 42 milliards d’euros !
Comment pouvez-vous justifier cette situation dans laquelle le seul gagnant est le patronat ?
Votre majorité porte une responsabilité immense aujourd’hui : vous venez tout simplement de renoncer à améliorer la vie de nos concitoyens, et ceux-ci doivent le savoir.
Vous voudriez, à travers cet article 23, que nous acceptions de voter en faveur de la non-compensation des exonérations sociales consenties sans aucune contrepartie par l’État. Autrement dit, il s’agit d’une double peine. Première peine, les salariés sont, grâce à ces trappes à bas salaires, maintenus dans la précarité. Deuxième peine, vous voudriez qu’ils payent eux-mêmes à la sécurité sociale les exonérations non compensées. Vous faites payer aux plus faibles les sommes extravagantes que vous accordez aux plus riches. C’est le TEPA de la sécurité sociale !