Intervention de Jean-Paul Emorine

Réunion du 20 janvier 2005 à 15h00
Développement des territoires ruraux — Article 20 bis A

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine, rapporteur :

Cet article, qui est issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ainsi que cela vient d'être rappelé, vise à étendre le droit de préemption urbain des communes aux donations entre personnes sans lien de parenté.

L'auteur de l'amendement en question a invoqué, à l'appui de ce dispositif, la nécessité de lutter contre le fait que certains propriétaires déguiseraient la vente de leurs terres agricoles en donation, ce qui empêcherait les maires d'user de leur droit de préemption.

Si cette volonté de lutter contre le détournement de la loi paraît tout à fait légitime, l'article 20 bis A suscite néanmoins de sérieuses interrogations au regard du droit de propriété : le fait de ne pas pouvoir effectuer librement une donation constitue, à l'évidence, une atteinte à ce droit.

Or le Conseil constitutionnel, selon une jurisprudence constante, n'admet les atteintes à ce dernier que lorsqu'elles sont justifiées par un motif d'intérêt général. Le présent article, qui ne comporte pas la moindre disposition en ce sens, est donc exposé à la censure du juge constitutionnel. Ce risque est d'autant plus important qu'aux termes de l'article 20 bis a été supprimée l'exigence de motivation, alors même que celle-ci constitue, pour le juge administratif, une formalité substantielle qui, si elle n'est pas respectée, entraîne l'annulation de la procédure de préemption.

Il est clair également que le donataire qui se verrait privé du bien subirait un préjudice financier qu'il conviendrait d'indemniser.

Enfin, les maires confrontés à de telles fraudes peuvent engager une action en déclaration de simulation devant le juge, qui peut faire écarter les effets apparents de l'acte et le requalifier.

Tout en étant conscient des problèmes locaux que le détournement de la loi peut entraîner, j'estime préférable, mes chers collègues, sur un sujet aussi sensible que le droit de propriété, de travailler, dans la perspective du projet de loi d'orientation agricole ou du projet de loi « habitat pour tous », à une solution plus satisfaisante que celle qui nous est ici proposée et qui risquerait, en tout état de cause, d'être censurée.

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