Séance en hémicycle du 11 juin 2009 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 10 juin 2009, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Acte est donné de cette décision.

Cette décision du Conseil constitutionnel va être publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

JOURNÉE DE CONTRÔLE DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Jeudi 11 juin 2009

À 9 heures :

1°) Question orale avec débat n° 39 de Mme Bernadette Dupont (UMP) à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité sur le plan autisme 2008-2010 ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

2°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques) :

- Profils nutritionnels ;

- Vin rosé ;

Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat. Dans le cadre de chacun des débats, interviendront le représentant de la commission compétente, dix minutes, le Gouvernement, dix minutes, puis une discussion spontanée et interactive de vingt minutes sera ouverte sous la forme de questions-réponses, deux minutes maximum par intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

4°) Question orale avec débat n° 37 de M. Jean-Jacques Mirassou (Soc.) à M. le Premier ministre sur l’avenir du programme de l’Airbus A400M ;

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 16 juin 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 15 heures et le soir :

- Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (texte de la commission, n° 448, 2008-2009) ;

Mercredi 17 juin 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 ;

À la suite du président de la commission des affaires étrangères, dix minutes, et de la commission des affaires européennes, dix minutes, interviendront les porte-parole des groupes, dix minutes pour chaque groupe et cinq minutes pour les sénateurs non-inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

2°) Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

Jeudi 18 juin 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

Lors de la séance du mardi 2 juin, le Sénat a décidé, sur proposition de la conférence des présidents et par scrutin public, de prévoir cinq jours de séance supplémentaires au sens de l'article 28, alinéa 3, de la Constitution, le mardi 23 juin, le mercredi 24 juin, le jeudi 25 juin, semaine de contrôle, ainsi que le lundi 29 juin et le mardi 30 juin, semaine d'initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Mardi 23 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 510 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’éducation nationale ;

- n° 518 de M. Philippe Madrelle à Mme la ministre du logement ;

- n° 538 de M. Claude Jeannerot à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

- n° 544 de M. Jean-Marc Pastor à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

- n° 545 de Mme Odette Terrade à Mme la ministre du logement ;

- n° 549 de Mme Fabienne Keller à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse ;

- n° 551 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

- n° 552 de Mme Samia Ghali à M. le ministre de l’éducation nationale ;

- n° 555 de M. Michel Magras à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

- n° 556 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 557 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

- n° 559 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

Conséquences pour les apiculteurs de l’introduction de la tenthrède

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

- n° 561 de Mme Colette Giudicelli à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

- n° 562 de M. Jean Milhau à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

- n° 563 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

- n° 564 de M. Jean-Pierre Sueur à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 565 de M. Didier Guillaume à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

- n° 578 de M. Roger Madec à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

À 15 heures :

2°) Débat sur les pôles d’excellence rurale (demande du groupe Union centriste) ;

3°) Question orale avec débat n° 44 de Mme Claire-Lise Campion (Soc.) à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ;

Mercredi 24 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 14 heures 30 :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires ;

À 15 heures 30 et, éventuellement, le soir :

2°) Débat sur l’éducation :

- Les moyens de l’éducation nationale (demande de la commission des finances) ;

- La réforme des lycées (demande de la commission des affaires culturelles) ;

- La décentralisation des enseignements artistiques (demande du groupe Union centriste) ;

3°) Question orale avec débat n° 36 de M. Ivan Renar (CRC-SPG) à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’évaluation du crédit impôt recherche ;

Jeudi 25 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 9 heures :

1°) Débat sur le volet agricole de la négociation OMC (demande du groupe RDSE) ;

2°) Débat sur la crise de la filière laitière (demande du groupe UMP) ;

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

4°) Question orale avec débat n° 43 de M. André Vantomme (Soc.) à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, sur le fonctionnement du Pôle emploi.

5°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois) :

- Le congé de maternité ;

- La publication des données « Passagers » dans les vols internationaux ;

SEMAINE D’INITIATIVE SÉNATORIALE

Lundi 29 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 16 heures :

1°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi tendant à modifier le scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (A.N., n° 54) (demande du groupe RDSE) ;

2°) Proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe et François Zocchetto (215, 2007-2008) (demande de la commission des affaires culturelles) ;

Le soir :

3°) Proposition de loi visant à renforcer l’efficacité de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, présentée par M. Jean Arthuis (398, 2008-2009) (demande du groupe UC, report de la séance mensuelle réservée) ;

Mardi 30 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 15 heures et le soir :

1°) Débat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales ;

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs et à améliorer l’accompagnement médical et social des victimes (372, 2008 2009) (demande du groupe UMP) ;

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, afin de laisser à l’auteur de la question orale avec débat constituant le prochain point de l’ordre du jour le temps d’arriver dans l’hémicycle, je vais suspendre la séance quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à neuf heures dix, est reprise à neuf heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je me suis levé de très bonne heure.

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Les séances ont lieu de plus en plus tôt le matin, et aujourd’hui nous sommes obligés d’attendre !

Sourires et exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous avons conscience que les horaires vont évoluer, mais certaines séances se terminent parfois très tard. Commencer de plus en plus tôt, à 9 heures le matin ou à 14 heures 30 l’après-midi, c’est demander beaucoup aux parlementaires.

Je suis étonné, je le dis en toute amitié, que Mme Bernadette Dupont n’ait pas été là à l’heure !

Sourires et exclamations

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Mme Bernadette Dupont n’est pas en cause. Nous reparlerons du problème des horaires en conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 39 de Mme Bernadette Dupont à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité sur le plan Autisme 2008-2010.

La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser pour ce retard.

Le vendredi 18 mai 2008 était annoncé le plan Autisme 2008-2010 avec pour objectif de « construire une nouvelle étape de la politique des troubles envahissants du développement, les TED, en particulier de l’autisme ».

Où en sommes-nous aujourd’hui le 11 juin 2009 ?

Il y aurait en France plus de 100 000 personnes autistes, dont un quart ont moins de vingt ans ; 75 % d’entre elles, enfants et adultes confondus, ont besoin d’établissements spécialisés.

Si l’on peut espérer en intégrer peu ou prou 25 %, environ 80 000 personnes resteraient dans leurs familles, accompagnées par quelques prises en charge extérieures de type hôpitaux de jour.

Or, on sait aujourd’hui que, contrairement à la thèse qui a longtemps prévalu, l’autisme est non pas un trouble d’origine psychiatrique, ni affective, mais un trouble neuro-développemental, entraînant des troubles envahissants du développement et du comportement avec toutes sortes de symptômes dont la liste serait longue, mais qui, dans tous les cas, sont douloureux à vivre pour la personne atteinte et son entourage.

Je pense en particulier aux familles, parents et fratries, qui ont à supporter trop seuls la pénibilité d’un enfant, d’un frère ou d’une sœur, souvent incompréhensible, imprévisible, incontrôlable, l’impuissance s’accompagnant parfois d’un sentiment de culpabilité dont on sait aujourd’hui qu’il ne devrait pas être.

Des études ont démontré, expériences à l’appui, la nécessité pour améliorer la vie des personnes autistes ou atteintes de troubles de type autistique d’une prise en charge éducative spécifique, avec suivi médical.

Des résultats très positifs sont obtenus, spécialement sur les jeunes enfants, ce qui pose le principe du diagnostic précoce. Même délicat à poser pour un médecin, dur à entendre et à assumer pour des parents, ce diagnostic est le meilleur atout que l’on puisse offrir pour une vie améliorée à défaut de guérison.

Notre pays est en retard, la médecine et les éducateurs spécialisés pas ou peu formés et trop peu informés des avancées de la recherche sur l’autisme, depuis les centres d’action médico-sociale précoce, les CAMSP, dont on connaît l’excellent travail, jusqu’aux établissements pour adultes.

Si l’objectif du plan Autisme prend en compte la mise en place d’un dispositif de diagnostic, d’accompagnement et de prise en charge des personnes autistes et TED, tirant pleinement profit des plus récentes connaissances sur ce handicap, quel rapport d’étape peut-on présenter à cette date ?

Ce plan a suscité les plus grands espoirs chez les familles en attente d’une solution de prise en charge pour leurs enfants, jeunes ou adultes. Nous n’avons pas le droit de les décevoir. La solidarité nationale, qui s’est prononcée pour avancer, doit maintenant passer aux actes.

Je sais que ce n’est pas simple. De nombreuses associations œuvrent dans ce domaine et les propositions de pratiques éducatives sont diverses, voire controversées dans certains cas, car trop contraignantes pour la personne autiste. Il faut cependant travailler avec elles, chacune pouvant apporter un éclairage et sa pierre à la construction d’une prise en charge, hors le champ psychiatrique, qui ne retienne que les principes essentiels, le socle commun d’une éducation nécessaire à l’amélioration de la vie des personnes autistes, pour arriver à la création de places d’accueil en structures adaptées.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si, dès cette rentrée 2009, des structures innovantes seront offertes à un plus grand nombre de familles, comment ces structures pourraient être liées au projet de loi réformant l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires et s’il y a un risque de retard au regard de la date d’application de cette loi ?

