Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 17 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la contrefaçon — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

... et de la commission, pour lesquels cette notion imprécise, voire « sibylline » risquait de créer d'abondants contentieux.

Je me permets toutefois, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, de m'interroger. En effet, puisque l'introduction de ce critère visait à limiter les dispositions prises dans le cadre de ce projet de loi « aux seules atteintes aux droits commises en vue d'obtenir un avantage économique ou commercial, direct ou indirect », ne risque-t-on pas, en le retirant, de créer une insécurité juridique ? En d'autres termes, n'y aura-t-il pas là un moyen, pour certaines personnes malintentionnées, de lancer des procédures en contrefaçon de manière abusive ?

Or, nous le savons, une telle procédure permet au juge de prendre des mesures extrêmement contraignantes, comme la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur et le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs. Le juge peut également ordonner, au besoin sous astreinte, « la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaits ».

Je citerai deux exemples illustrant ce problème.

Tout d'abord, il est à craindre que la suppression du critère d'échelle commerciale dans le domaine des droits d'auteur ne fasse peser de graves risques sur les utilisateurs d'Internet, qui s'en inquiètent.

Par ailleurs, de nombreux chercheurs craignent que le secteur des logiciels, particulièrement à la pointe en France, ne souffre d'une législation qu'ils estiment incertaine. Ils redoutent en effet que le retrait de la notion d'échelle commerciale n'entraîne une assimilation des usages à but non lucratif, qui s'exercent dans le cadre du droit à la copie privée, et des utilisations par des réseaux commerciaux ou mafieux.

À ce titre, je vous citerai les propos tenus par le rapporteur de la directive européenne lors des débats qui se sont déroulés le 9 mars 2004 au Parlement européen : « Dorénavant, seules les actions commises à l'échelle commerciale seront répréhensibles. La définition d'échelle commerciale exclut les actes commis par des consommateurs finaux de bonne foi, qui n'agissent pas dans le but d'obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect. Cette extension du champ d'application ne remet en cause aucune des directives sectorielles déjà adoptées sur le copyright, le commerce électronique et les programmes d'ordinateur. L'exception de la copie privée en sort même renforcée. »

Selon vous, monsieur le rapporteur - vous me l'avez expliqué ce matin en commission -, la suppression de la notion d'échelle commerciale n'est pas inquiétante. Force m'est cependant d'évoquer l'inquiétude des agriculteurs s'agissant de l'avenir des semences de ferme, sujet qui a suscité le dépôt de plusieurs amendements.

Nous le savons, les semences de ferme contribuent à une moindre utilisation des pesticides. À une époque où la préoccupation écologique est devenue très importante, elles présentent, d'une manière générale, de véritables atouts environnementaux.

Leur utilisation permet d'éviter le transport de semences. En outre, 41 % des semences certifiées sont traitées avec un insecticide, pour seulement 17% des semences de ferme. Par ailleurs, ces dernières ne sont pas détruites, alors que les semences commerciales le sont fréquemment, en raison, notamment, de la course à la création végétale. Enfin, elles rendent possibles les mélanges de variétés, qui permettent de mieux lutter contre les maladies foliaires du blé et l'apparition rapide de contournement de résistance.

Tous ces aspects ayant été évoqués par plusieurs de mes collègues, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que nous souhaitions recevoir des explications, qui, je l'espère, nous rassureront.

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