Intervention de Jean-François Copé

Réunion du 17 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2004 — Article additionnel après l'article 30, amendements 106 15 2005 8 2006 0 2007 19

Jean-François Copé, ministre délégué :

C'est dire combien, lorsque l'on aborde des thématiques qui dépassent les clivages politiques, un consensus peut être trouvé.

Monsieur le rapporteur général, vous avez raison de dire que la France est le dernier grand pays de l'Union européenne à maintenir ce type d'imposition à un niveau aussi élevé. D'autres pays l'on supprimé : L'Allemagne l'a fait en 2001, le Royaume-Uni en 2002 et l'Italie en 2004.

Supprimer, d'une manière ou d'une autre, cette imposition, c'est, d'une part, envoyer un signal clair aux entreprises françaises pour qu'elles cessent de délocaliser leur gestion d'actifs - un certain nombre d'entre elles ont malheureusement été amenées à le faire en toute légalité, pour des raisons de bon sens que chacun peut comprendre tout en les regrettant ; c'est, d'autre part, inciter des investisseurs étrangers à venir s'implanter sur notre territoire.

A cet égard, l'abaissement du taux réduit d'imposition de 19 % à 15 %, en ce qui concerne les brevets, placera incontestablement notre pays dans une situation très favorable au sein de l'espace européen. Il s'agit donc d'un élément majeur pour la recherche française. Mon collègue et ami Hervé Gaymard l'a dit ce matin, et je m'associe bien volontiers à ses propos.

Ces mesures engendreront des retombées économiques potentielles importantes, prometteuses en termes d'emploi et, je l'ai dit, de valeur ajoutée forte. Elles vont évidemment dans le sens de ce que l'on doit entreprendre pour le redressement de notre pays.

Vous vous souvenez sans doute que, lorsque vous m'aviez interpellé sur ce sujet, je venais seulement de prendre mes fonctions depuis quelques minutes. Je vous avais donc demandé quelque temps de réflexion et d'étude. J'ai effectivement pris ce temps, et je veux vous dire ici que le Gouvernement est tout à fait favorable à l'esprit de votre amendement. Je souhaite néanmoins le sous-amender parce que, en l'état, il n'est pas compatible avec la situation de nos finances publiques.

En effet, l'exonération, même compensée par une exit tax, entraînerait un coût tellement élevé pour les finances publiques qu'il obérerait la totalité de nos marges de manoeuvre. Je pense à cet égard aux autres perspectives de baisses d'impôt qui seraient nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le Premier ministre en matière d'emplois, d'investissements et même d'attractivité du territoire. Dès lors, je ne serais pas en situation de tenir l'autre engagement que j'ai pris devant vous, qui est de gager par des économies les baisses d'impôt.

C'est la raison pour laquelle je vous soumets, mesdames, messieurs les sénateurs, deux sous-amendements visant à reporter d'un an l'entrée en vigueur de cette mesure. Ce report sur l'année 2005 permettra d'éviter l'effet d'aubaine - que nous proscrivons bien volontiers vous et moi, monsieur le rapporteur général - et de conférer à la réforme un caractère vraiment incitatif.

Le sous-amendement n° 106 vise à étaler sur trois ans l'allègement du taux d'imposition des plus-values à long terme afférents à des titres de participation : 15 % en 2005, 8 % en 2006, 0 % en 2007. Il va de soi que le dispositif reste tout à fait incitatif : 15 %, c'est mieux que 19 % et 8 %, c'est mieux que 15 %. Ainsi, dès l'année prochaine - ou l'année suivante, compte tenu du décalage sur le paiement -, un certain nombre d'entreprises pourront trouver là une raison de maintenir leur activité en France ou de venir s'y installer.

Le sous-amendement n° 107 porte sur l'exit tax visant à financer cette réforme. Il s'agit d'une taxe exceptionnelle dont vous avez défini les contours, monsieur le rapporteur général, qui me paraissent aller de soi. Elle est, pour faire court, l'équivalent du prélèvement libératoire lorsque l'on choisit l'imposition forfaitaire.

Cette taxe exceptionnelle est prélevée sur le montant de la réserve spéciale des plus-values à long terme à un taux de 2, 5 %. Le sous-amendement n° 107 tend à en prévoir le versement en deux temps, en 2006 et en 2007, et non plus en une seule fois en 2005.

Cet étalement de la réforme offre à terme les mêmes perspectives de retombées économiques. La réforme conserve donc la même efficacité. En revanche, elle est moins brutale. Sans doute est-elle, d'une certaine manière, moins avantageuse pour telle ou telle entreprise qui pourrait trouver matière à faire une opération one shot tout de suite. Mais, d'un point de vue financier, elle est plus acceptable pour l'Etat.

J'apporterai enfin deux précisions. D'une part, pour ce qui concerne les brevets, je retiens bien volontiers la proposition de faire baisser la taxation de la cession des brevets de 19 % à 15 %, mais ce l'année prochaine et non pas cette année. D'autre part, si ces deux sous-amendements étaient adoptés, le coût de cette mesure serait inférieur à 1 milliard d'euros à compter de 2008.

En d'autres termes, nous sommes donc en présence d'une mesure directement opérationnelle et dont le coût est extrêmement raisonnable au regard des avantages en termes d'investissements, de retombées en matière d'emplois, de production et de valeur ajoutée, qu'elle entraînera.

Bref, il s'agit là d'une mesure de bon sens, plus simple qu'il n'y paraît, qui correspond bien aux priorités fixées par le Gouvernement et qui me semble aller tout à fait dans le sens de ce que peut souhaiter un pays moderne, attentif à sa compétitivité vis-à-vis des autres pays. Je rappelle qu'il ne s'agit en aucun cas de dumping, mais bien de réalignement sur le système choisi par la très grande majorité des pays européens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion