Intervention de Annie David

Réunion du 17 novembre 2008 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 65 bis, amendement 198

Photo de Annie DavidAnnie David :

L’article 65 bis que vous nous proposez d’adopter a pour objet d’autoriser la transmission au médecin missionné par l’employeur du rapport médical ayant servi à établir le taux d’incapacité résultant d’un accident du travail dans le cadre d’une contestation de ce taux devant la juridiction compétente.

Nous avons bien compris l’objectif poursuivi par cet article. Il vise à rendre opposable le taux d’incapacité établi par le médecin de la sécurité sociale qui permet de fixer le montant de l’indemnité due au salarié.

L’on pourrait effectivement comprendre ce raisonnement si le médecin qui établissait le taux d’incapacité était missionné par le salarié. Mais tel n’est pas le cas. Le médecin qui établi le taux d’incapacité, c’est bien le praticien-conseil de la sécurité sociale, que l’on ne peut soupçonner de représenter ou de défendre abusivement le salarié : sa mission est claire et son indépendance incontestable.

À la limite, nous pourrions accepter que le dossier médical du salarié puisse être transmis au médecin-expert ou au médecin consulté placé auprès du tribunal, parce que, là encore, le principe d’indépendance et de neutralité est respecté.

Sur un strict plan juridique, le médecin n’est pas habilité à représenter une personne ou une partie, mais il peut l’assister, l’éclairer, sur le plan de la technique médicale.

Mais ce que vous nous proposez ici va plus loin encore. Vous entendez tout simplement transmettre le dossier médical du patient ayant servi à fixer le taux d’incapacité à un médecin missionné par l’employeur, c’est-à-dire, tout simplement, à l’employeur.

Ce faisant, vous rompez avec un principe de base en droit médical : le secret. Vous entendez passer d’un secret partagé à un secret divulgué, et cela jouera nécessairement contre le patient qui verra la relation particulière qu’il entretient avec le médecin se dégrader.

Je dois toutefois reconnaître la constance de votre gouvernement : dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez autorisé le médecin mandaté par l’employeur à se substituer au médecin de la sécurité sociale dans sa mission d’inspection pour vérifier que le salarié arrêté respecte bien les obligations qui sont les siennes, notamment les horaires de sorties.

Aujourd’hui, vous entendez permettre une transmission totale des dossiers.

Et demain ? Établirez-vous le principe de la fongibilité de ces derniers ou, plus grave encore, le transfert des missions du médecin-conseil de la sécurité sociale vers le médecin missionné par l’employeur ?

Pour conclure, et avant de vous inviter, mes chers collègues, à voter en faveur de notre amendement n° 198, je dois dire que cette mesure m’apparaît être contradictoire au principe fondamental d’égalité devant la justice, car, si les employeurs disposent des moyens nécessaires pour rémunérer le médecin qui les assiste, tel ne sera pas le cas du salarié.

Il y aura donc, d’un côté, une partie assistée disposant de l’ensemble du dossier et, de l’autre, le salarié, à moins de considérer – ce qui serait une grande erreur – que le médecin-conseil représente le salarié.

L’amendement n° 199, qui peut être considéré comme un amendement de repli, a trait également à la transmission du dossier médical.

En effet, vous l’avez compris, nous estimons que la transmission de l’intégralité du dossier médical du patient dans le but de permettre à l’employeur de contester le taux d’incapacité n’est pas une bonne chose.

Nous considérons que l’indépendance comme les compétences des médecins-conseils de la sécurité sociale ou des médecins-experts du tribunal permettent de déterminer un taux d’incapacité qui ne puisse pas être contesté par l’employeur.

Toutefois, afin de limiter les effets néfastes de la disposition prévue à cet article 65 bis – que vous allez adopter, je n’en doute pas, et donc rejeter mon amendement précédent –, nous entendons limiter l’échange d’informations au strict nécessaire, c’est-à-dire aux conclusions du rapport remis par le médecin-conseil, afin d’éviter que des informations médicales et confidentielles non utiles ou n’ayant pas servi à la fixation du taux d’incapacité puissent être transmises à l’employeur par le biais du médecin qu’il a missionné.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion