A ce moment du débat, nous pouvons tous nous rendre compte que ce texte sur les territoires ruraux recoupe la question du droit du sol.
Par couches successives, un peu à la sauvette, ce droit du sol est modifié ; c'est du moins ce que m'apprend mon expérience de sénateur - je le suis depuis treize ans ! Petit à petit, en rajoutant des strates, nous aboutissons à un résultat confus, sur un sujet extrêmement difficile.
Le vrai problème de fond, aujourd'hui, mes chers collègues, est la rareté du sol : le coût du foncier pour bâtir a explosé, et plus la rareté est organisée plus, évidemment, les coûts augmentent.
Je lis dans vos journaux de droite, messieurs, que l'administration pèse de plus en plus et organise la rareté. Mais que faisons-nous, nous, parlementaires ? Nous rajoutons des strates administratives, des strates de règlements, de lois, et nous organisons, nous aussi, la rareté !
N'oublions pas, mes chers collègues, que nous devons faire face, aujourd'hui, à une forte demande en sol à bâtir. Si nous ne sommes pas capables d'y répondre favorablement, les prix des logements et des terrains flamberont de plus belle. C'est également une question à laquelle il nous faut songer.
Par ailleurs, les agriculteurs nous demandent de protéger leurs sols pour qu'ils puissent continuer à vivre. Mais une fois arrivés à l'âge de la retraite, ils sont demandeurs de modifications du PLU : ils vendent ainsi plus cher leurs terrains et ils arrondissent leur pécule ! J'ai pu constater combien leur discours changeait diamétralement à vingt ans de distance !
Cette variation de point de vue est humaine, mais il nous faut aussi organiser les choses.
Si le sol a une fonction de production, il a également une fonction résidentielle et une fonction de nature. Cette dernière fonction, à l'heure actuelle, devient fondamentale, et M. Revet l'a également mise en avant en évoquant la protection des champs captants.
Pour répondre à cette volonté de préserver notre planète, il nous faut une législation qui permette à une collectivité d'être propriétaire ; il nous faut un règlement qui permette de protéger le sol des agressions diverses et multiples qu'il subit.
En conséquence, est-ce une bonne chose que de proposer que le département soit l'unique détenteur du droit de préemption ? Je n'en suis pas sûr.
Depuis l'extraordinaire mouvement de l'intercommunalité et des communautés d'agglomération, éléments fondamentaux dans le schéma d'organisation, une réflexion est menée dans ces bassins de vie. Le mouvement des SCOT est devenu, lui aussi, un élément important. Même si nous les avons mis en place un peu à reculons, surtout en raison de la difficulté d'organiser la relation urbain-rural, ces SCOT commencent à exister. Proposer brutalement que seul le département légifère et décide pour nous, avouez tout de même, mes chers collègues, que cela pose problème !
Il faudrait donc donner un peu plus de liberté aux élus afin qu'ils gèrent correctement ce droit du sol en tenant compte de la fonction de production, de la fonction résidentielle et la fonction de nature. Nous sommes en effet empêtrés dans des contradictions.
Je puis témoigner, comme d'autre dans cet hémicycle, en tant que responsable d'un gros syndicat de distribution d'eau, que la protection des champs captants, à l'heure actuelle, est devenue un élément déterminant dans la préservation de la richesse en eau. Si nous ne nous en donnons pas les moyens, soit au niveau des agences de l'eau, soit au niveau des distributeurs d'eau, nous en arriverons à des situations dramatiques. Nous devons nous donner les moyens de préserver, de sanctuariser ces champs captants.
Nous avons aujourd'hui besoin d'une réflexion globale. Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous aurons l'occasion d'en discuter de nouveau dans le cadre de la loi d'orientation agricole. Pour autant, je souhaite que, d'ici-là, nous conduisions, tous ensemble et de manière consensuelle, une réflexion de fond sur ces fonctions diverses du sol, parfois contradictoires et difficiles à maîtriser. C'est le rôle des élus, quels qu'il soient, d'y parvenir, pour que notre sol soit collectivement mieux géré en tenant compte des ruraux, des urbains, des agriculteurs, des non-agriculteurs. Il s'agit, à l'heure actuelle, d'un dilemme de fond.
Toutefois, je rappelle que la fonction résidentielle est l'élément de base. Sur l'ensemble du territoire national, le coût du terrain est devenu exorbitant. Aussi, cette fonction résidentielle commence à être difficile à assumer.