Quelle prise en charge pourra assurer l’éducation nationale pour l’intégration en milieu scolaire ordinaire, très insuffisante d’une façon générale actuellement et plus encore à l’adolescence ?

Les groupes de travail sont nombreux, mais leurs conclusions, la plupart du temps, sont suivies d’effets aléatoires. Tous les processus mis en place sont longs, très longs, trop longs !

Les promesses sont insuffisantes pour toutes ces familles, qui attendent dans la souffrance et sont victimes de leur discrétion. Leur rythme quotidien leur interdit en général de manifester publiquement pour se faire entendre.

En leur nom, je vous remercie de réaliser les promesses engagées sur un sujet que vous prenez à cœur, je le sais, en m’indiquant les moyens en vigueur pour y parvenir dans des délais acceptables, et donner aux familles un espoir non vain.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà plusieurs mois, la commission des affaires sociales du Sénat avait organisé sur l’initiative de son président, Nicolas About, une table ronde ouverte au public et à la presse sur le thème de la bientraitance des personnes atteintes d’un syndrome autistique.

Cette table ronde, appréciée, nous a permis de faire le point sur les méthodes de diagnostic du syndrome autistique, sur les manifestations très diverses de ce trouble, sur les nouveaux protocoles thérapeutiques et sur les besoins en termes notamment d’accueil, d’accompagnement et d’intégration en milieu scolaire.

Le constat avait alors été fait que la méconnaissance de l’autisme et le manque de formation des professionnels pouvaient entraîner des formes de maltraitance.

Le film projeté ensuite, retraçant l’histoire de la sœur de Sandrine Bonnaire et son parcours dramatique au sein d’institutions psychiatriques, a bien illustré la méconnaissance de ce trouble, qui a d’abord pendant de nombreuses années été confié exclusivement à la psychiatrie.

Assez récemment seulement, la recherche a fait évoluer les connaissances, et c’est aujourd’hui plutôt vers le secteur médico-social que l’on se tourne, quand les places dans ces structures le permettent !

Ainsi, lors de cette table ronde, des besoins et des attentes ont été exprimés de façon précise.

Tous les acteurs présents autour de la table se sont accordés sur un état des lieux préoccupant, au niveau tant de l’accompagnement et de l’accueil des enfants, ainsi que des adultes atteints de ce syndrome, que du manque de formation des personnels intervenant auprès d’eux et d’information auprès des familles.

Si des progrès ont été réalisés dans la recherche des causes de l’autisme et d’un diagnostic plus précoce, la France a pris un retard considérable dans le domaine de la prise en charge, retard qui ne permet pas aux familles un choix véritablement adapté à la situation de leur enfant.

Nous avons appris que ce qui fait l’unité du syndrome de l’autisme, ce sont trois manifestations communes à toutes les personnes atteintes : des troubles des interactions sociales liés à la difficulté à intégrer les codes sociaux et des troubles de la communication verbale et non verbale ; l’existence de comportements stéréotypés et d’intérêts sélectifs, pendant longtemps toujours les mêmes ; l’étroitesse des intérêts, mais avec des compétences développées dans des domaines précis.

Autour de ce syndrome, les troubles associés sont très divers et plus ou moins handicapants selon leur sévérité : déficience intellectuelle, épilepsie, troubles de l’attention, anxiété, troubles alimentaires. Le tableau est très varié et on pourrait presque parler non de l’autisme, mais des autismes.

Tous les professionnels s’accordent pour dire qu’une éducation structurée doit être au cœur des dispositifs. Tous insistent sur la nécessité d’apprentissages le plus tôt possible, car la plasticité cérébrale est d’autant plus importante que l’enfant est jeune et il leur est alors possible d’accéder à un apprentissage des codes sociaux. Des possibilités de récupération existent si la rééducation est précoce.

Pour cela quels sont les besoins ? Une véritable intégration en milieu scolaire, des structures d’accueil adaptées et suffisamment nombreuses pour que l’hôpital psychiatrique ne soit pas, encore trop souvent, la seule solution d’accueil.

