Intervention de Philippe Marini

Réunion du 17 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2004 — Article 36

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Il s'agit de nouveau d'un amendement de suppression.

L'article 36 du projet de loi vise à encourager les PME à accroître leurs dépenses dans le domaine des nouvelles technologies en mettant en place un crédit d'impôt spécifique. Nous ne pouvons, bien entendu, qu' y être favorables.

Toutefois, nous observons que le champ des dépenses éligibles à ce crédit d'impôt est flou. Les notions de réseau internet et extranet ne font pas l'objet d'une définition précise ; quant aux immobilisations corporelles et incorporelles servant à constituer ces réseaux et permettant un accès à haut débit, elles peuvent comprendre tant de choses que l'instruction fiscale qui sera prise pour détailler exactement ce que recouvrent lesdites dépenses éligibles sera digne d'un inventaire à la Prévert.

En outre, il est nécessaire de prendre en compte la rapidité avec laquelle ces nouvelles technologies évolueront et, par conséquent, la rapidité avec laquelle l'instruction d'application de ce nouveau crédit d'impôt, elle-même très détaillée, très complexe et donc très difficile à élaborer, sera obsolète puisque dépassée par cette évolution technologique.

Comment définir de manière précise et stable les dépenses éligibles ? C'est une difficulté qui est, à notre avis, préjudiciable à la lisibilité et à la mise en oeuvre efficace de ce crédit d'impôt.

Une fois de plus, monsieur le ministre, l'aide proposée sous la forme d'un crédit d'impôt s'inscrit dans le cadre des aides dites de minimis. Or, avec ce régime, on a l'impression que l'on est en train non pas de distribuer des assignats, mais de créer des illusions. Ces dispositifs se multiplient tellement que l'on finira probablement par mettre un grand nombre d'entreprises dans une situation d'insécurité juridique. En effet, certaines personnes ne réaliseront pas qu'elles perçoivent d'autres aides dans le cadre du régime de minimis et, un jour ou l'autre, elles se verront réclamer le remboursement de ces aides, au même titre tout à l'heure que les malheureux qui ont été frappés par la décision de la Commission européenne sur les questions relatives aux entreprises en difficulté.

Je le répète, la gestion des aides accordées sous le régime de minimis est extrêmement complexe, tant pour l'Etat que pour les bénéficiaires.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, la commission est convaincue que le présent régime risque de s'avérer assez illusoire, qu'il peut être facteur de complications administratives et d'insécurité fiscale, en particulier parce qu'il s'adresse à des PME peu structurées, dont les équipes administratives ne sont pas vraiment capables de maîtriser le dispositif.

D'une façon plus générale - et tel est le sens de cet amendement de suppression -, nous nous inquiétons, monsieur le ministre, de la prolifération des nouvelles dépenses fiscales. Nous avons l'impression qu'un nouveau crédit d'impôt naît sinon tous les jours, du moins, toutes les semaines ou tous les mois. La multiplication des régimes fiscaux dérogatoires - dont chacun procède d'une bonne intention, du souci de prendre en compte des préoccupations catégorielles tout à fait honorables - finit par complexifier un peu plus encore l'ensemble et à le rendre illisible, pour le plus grand plaisir, peut-être - et, après tout, ce sont des professions respectables - des personnes qui sont chargées du conseil fiscal aux entreprises.

Au demeurant, nous savons bien que les dépenses fiscales sont difficiles à évaluer et à maîtriser. Au-delà d'un certain point, nous créons donc beaucoup d'illusions, beaucoup de flou, et c'est contraire à la vision globale que nous avons de la fiscalité et de son évolution.

Tel est, monsieur le ministre, l'état d'esprit de la commission et telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons à la Haute Assemblée un amendement de suppression.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion