Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 17 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2004 — État c', amendement 237

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Je veux revenir sur la disposition, introduite à l'Assemblée nationale du fait de l'adoption d'un amendement n° 237 rectifié, présenté par le Gouvernement et que vous aviez vous-même défendu, monsieur le ministre.

Est ainsi prévu un abondement de 30 millions d'euros pour financer le lancement, l'an prochain, de la future chaîne internationale d'information continue.

Nous avons souvent eu l'occasion d'exprimer nos réserves sur ce projet, encore très imprécis, objet de controverses et donnant même lieu à une certaine cacophonie au sein du Gouvernement. Un projet dont l'unique effet lisible, pour l'heure, serait de conforter la position dominante de TF1 et de LCI dans le secteur de l'information audiovisuel. Les arbitrages sur ce projet, à ma connaissance, ne sont pas encore définitifs, notamment quant au choix des opérateurs, sur lequel courent les rumeurs les plus diverses.

En outre, ces 30 millions d'euros sont notoirement insuffisants s'il s'agit de financer, même en demi-année, une future chaîne d'envergure internationale. Je rappelle que le coût minimal en année de démarrage de cette chaîne française avait été initialement évalué par votre gouvernement à 70 millions d'euros, chiffre qui n'est pas crédible quand on sait que, par exemple, la chaîne Al-Jazira, qui ne couvre pas la totalité de la planète, dispose d'un budget annuel de l'ordre de 160 millions d'euros, que BBC World dispose de 600 millions d'euros, CNN de 1, 2 milliard d'euros et que même notre RFI dispose, pour 2005, d'un budget prévisionnel de près de 130 millions d'euros.

Enfin, je tiens à rappeler que les sénateurs socialistes n'ont eu de cesse de dénoncer ce projet comme faisant en partie double emploi avec TV5 et CFI et comme faisant planer des menaces sur l'avenir même de ces sociétés ainsi que sur celui de leurs personnels, mais aussi sur le personnel de RFI.

Les propos que vous avez tenus à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, lors de la présentation de l'amendement que j'évoquais à l'instant me paraissent malheureusement de nature à justifier nos craintes : « Je vous propose d'inscrire, pour ce projet, des crédits à hauteur de 30 millions d'euros. Je tiens à préciser qu'ils sont gagés sur des économies réalisées l'an prochain dans le même secteur. Nous traduisons ainsi immédiatement, et dans la transparence, la décision du Premier ministre. »

Cela a le mérite d'être clair, monsieur le ministre ! Ainsi, ce seraient les autres médias publics qui feraient les frais d'un projet encore mal formulé et qui risque d'accentuer la concentration dans le secteur des médias.

Ici même, pourtant, le ministre de la culture et de la communication comme le ministre des affaires étrangères nous avaient assuré que le financement de cette chaîne ne pèserait en rien sur le budget de l'audiovisuel public.

Je rappelle que les crédits publics de l'audiovisuel public pour 2005 n'augmentent que de 2, 4 %. Quand on sait que l'inflation est de l'ordre de 1, 8 %, cela donne une idée de la marge ! RFI, pour sa part, verra ses moyens baisser en euros constants puisque sa dotation publique pour 2005 augmentera de 1, 4 %, soit moins que le taux d'inflation.

On voit donc mal comment ces sociétés pourraient supporter des économies supplémentaires pour permettre la réalisation de cette chaîne internationale. Aucun effort d'économie de leur part ne saurait se justifier pour un projet qui, dans une large mesure, constitue une menace pour elles et leurs personnels.

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