Les points essentiels que j’ai retenus lors de cette table ronde, mais aussi lors de mes lectures ensuite et de mes rencontres avec les associations de mon département, sont le besoin d’information et d’aide concrète au sein des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui manquent de personnel pour accueillir et orienter, en prenant le temps, des familles la plupart du temps très démunies, le besoin de places d’accueil adaptées et diversifiées et le besoin d’accès à des méthodes d’éducation, le plus possible en milieu ordinaire.

C’est ce dernier point que je souhaite développer tout particulièrement : l’intégration scolaire des enfants autistes, mais au-delà de tout enfant présentant un handicap.

Alors que le plan Handicap 2005 inscrivait dans la loi la scolarisation de droit dans l’école de son village ou de son quartier de tout élève porteur de handicap, qu’en est-il aujourd’hui ? On parle d’inscriptions fictives pour appliquer la loi, mais sans réelle fréquentation de l’enfant. On parle de manque de moyens et de possibilités d’accueil dans des conditions satisfaisantes, car ces enfants handicapés, qu’ils soient autistes, trisomiques ou hyperactifs, ont besoin d’être accompagnés à l’école.

Les assistants de vie scolaire sont là pour pallier les difficultés rencontrées par ces enfants et les aider à profiter au maximum du temps qu’ils passent à l’école, à recevoir un enseignement, des connaissances, mais aussi à être en relation avec les autres, à apprendre la relation réciproque.

Quelle formation ont-ils ? Quel statut, quelles perspectives professionnelles offre-t-on aujourd’hui à ces assistants, ces personnes devenues indispensables, si l’on veut que soit respecté le droit à l’éducation, inscrit dans la loi ?

Depuis que les emplois des auxiliaires de vie scolaire ont été créés en 2003, leur caractère précaire nous préoccupe ; nous avons d’ailleurs souvent interpellé le ministre de l’éducation nationale à ce sujet.

Cette année, les premières personnes embauchées ayant accompagné pendant six ans, pour certaines d’entre elles, des élèves handicapés, et qui ont acquis des compétences sur le terrain souvent au prix d’efforts personnels en matière de formation vont arriver en fin de contrat. Certaines d’entre elles pourront demander une validation de leurs acquis professionnels et obtenir des équivalences dans des filières reconnues, mais c’est loin d’être le cas de toutes !

C’est pourquoi nous demandons que, dans le cadre du plan Autisme, ces emplois soient pérennisés et qu’une formation qualifiante ainsi qu’un statut de la fonction publique leur soient attachés.

La politique menée actuellement se révèle être un véritable gâchis humain et financier ; elle témoigne d’un mépris insupportable aussi bien pour les élèves en situation de handicap que pour les personnes censées les accompagner.

On ne peut pas à la fois afficher une prise de conscience en lançant un deuxième plan national consacré à l’autisme et maintenir un dispositif indigne alors que, je le répète, tout le monde s’accorde à dire que l’accueil en milieu scolaire ordinaire est une source de progrès garantissant une meilleure qualité de vie non seulement pour l’enfant lui-même, mais aussi pour son entourage.

Aujourd’hui, force est de constater que le bilan du plan 2008-2010, au bout d’un an après le premier plan Autisme 2005-2007, n’est pas à la hauteur des attentes fortes suscitées. Le Gouvernement n’a toujours pas pris la mesure de la situation.

Ainsi, la création de places dans des structures adaptées est très insuffisante : 4 100 places prévues, alors que, tous les ans, entre 5 000 et 8 000 nouveau-nés développeront un syndrome autistique.

La situation de la plupart des familles concernées reste dramatique : sur 80 000 personnes, seules 10 000 d’entre elles bénéficieraient, en France, d’un accompagnement, qui peut n’être, dans certains cas, que partiel.

Au-delà du nombre de places créées, les ressources existantes pourraient être mieux utilisées. L’hôpital prend en charge des autistes pour tenter de les soigner par voie médicamenteuse et en leur fournissant des soins psychiatriques. Le coût de ces dépenses est important, alors même que l’autisme ne se soigne pas ! Il vaudrait sans doute mieux transférer ces moyens sanitaires vers des structures spécialisées ou vers les familles.

Le Comité européen des droits sociaux observe, de source officielle, que, sur les 801 places pour personnes atteintes d’autisme financées en 2005, seules 38 % d’entre elles étaient installées à la fin de cette même année. Par ailleurs, dans le cadre de l’objectif fixé en 2005, 170 places seulement étaient prévues pour 2006 et 27 places pour 2007.

