Monsieur le ministre, on peut au moins reconnaître que l'orientation globale de la politique de justice et de répression de votre gouvernement présente une réelle cohérence et une vraie constante.
Il y a quelques semaines à peine, avec la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, vous introduisiez dans le code de procédure pénale un article 44-1 donnant possibilité au maire de proposer au contrevenant qui a causé un préjudice à un bien de la commune ou sur le territoire de celle-ci une transaction destinée à réparer ce préjudice.
Vous esquissiez alors la direction que vous assumez totalement aujourd'hui consistant à octroyer des pouvoirs quasi judiciaires au maire et, de facto, à déjudiciariser la prévention.
Avec les dispositions de l'article 8 de ce projet de loi, qui donne le pouvoir au maire ou à son représentant de procéder à un rappel à l'ordre à l'endroit d'une personne qui commet des faits ne relevant d'aucune infraction prévue au code pénal, des faits « susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté ou à la salubrité publiques », cette dérive est accentuée.
Ce pouvoir, qui est comparable à celui dont dispose le juge en termes de rappel à la loi, contribue à affaiblir la portée du principe de la séparation des pouvoirs, d'autant plus que ces nouvelles dispositions soulèvent des questions essentielles.
Quelles sont la nature et la portée de ce rappel à l'ordre, alors que le rappel à la loi est strictement encadré et constitue une première réponse solennelle, qui permet, notamment, d'éviter au contrevenant un sentiment d'impunité et a une vertu éducative claire ?
Se pose en outre la question de la conservation des traces de ce rappel à l'ordre et de son utilisation ultérieure. Le maire pourra-t-il maintenir un registre de ces actes ? Si tel est le cas, que se passera-t-il en cas de réitération ou de récidive ? La juste qualification m'échappe, compte tenu de l'ambiguïté de ce texte.
Le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France ont exprimé deux points de vue qui démontrent à quel point cette disposition est dangereusement confuse.
Tout d'abord, le rappel à l'ordre par le maire, qui sanctionne les comportements constituant non pas des infractions pénales, mais de simples atteintes aux règles de la vie sociale, viole le principe fondamental de la légalité des délits et des peines.
Ensuite, la convocation d'un mineur en vue d'un rappel à l'ordre pourrait impliquer le respect de ses droits à une défense équitable et, donc, le droit de requérir l'assistance d'un avocat, notamment si ce rappel à l'ordre engendre une sanction.