Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 19 septembre 2006 à 10h00
Prévention de la délinquance — Article 8

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le ministre, nous souhaitons vous demander quelques précisions sur les raisons qui fondent l'article 8, tendant à introduire dans le code général des collectivités territoriales le rappel à l'ordre par les maires, une procédure qui est déjà souvent, et même spontanément, pratiquée, comme mes collègues viennent de le souligner.

Si un certain nombre de maires ont été rappelés à l'ordre par le procureur de la République, c'était plus parce qu'ils étaient allés au-delà du coup de semonce et avaient condamné d'eux-mêmes le jeune à procéder à la réparation du dommage que parce qu'ils l'avaient reçu. Dès lors, est-il bien utile d'inscrire dans la loi une mesure qui est déjà spontanément mise en oeuvre ?

Par ailleurs, dans certains cas, le jeune qui se retrouverait devant la justice, ou son conseil, ne risque-t-il pas d'alléguer le fait que le maire ne l'a pas rappelé à l'ordre, comme la loi lui en donnera désormais la possibilité ?

Nous nous interrogeons donc sur l'opportunité d'inscrire ce rappel à l'ordre dans la loi.

En outre, la loi prévoit déjà le « rappel à la loi », ce qui est une bonne chose. Le procureur de la République, ou, plus généralement, le délégué du procureur, reçoit les jeunes qui sont précisément visés par l'article 8 du projet de loi pour les rappeler à l'ordre.

En prévoyant deux procédures, ne risque-t-on pas de créer une confusion, le maire ne sachant pas si c'est à lui ou au procureur de la République d'intervenir ? Je tenais également à vous alerter sur cette crainte, monsieur le ministre.

Enfin, nous nous interrogeons sur la manière dont est rédigé l'article 8. Il est prévu que le rappel à l'ordre du jeune se fera en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. S'agissant d'un mineur, la présence d'un adulte me semble certes légitime. Toutefois - et je ne pense pas être le seul à l'avoir vécue -, l'expérience m'a montré que la présence des parents n'est pas toujours bénéfique.

Sans vouloir allonger le débat, je vous livrerai une petite anecdote. Il y a quelques années, dans ma commune, lors d'un transport scolaire un élève s'est amusé à couper les cheveux de sa voisine. À leur arrivée au collège, le principal m'a alerté, en tant que maire, et nous sommes convenus de convoquer l'élève avec ses parents. Bien mal nous en a pris ! Avant même que nous n'ayons expliqué aux parents ce qui s'était passé et que nous n'ayons commencé notre leçon de morale, les parents nous disaient déjà qu'il était impossible que leur fils soit en cause, car personne n'avait jamais eu à se plaindre de lui. Il était, selon eux, victime d'un coup monté. Le visage de l'élève s'épanouissait au fur et à mesure que ses parents nous contraient. Franchement, ce rappel à l'ordre est tombé complètement à plat ; il a même eu un effet contraire.

C'est la raison pour laquelle nous nous demandons si le fait de prévoir la présence systématique des parents ou des représentants légaux est judicieux, même si nous comprenons le fait que les mineurs doivent être accompagnés d'un parent.

Telles sont, monsieur le ministre, les questions que nous nous posons.

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