Arrêtons de promettre, réalisons !

Un effort considérable est évidemment encore à fournir pour proposer un accueil adapté dans des structures spécialisées, qui ne soient pas des ghettos. Afin de prendre en compte les besoins, ce serait envoyer un signal fort que de reconsidérer la situation des auxiliaires de vie scolaire en leur offrant un statut et une formation à la hauteur des enjeux pour témoigner de l’intérêt qui leur est porté !

En outre, les familles ont besoin, j’y insiste, d’aides concrètes pour remplir des dossiers complexes, obtenir des informations, recevoir des soutiens d’ordre matériel et en termes d’écoute. En complément des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, les associations locales pourraient remplir ce rôle.

Aujourd’hui, l’aide à l’éducation d’un enfant handicapé s’élève à 120 euros par mois auxquels peuvent s’ajouter des aides compensatrices, pour un montant maximum de 1 100 euros. C’est trop peu quand il faut s’occuper à plein temps d’un enfant qui réclame une attention constante ! Cette allocation doit être revalorisée pour que les parents puissent choisir de s’occuper de leur enfant à leur domicile.

Madame la secrétaire d'État, nous attendons du Gouvernement qu’il prenne en compte toutes nos réflexions et propositions, et suivrons avec vigilance l’avancée du plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

Madame la secrétaire d'État, je tiens tout d’abord à saluer la mobilisation du Gouvernement et votre volonté de faire bouger les choses.

Un premier plan Autisme 2005-2007 a permis la création de 2 600 places en établissements. Le second plan, élaboré avec les familles et les associations, tente d’apporter non seulement des solutions quantitatives, avec 4 100 places supplémentaires, mais également qualitatives, avec un dispositif de dépistage, d’accompagnement et de prise en charge. La France est dramatiquement en retard dans la prise en charge de l’autisme, qui concerne plus de 100 000 personnes.

J’aborderai devant vous les principales difficultés rencontrées par les familles, et que j’avais déjà évoquées lors de la présentation de mon rapport préalable à la loi du 11 février 2005.

Concernant le dépistage, l’autisme peut être détecté tôt, dès l’âge de dix-huit mois. Or les médecins ne sont pas suffisamment formés, ce qui est très grave. On le sait, une prise en charge précoce de l’enfant peut lui permettre de réaliser des progrès significatifs dans le développement de ses capacités cognitives et sociales pour récupérer notamment certaines fonctions, tel le langage.

Par ailleurs, le problème crucial rencontré par les familles est le manque de places d’accueil.

Les résultats sont encore très insuffisants. Ne pouvant trouver une structure, nombreuses sont les familles faisant le choix de placer leur enfant en Belgique, malgré l’inconvénient de la distance. J’estime, pour ma part, que cette situation est indigne d’un pays comme le nôtre.

En février dernier, la députée Cécile Gallez, résidant aux confins de la Belgique, a publié un rapport faisant le point sur cet état de fait. Elle décrit un meilleur accompagnement belge.

Tout d’abord, sur le plan scolaire, la prise en charge des enfants autistes considérés intégrables par la commission d’autonomie y est plus rapide : l’enfant passe en consultation devant un psychologue et est aussitôt inscrit dans une école spécialisée.

En France, l’intégration d’un enfant est plus longue et plus compliquée. Les maîtres ne sont pas assez formés, et il n’y a pas suffisamment d’auxiliaires de vie scolaire, les AVS. La formation des AVS consiste en une information générale sur le handicap, ce qui n’est pas satisfaisant vu les spécificités de l’autisme.

Si, en application de la loi du 11 février 2005, le nombre d’inscriptions à l’école a augmenté, la scolarisation effective de ces enfants reste toutefois encore insuffisante en France.

À Paris, ville de plus de deux millions d’habitants, le nombre d’enfants autistes scolarisés est le même qu’à Mons, ville belge qui ne compte que 97 000 habitants ! J’ajoute que d’autres pays ont mieux aménagé la scolarisation des enfants autistes.

Ainsi, en Italie, les effectifs des classes qui accueillent ces enfants sont divisés par deux. En Belgique, les classes comprennent au maximum huit enfants. En Suède, tous les enfants autistes sont scolarisés.

Par ailleurs, les instituts médico-éducatifs ne sont pas assez nombreux ; l’accompagnement est souvent meilleur dans les institutions belges.

