De façon insidieuse, on change les règles et les valeurs. En effet, affirmer qu’il est bon que les gens puissent travailler un peu plus longtemps s’ils en ont envie et s’ils sont en forme induit l’idée que cela est tout à fait envisageable. On s’engage dans cette voie, on s’y habitue, puis ceux qui travaillent plus longtemps en viennent à se demander pourquoi les autres ne font pas de même. Ainsi se crée un autre système de valeurs et se modifie la normalité.
Actuellement, la normalité consiste à considérer que, selon la fonction exercée et sa pénibilité, il existe un âge limite au-delà duquel il convient de cesser son activité. Cela rend le système homogène et cohérent.
Or voici que l’on nous propose d’entrer dans l’individualisation, ce qui brouille les repères, d’autant que l’on ne voit plus où s’arrêter. C’est la raison pour laquelle je suis contre cet amendement du Gouvernement.
J’en viens à l’aide que je souhaite apporter à M. le ministre !
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que huit réunions s’étaient tenues en un an, dont quatre en une semaine, sans que la négociation puisse aboutir. Je me suis alors demandé comment il était possible qu’un orateur aussi éloquent que vous n’ait pas réussi à convaincre le personnel et les syndicats.
J’ai trouvé la réponse en lisant l’objet de votre amendement, monsieur le ministre. En effet, vous y affirmez une chose et son contraire. Je vais vous en apporter la démonstration.
« Le développement de l’emploi des seniors doit être une priorité nationale. » Telle est la première phrase de l’objet de l’amendement. Je comprends qu’un certain nombre de personnes âgées de cinquante-cinq ans ou plus aimeraient travailler encore afin d’atteindre le nombre d’annuités nécessaire pour toucher une pension de retraite décente, et qu’il faut donc permettre à ceux qui n’ont pas d’emploi d’en trouver un. Or la deuxième phrase précise que « l’un des obstacles à l’activité des seniors est constitué par les limites d’âge » : vous préconisez donc que ceux qui pourraient partir à la retraite continuent à travailler !
Par conséquent, on relève une contradiction dès les deux premières phrases de l’objet de votre amendement : voilà pourquoi, monsieur le ministre, vous n’êtes pas compris des syndicats. Deux réunions supplémentaires n’auraient pas davantage permis de trouver une solution ! §