L'article 34 est l'un de ceux qui, au sein du présent collectif budgétaire, nous posent vraiment problème. Il porte sur l'intangibilité du bilan d'ouverture. Selon ce principe, une vérification fiscale des comptes d'une entreprise s'effectue en remontant, d'exercice en exercice, jusqu'à un certain point, car il faut bien parvenir à un sol stable : c'est le bilan intangible, lequel ne pourra pas être affecté par des redressements.
Il faut rappeler que le Conseil d'Etat, dans un arrêt d'assemblée, l'arrêt Ghesquière, du 7 juillet 2004, a opéré un revirement - comme il en a le secret - en revenant à sa jurisprudence antérieure à 1973, c'est-à-dire plus de trente ans en arrière, avec certainement d'excellentes raisons et sur la base d'une analyse que l'on ne saurait contester en droit.
Ainsi, le Conseil d'Etat a subordonné l'application intégrale de la correction symétrique des bilans à la bonne foi du contribuable.
Ce revirement de jurisprudence a des conséquences particulièrement importantes.
Le Gouvernement nous invite, dans l'article 34, à valider, nonobstant la nouvelle jurisprudence, les pratiques administratives et les impositions établies.
La commission rappelle que les modalités d'application du présent article, en particulier celles qui sont relatives à la validation des impositions, font l'objet de certaines controverses. Les validations législatives ne nous plaisent guère, comme vous pouvez vous en douter, monsieur le ministre.
La validation des impositions voit toutefois sa portée atténuée. Ainsi, les impositions établies ne seront assorties que des intérêts de retard et les exceptions au principe d'intangibilité seront bien applicables, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'une validation tout à fait intégrale. En outre, les décisions passées en force de choses jugées ne sont pas remises en cause. Enfin, cet article 34 est soumis au vote du Parlement moins de six mois après la nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat.
Il ne faut pas se le cacher, l'impact budgétaire de cette nouvelle jurisprudence pourrait être très important. Je ne sais pas s'il est possible de l'évaluer avec précision, mais on nous a parlé de plusieurs milliards d'euros. Au passage, monsieur le ministre, cela contredit légèrement l'argument avancé par l'administration selon lequel, au total, la règle de l'intangibilité profiterait autant au contribuable qu'à l'Etat.
De plus, dans le contexte budgétaire actuel, il n'est pas très agréable de se trouver sous une telle épée de Damoclès.
Sachant que l'arrêt du Conseil d'Etat a fait l'objet de nombreux commentaires de doctrine dans les mois qui ont suivi et que la commission n'a pas pu approfondir la question, il me paraît très difficile de souscrire à la validation qui nous est demandée.
Monsieur le ministre, il s'agit ici du premier article d'une série qui va me conduire à émettre ce type de remarque. En effet, il n'eût pas été difficile pour la direction de la législation fiscale, notamment, de s'exprimer sur ce sujet dès septembre ou octobre, de nous consulter et de nous apporter des éléments d'appréciation. Nous aurions pu réaliser des auditions, approfondir la réflexion et expertiser le sujet.
En l'occurrence, comme ce n'est pas le cas et comme la disposition nous est soumise tardivement dans le projet de loi de finances rectificative, nous ne pouvons souscrire à une validation même limitée.
Telle est la raison pour laquelle la commission préconise, à ce stade, la suppression de l'article 34.