Tous les spécialistes s’accordent à reconnaître l’importance de la famille dans l’évolution de l’enfant. Les institutions belges s’ouvrent aux familles, tant aux parents qu’à la fratrie, cheminant véritablement en commun. Le système, d’une grande souplesse, permet d’accueillir l’enfant en internat en période de crise ou, à l’inverse, de soutenir un retour dans la famille quand cela va mieux. Les structures, souvent de petite taille, tentent d’assurer une prise en charge à long terme, ainsi qu’une recherche de solutions pour l’avenir de l’enfant.

Le plan Autisme, qui prévoit de créer des places, doit donc s’inspirer du système belge, c’est du moins notre avis. Les familles comme les professionnels sont, dans leur ensemble, persuadés qu’il n’existe pas, pour le moment, une méthode unique qui serait applicable avec efficacité à tous les autistes. D’ailleurs, existe-t-il un autisme ou des autismes ?

Le président du groupe de suivi scientifique sur l’autisme nous a expliqué lors d’une table ronde organisée l’année dernière par la commission des affaires sociales que, sur 100 personnes arrivées à l’âge adulte, 15 mènent une vie normale, entre 30 et 35 peuvent exercer une activité dans un lieu protégé et vivre dans un logement autonome, mais en étant aidées, 30 ont une activité non rentable et ont besoin d’aides ponctuelles, et 20 sont très dépendantes.

Il faut pouvoir répondre à ces différentes situations en diversifiant les types de structures créées. Il faut également que les parents soient rassurés sur la prise en charge de leur enfant quand ils ne seront plus là, le plus grave étant sans doute l’insuffisance de la prise en charge des autistes adultes. Il n’existe pratiquement pas d’établissement spécialisé pour eux en France, que ce soit en externat ou en internat.

Or il est reconnu que, sous peine de régression, il faut maintenir un accompagnement éducatif et social avec les autistes adultes : moins de 10 % d’entre eux ont accès à des établissements ou services d’aide par le travail, les ESAT. Que ce soit pour les enfants ou les adultes, le dernier recours reste l’hôpital psychiatrique, alors qu’il est inadapté pour les autistes. Ils arrivent dans la sphère du médical sans avoir participé à de nombreuses actions éducatives spécifiques, et le coût de journée y est élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

En France, l’autisme dépend trop de l’institution psychiatrique au détriment de traitements fondés sur l’apprentissage. Je rappelle que, pour l’OMS, l’autisme n’est pas une maladie psychiatrique, c’est un trouble d’origine neurobiologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

Aucune méthode n’est venue à bout de l’autisme, mais pourquoi se priver des enseignements des méthodes pratiquées à l’étranger ?

Par exemple, les professionnels ne comprennent pas pourquoi l’approche française bloque la reconnaissance de méthodes de communication alternatives, comme la méthode ABA. Cette méthode que l’on peut traduire en français par « analyse appliquée du comportement », et qui vise à modifier les comportements de la personne autiste, permet d’obtenir de bons résultats.

En outre, je signale qu’une évaluation sera faite du packing, méthode pratiquée en France consistant à envelopper la personne dans un linge froid pour lui rendre la conscience de son corps. Certaines associations s’indignent de l’emploi de cette méthode sans le consentement des familles, parlent de maltraitance et attendent donc beaucoup de cette expertise. Madame la secrétaire d'État, quand les résultats de cette expertise seront-ils connus ?

Enfin, je souhaiterais souligner la nécessité de mieux informer les parents sur l’autisme et les différentes structures d’accueil. Pour le moment, ce sont surtout les associations qui accompagnent les familles.

Les familles attendent beaucoup de l’amélioration des connaissances médicales relatives à l’autisme, ainsi que du plan Autisme. Aussi, madame la secrétaire d'État, nous vous écouterons attentivement présenter les résultats récents du plan et exposer les avancées à venir. Il est de notre devoir de reconnaître la souffrance des familles et de tout faire pour les aider.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les handicaps, les troubles envahissants du développement sont extrêmement difficiles à vivre tant pour les enfants atteints que pour les parents, qui, brutalement, se trouvent confrontés à l’inenvisageable et à un profond désarroi lorsque s’impose la réalité du handicap.

