Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 11 juin 2009 à 9h00
Plan autisme 2008-2010 — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà plusieurs mois, la commission des affaires sociales du Sénat avait organisé sur l’initiative de son président, Nicolas About, une table ronde ouverte au public et à la presse sur le thème de la bientraitance des personnes atteintes d’un syndrome autistique.

Cette table ronde, appréciée, nous a permis de faire le point sur les méthodes de diagnostic du syndrome autistique, sur les manifestations très diverses de ce trouble, sur les nouveaux protocoles thérapeutiques et sur les besoins en termes notamment d’accueil, d’accompagnement et d’intégration en milieu scolaire.

Le constat avait alors été fait que la méconnaissance de l’autisme et le manque de formation des professionnels pouvaient entraîner des formes de maltraitance.

Le film projeté ensuite, retraçant l’histoire de la sœur de Sandrine Bonnaire et son parcours dramatique au sein d’institutions psychiatriques, a bien illustré la méconnaissance de ce trouble, qui a d’abord pendant de nombreuses années été confié exclusivement à la psychiatrie.

Assez récemment seulement, la recherche a fait évoluer les connaissances, et c’est aujourd’hui plutôt vers le secteur médico-social que l’on se tourne, quand les places dans ces structures le permettent !

Ainsi, lors de cette table ronde, des besoins et des attentes ont été exprimés de façon précise.

Tous les acteurs présents autour de la table se sont accordés sur un état des lieux préoccupant, au niveau tant de l’accompagnement et de l’accueil des enfants, ainsi que des adultes atteints de ce syndrome, que du manque de formation des personnels intervenant auprès d’eux et d’information auprès des familles.

Si des progrès ont été réalisés dans la recherche des causes de l’autisme et d’un diagnostic plus précoce, la France a pris un retard considérable dans le domaine de la prise en charge, retard qui ne permet pas aux familles un choix véritablement adapté à la situation de leur enfant.

Nous avons appris que ce qui fait l’unité du syndrome de l’autisme, ce sont trois manifestations communes à toutes les personnes atteintes : des troubles des interactions sociales liés à la difficulté à intégrer les codes sociaux et des troubles de la communication verbale et non verbale ; l’existence de comportements stéréotypés et d’intérêts sélectifs, pendant longtemps toujours les mêmes ; l’étroitesse des intérêts, mais avec des compétences développées dans des domaines précis.

Autour de ce syndrome, les troubles associés sont très divers et plus ou moins handicapants selon leur sévérité : déficience intellectuelle, épilepsie, troubles de l’attention, anxiété, troubles alimentaires. Le tableau est très varié et on pourrait presque parler non de l’autisme, mais des autismes.

Tous les professionnels s’accordent pour dire qu’une éducation structurée doit être au cœur des dispositifs. Tous insistent sur la nécessité d’apprentissages le plus tôt possible, car la plasticité cérébrale est d’autant plus importante que l’enfant est jeune et il leur est alors possible d’accéder à un apprentissage des codes sociaux. Des possibilités de récupération existent si la rééducation est précoce.

Pour cela quels sont les besoins ? Une véritable intégration en milieu scolaire, des structures d’accueil adaptées et suffisamment nombreuses pour que l’hôpital psychiatrique ne soit pas, encore trop souvent, la seule solution d’accueil.

Les points essentiels que j’ai retenus lors de cette table ronde, mais aussi lors de mes lectures ensuite et de mes rencontres avec les associations de mon département, sont le besoin d’information et d’aide concrète au sein des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui manquent de personnel pour accueillir et orienter, en prenant le temps, des familles la plupart du temps très démunies, le besoin de places d’accueil adaptées et diversifiées et le besoin d’accès à des méthodes d’éducation, le plus possible en milieu ordinaire.

C’est ce dernier point que je souhaite développer tout particulièrement : l’intégration scolaire des enfants autistes, mais au-delà de tout enfant présentant un handicap.

Alors que le plan Handicap 2005 inscrivait dans la loi la scolarisation de droit dans l’école de son village ou de son quartier de tout élève porteur de handicap, qu’en est-il aujourd’hui ? On parle d’inscriptions fictives pour appliquer la loi, mais sans réelle fréquentation de l’enfant. On parle de manque de moyens et de possibilités d’accueil dans des conditions satisfaisantes, car ces enfants handicapés, qu’ils soient autistes, trisomiques ou hyperactifs, ont besoin d’être accompagnés à l’école.

