Monsieur le rapporteur général, j'ai écouté très attentivement vos explications sur ce point, mais je dois vous avouer qu'il y a une vraie divergence d'analyse entre nous.
Je voudrais tout d'abord faire un petit rappel historique.
S'agissant des mises à disposition gratuites d'équipements aux sous-traitants par les donneurs d'ordre, le Conseil d'Etat avait jugé, en 2003, que le redevable de la taxe professionnelle était le sous-traitant et non le donneur d'ordre, comme le prévoyait la doctrine administrative.
Cette jurisprudence faisait peser une charge excessive sur les sous-traitants qui, comme vous le savez, sont placés dans une situation concurrentielle très forte. C'est pourquoi le législateur, dans l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, a décidé de conforter la doctrine. Toutefois, il est allé trop loin, en visant toutes les mises à disposition gratuites, ce qui a conduit, dès lors, à des excès. En effet, de nombreuses entreprises ayant prêté leurs biens à d'autres dans le cadre de contrats d'approvisionnements ont connu des ressauts d'imposition.
L'Assemblée nationale a recentré le champ de cette mesure sur les biens confiés en contrepartie de l'exécution d'un travail ; de ce point de vue, on entre bien, me semble-t-il, dans les situations de sous-traitance. En effet, pour les autres mises à disposition gratuites, le problème ne se pose pas en termes aussi cruciaux.
Monsieur le rapporteur général, vous souhaitez revenir sur cette mesure, mais je ne suis pas convaincu par votre argumentation.
Tout d'abord, il ne faut pas perdre de vue le fait que la taxe professionnelle est un impôt économique sur l'outil de travail dont l'entreprise dispose, qu'elle en soit propriétaire, locataire ou dépositaire. Si les exceptions à ce principe existent, elles doivent rester limitées, sauf à changer la nature de la taxe professionnelle et à en faire un impôt sur la propriété mobilière.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, puisque vous êtes soucieux de garantir aux collectivités territoriales leurs ressources fiscales, vous devriez être sensible à l'objectif de l'article 40 undecies, qui a pour effet, d'une part, d'imposer les équipements concernés là où ils sont utilisés et, d'autre part, de mettre fin à une rente de situation en faveur des collectivités ayant la chance d'accueillir les entreprises propriétaires de ces équipements, alors même que ces derniers ne leur occasionnent aucune dépense puisque, précisément, ils sont localisés ailleurs.
L'article 40 undecies permettra ainsi de mieux répartir la taxe professionnelle sur le territoire national, en direction notamment des communes rurales, qui sont souvent beaucoup plus pauvres en recettes fiscales, notamment en taxe professionnelle, que les autres.
J'en viens enfin au problème du transfert de charges. Il s'agit en fait de revenir à la solution retenue par le Conseil d'Etat. En outre, il ne faut pas exagérer l'ampleur de ces transferts, en particulier pour les débitants de boissons que vous avez évoqués.
Trois précisions me semblent à cet égard nécessaires.
D'abord, il n'y aura pas le moindre ressaut d'imposition pour les entreprises dont les recettes annuelles sont inférieures à 150 000 euros, car, dans ce cas, elles ne sont pas imposables sur les équipements et les biens mobiliers dont elles disposent. Comme le chiffre d'affaires moyen des débits de boisson est de l'ordre de 100 000 euros, 80 % des établissements ne seront donc pas concernés par la mesure.
Ensuite, la mesure est également neutre pour les débitants de boissons qui perçoivent des commissions de presse, de tabac ou de jeux, lorsque l'activité de commissionnaire est prépondérante. Dans ce cas, la taxe professionnelle est non pas assise sur les équipements, mais sur les recettes.
Enfin, dans l'hypothèse où l'article 40 undecies se traduirait effectivement par une augmentation des bases, il reste aux entreprises la possibilité de bénéficier du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.
Monsieur le rapporteur général, avec ces explications, j'ai eu à coeur de vous démontrer que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale est en réalité de nature à véritablement recentrer le champ de la mesure votée sur les biens confiés en contrepartie de l'exécution d'un travail, c'est-à-dire sur les situations de sous-traitance.
De ce point de vue, je ne peux pas vous suivre dans votre raisonnement, et j'émets un avis défavorable sur votre amendement.