Ce désarroi ne fait que s’accentuer lorsque débute la recherche d’une structure d’accueil : déscolarisation, absence d’accueil et de concertation avec les familles, refus implicite et parfois explicite d’appliquer les dispositions de la circulaire ministérielle n°2005-124 du 8 mars 2005 ; besoins d’accompagnement remis en cause, revus à la baisse quand ils ne sont pas purement et simplement niés ; ignorance ou parfois refus de mettre en œuvre des techniques de prise en charge ou d’enseignement ayant déjà fait leur preuve ailleurs ; violences exercées à l’encontre des enfants atteints, faute de formation adaptée.

La liste est longue de ces portes fermées, de ces murs institutionnels auxquels se heurtent les personnes concernées par le handicap. Mais ces carences ne peuvent nous faire oublier le travail quotidien et la combativité dont ont fait preuve familles, associations et professionnels, afin de garantir un quotidien vivable aux personnes atteintes de ces troubles envahissants et à leur environnement.

Madame la secrétaire d'État, votre plan Autisme 2008-2010 ambitionne de remédier à ces manquements, ce dont nous vous félicitons. Le bilan d’étape du 28 mai dernier annonce une suite prometteuse. Toutefois, il suscite non pas des objections, mais quelques interrogations.

Permettez-moi de prendre l’exemple de mon département.

La Réunion compte environ 3 700 personnes atteintes de ces troubles, une extrapolation du taux de prévalence retenu par l’OMS et d’ailleurs repris dans le plan Autisme.

On y constate un nombre très insuffisant de structures pour accueillir les enfants, adolescents et adultes, ainsi qu’une absence d’alternative en matière de prise en charge.

Actuellement, aucun traitement comportemental n’est proposé aux familles réunionnaises, alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à solliciter cette approche éducative.

C’est la raison pour laquelle, en septembre 2008, l’association Autisme Bel Avenir a soumis au CROSMS de la Réunion, le Comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale, un projet de création de structure fondé sur le traitement comportemental appliqué en expérimentation, élaboré sur le même modèle que celui de l’association Pas à Pas de Villeneuve-d’Ascq, et grâce à une étroite collaboration avec celle-ci.

Ce projet converge, sur bien des points, avec votre plan Autisme.

Le traitement innovant choisi est la méthode ABA, Applied Behavioral Analysis.

Pour la formation universitaire, l’Association Autisme Bel Avenir a rencontré le président de Lille III et celui de l’université de la Réunion, qui s’est dit prêt à plaider en faveur de la création, dans son établissement, d’une licence professionnelle en analyse appliquée du comportement, en partenariat avec Lille III et d’autres si toute la filière de formation universitaire s’impose en France métropolitaine.

À ces deux volets s’ajoute celui de la coopération régionale, auquel, n’en doutez pas, nous attachons beaucoup d’importance.

En 2007, l’Association a exposé ce projet au président seychellois, James Michel, qui, de passage à la Réunion, a montré un vif intérêt.

Le CROSMS a émis un avis favorable à ce projet ABA ; c’était une première en France. Il a toutefois exprimé quelques réserves, dont une concerne le coût, qui est la pierre d’achoppement à l’ouverture des établissements expérimentaux.

Alors qu’un des axes de ce deuxième plan Autisme est la mise en exergue des méthodes innovantes, les moyens financiers ne semblent pas suivre. Au vu de votre bilan apparaît une inadéquation entre votre détermination à privilégier l’expérimentation et l’application.

Se pose alors, madame la secrétaire d’État, la question de savoir par quel moyen vous comptez remédier à ce décalage.

Envisager de demander aux porteurs de projet de revoir à la baisse le coût de la prise en charge, c’est faire fi des dépenses spécifiques de certaines méthodes expérimentales, comme le suivi des enfants dans leurs différents lieux de vie : maison, école, lieux de loisirs, etc. Cela sous-entend des remboursements très élevés aux intervenants auprès des personnes atteintes sur la base de la convention 66. À cela, il faut ajouter des frais impromptus.

Vous parlez d’enveloppe nationale mise en réserve. Vient-elle en complément du financement de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS ? Quels sont les critères requis pour bénéficier de cette enveloppe ? Toutes les régions peuvent-elles y prétendre ?

Enfin, madame la secrétaire d’État, le problème de l’évaluation est crucial pour la pérennisation des traitements innovants.

L’expérimentation n’a de sens que si l’on établit une comparaison entre le groupe de contrôle aux méthodes classiques et les groupes aux traitements comportementaux, avec une grille d’évaluation unique incluant également des données diverses, telles que le nombre d’heures de prise en charge, la formation du personnel, le type de structure, etc. Tout doit être pris en compte.