Les assistants de vie scolaire sont là pour pallier les difficultés rencontrées par ces enfants et les aider à profiter au maximum du temps qu’ils passent à l’école, à recevoir un enseignement, des connaissances, mais aussi à être en relation avec les autres, à apprendre la relation réciproque.

Quelle formation ont-ils ? Quel statut, quelles perspectives professionnelles offre-t-on aujourd’hui à ces assistants, ces personnes devenues indispensables, si l’on veut que soit respecté le droit à l’éducation, inscrit dans la loi ?

Depuis que les emplois des auxiliaires de vie scolaire ont été créés en 2003, leur caractère précaire nous préoccupe ; nous avons d’ailleurs souvent interpellé le ministre de l’éducation nationale à ce sujet.

Cette année, les premières personnes embauchées ayant accompagné pendant six ans, pour certaines d’entre elles, des élèves handicapés, et qui ont acquis des compétences sur le terrain souvent au prix d’efforts personnels en matière de formation vont arriver en fin de contrat. Certaines d’entre elles pourront demander une validation de leurs acquis professionnels et obtenir des équivalences dans des filières reconnues, mais c’est loin d’être le cas de toutes !

C’est pourquoi nous demandons que, dans le cadre du plan Autisme, ces emplois soient pérennisés et qu’une formation qualifiante ainsi qu’un statut de la fonction publique leur soient attachés.

La politique menée actuellement se révèle être un véritable gâchis humain et financier ; elle témoigne d’un mépris insupportable aussi bien pour les élèves en situation de handicap que pour les personnes censées les accompagner.

On ne peut pas à la fois afficher une prise de conscience en lançant un deuxième plan national consacré à l’autisme et maintenir un dispositif indigne alors que, je le répète, tout le monde s’accorde à dire que l’accueil en milieu scolaire ordinaire est une source de progrès garantissant une meilleure qualité de vie non seulement pour l’enfant lui-même, mais aussi pour son entourage.

Aujourd’hui, force est de constater que le bilan du plan 2008-2010, au bout d’un an après le premier plan Autisme 2005-2007, n’est pas à la hauteur des attentes fortes suscitées. Le Gouvernement n’a toujours pas pris la mesure de la situation.

Ainsi, la création de places dans des structures adaptées est très insuffisante : 4 100 places prévues, alors que, tous les ans, entre 5 000 et 8 000 nouveau-nés développeront un syndrome autistique.

La situation de la plupart des familles concernées reste dramatique : sur 80 000 personnes, seules 10 000 d’entre elles bénéficieraient, en France, d’un accompagnement, qui peut n’être, dans certains cas, que partiel.

Au-delà du nombre de places créées, les ressources existantes pourraient être mieux utilisées. L’hôpital prend en charge des autistes pour tenter de les soigner par voie médicamenteuse et en leur fournissant des soins psychiatriques. Le coût de ces dépenses est important, alors même que l’autisme ne se soigne pas ! Il vaudrait sans doute mieux transférer ces moyens sanitaires vers des structures spécialisées ou vers les familles.

Le Comité européen des droits sociaux observe, de source officielle, que, sur les 801 places pour personnes atteintes d’autisme financées en 2005, seules 38 % d’entre elles étaient installées à la fin de cette même année. Par ailleurs, dans le cadre de l’objectif fixé en 2005, 170 places seulement étaient prévues pour 2006 et 27 places pour 2007.

Arrêtons de promettre, réalisons !

Un effort considérable est évidemment encore à fournir pour proposer un accueil adapté dans des structures spécialisées, qui ne soient pas des ghettos. Afin de prendre en compte les besoins, ce serait envoyer un signal fort que de reconsidérer la situation des auxiliaires de vie scolaire en leur offrant un statut et une formation à la hauteur des enjeux pour témoigner de l’intérêt qui leur est porté !

En outre, les familles ont besoin, j’y insiste, d’aides concrètes pour remplir des dossiers complexes, obtenir des informations, recevoir des soutiens d’ordre matériel et en termes d’écoute. En complément des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, les associations locales pourraient remplir ce rôle.

Aujourd’hui, l’aide à l’éducation d’un enfant handicapé s’élève à 120 euros par mois auxquels peuvent s’ajouter des aides compensatrices, pour un montant maximum de 1 100 euros. C’est trop peu quand il faut s’occuper à plein temps d’un enfant qui réclame une attention constante ! Cette allocation doit être revalorisée pour que les parents puissent choisir de s’occuper de leur enfant à leur domicile.

Madame la secrétaire d'État, nous attendons du Gouvernement qu’il prenne en compte toutes nos réflexions et propositions, et suivrons avec vigilance l’avancée du plan.

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