Intervention de Bernard Angels

Réunion du 17 décembre 2004 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2004 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard AngelsBernard Angels :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un fait, la croissance est parfois malicieuse. Aussi l'exercice des prévisions en loi de finances initiale n'est-il jamais une science exacte. L'année 2004 ne peut que nous renforcer dans cette idée. Vous aviez prévu, monsieur le ministre, 1 % de croissance, et ce sont près de 2, 4 % de croissance qui viendront clore cet exercice.

A première vue, c'est une bonne nouvelle. A première vue seulement, car, à y regarder de plus près, on peut légitimement se poser la question suivante : « A qui profite la croissance ? ». Ou plutôt : « Qu'avez-vous fait de la croissance ? »

Dans un premier temps, je m'efforcerai de répondre à cette question, puis, dans un second temps, je m'attarderai quelques instants sur les régulations budgétaires que vous avez opérées lors de l'exécution de la loi de finances de 2004.

Tout d'abord, monsieur le ministre, qu'a fait le Gouvernement de la croissance enregistrée en 2004 ?

Notons que cette croissance de 2, 4 % ne reflète pas vraiment la réalité de la situation de notre pays. En effet, une enquête réalisée par l'INSEE, qui est parue hier, indique que le niveau réel de la croissance, en données corrigées, n'est que de 2, 1 %. Et selon cet institut, si le rythme fut plutôt soutenu au début de l'année, la croissance s'est largement essoufflée à partir du troisième trimestre, et l'on peut se demander pourquoi.

Je m'efforce, depuis plusieurs années, de défendre à cette tribune l'idée que la croissance, si elle ne se décrète pas, s'entretient. Je ne changerai pas aujourd'hui de position sur cette question. Il est clair que la politique que vous avez menée en 2004, monsieur le ministre, n'a pas contribué à asseoir les maigres acquis de croissance que notre économie avait produits.

Car le Gouvernement a fait un double pari : la croissance mondiale tirera la croissance française et les baisses d'impôts relanceront l'activité. Erreur dans le diagnostic, mais aussi erreur dans l'application.

S'agissant du diagnostic, vous savez comme moi, mes chers collègues, que l'une des caractéristiques de notre économie est d'être avant tout sensible aux capacités endogènes de croissance, la consommation et l'investissement. Tout attendre de la croissance mondiale est illusoire, surtout lorsque la politique économique mise en oeuvre au niveau domestique va à contre-courant du cercle de confiance et croissance. Et c'est bien là qu'est l'erreur d'application !

Les baisses d'impôts que vous avez consenties, monsieur le ministre, - et je me place exclusivement sur le terrain économique - ont été des erreurs et des échecs. L'effet escompté sur la consommation s'est révélé nul : il n'a pas permis de compenser les fortes hausses des prélèvements sociaux et des tarifs publics.

Prenons les chiffres : la tendance spontanée de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, du fait de la croissance de ce dernier, permettait d'envisager une baisse de 0, 3 %. Or, les prélèvements obligatoires passent, en 2004, de 43, 8 % à 43, 6 % du PIB, soit une baisse seulement de 0, 2 %. La différence est facile à trouver : vous avez réussi à contraindre l'effet mécanique par les mesures fiscales que vous avez prises !

L'année 2005 NOUS prépare, avec les mêmes causes, les mêmes effets, dans une ampleur autrement plus douloureuse pour les contribuables, mais nous en reparlerons l'année prochaine, soyez-en sûrs, mes chers collègues.

Le résultat de ces erreurs est simple : notre pays se voit réduit à ce que les spécialistes appellent une « croissance molle », c'est-à-dire une croissance de croisière, sans effet sur les comptes publics, par exemple.

Certes, les rentrées fiscales supplémentaires ont permis une réduction de façade du déficit du budget de l'Etat de 0, 5 % du PIB, mais les comptes sociaux se dégradant, le déficit public reste, quant à lui, tout à fait stable à 3, 6 %. Vous pourrez jouer sur les ambiguïtés entre les deux autant que vous le voudrez, mais le déficit public n'a pas baissé pas en 2004 !

Oui, les comptes sociaux se dégradent. La phrase paraît galvaudée tant elle nous paraît aujourd'hui malheureusement familière. Mais, en 2004, vous avez atteint des sommets !

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