Voilà autant d’interrogations qui, je n’en doute pas, recevront des réponses satisfaisantes, grâce à votre réceptivité à l’innovation et à votre capacité d’écoute tant des familles que des associations ou des professionnels concernés par l’autisme. Madame la secrétaire d’État, j’ose espérer que vous serez attentive aux projets innovants présentés dans le département qui est le mien, celui de la Réunion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le plan Autisme 2008-2010 marque un vrai tournant dans la prise en charge de ce handicap dans notre pays.

Les familles d’enfants et de personnes souffrant d’autisme l’ont perçu ainsi, car il apporte, enfin, des réponses à nombre de leurs attentes. Je dis « enfin », parce que tous les acteurs soulignaient, voilà encore un an, le déficit majeur de la France dans ce domaine.

« Les personnes, enfants et adultes, atteintes de syndromes autistiques et leurs proches sont aujourd’hui encore victimes en France d’une errance diagnostique, conduisant à un diagnostic souvent tardif, de grandes difficultés d’accès à un accompagnement éducatif précoce et adapté, d’un manque de place dans des structures d’accueil adaptées, de l’impossibilité pour les familles de choisir les modalités de prise en charge des enfants, de la carence de soutien aux familles et de la carence d’accompagnement, de soins, et d’insertion sociale des personnes adultes et âgées atteintes de ce handicap. » Ce constat cinglant fut celui du Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, dans un avis de 8 novembre 2007.

Les choses ont évolué. Lors du lancement de ce second plan, vous reconnaissiez vous-même ce retard, madame la secrétaire d'État, en déclarant : « on part de très loin » et en soulignant « l’ambition » du Gouvernement sur le sujet.

Ce plan Autisme 2008-2010 s’avère, en effet, empreint d’une réelle volonté politique, mais surtout ouvert, tolérant et sans a priori.

Le professeur Jean-Claude Ameisen, rapporteur de l’avis critique précité du CCNE, est allé plus loin en parlant d’un dispositif dont le mérite est d’« inscrire l’autisme dans une vision plus humaine et plus moderne » et d’amorcer « une véritable évolution culturelle ».

Il est incontestable que ce plan promeut la prise en charge diversifiée, adaptée aux besoins des personnes atteintes d’autisme. Je la résumerai en quelques points, jugés fondamentaux par les familles d’enfants et de personnes atteintes d’autisme.

Le premier est celui d’un diagnostic fiable et le plus précoce possible.

À l’occasion de la table ronde sur l’autisme, organisée par la commission des affaires sociales, le 28 mai 2008, le professeur Catherine Barthélémy, chef de service de pédopsychiatrie du CHU de Tours, a indiqué qu’un consensus était établi pour dire que l’autisme est un trouble neurocomportemental qui atteint la capacité des personnes à dialoguer avec leur entourage. Cette incapacité d’interaction proviendrait d’anomalies de fonctionnement de certaines zones du cerveau dont la vocation est de recevoir les messages émotionnels.

Une personne est atteinte d’autisme lorsqu’elle présente trois types de symptômes sur lesquels je ne reviendrai pas. Un diagnostic précoce permet donc la mise en place, dès l’enfance, d’une rééducation, alors même que le cerveau est encore malléable. Celle-ci peut aboutir à récupérer certaines fonctions, notamment le langage verbal et non verbal.

J’ai rencontré sur mon lieu de vacances le professeur Rutger Jan van der Gaag, chef de service à l’hôpital, professeur de pédopsychiatrie de l’Université Radboud de Nimègue aux Pays-Bas, enseignant à l’université Le Mirail de Toulouse et spécialiste de l’autisme.

Il m’a longuement exposé ses travaux sur les supports les plus adaptés pour permettre aux professionnels un dépistage très précoce et sur la stimulation de l’attention conjointe proposée aux enfants ainsi précocement diagnostiqués, afin de favoriser l’apparition du langage. C’est un travail qu’il conduit avec efficacité depuis de très nombreuses années.

Il est incontestable que la France a pris, dans ce domaine, beaucoup de retard qu’il est urgent de rattraper. En réponse à cet impératif, le plan Autisme met l’accent sur le développement de la recherche et l’élaboration d’un corpus des connaissances. Il cible également l’amélioration de la formation initiale et continue des professionnels de santé et des professionnels du secteur médicosocial.

Le deuxième point important est un accompagnement adapté de l’autiste.

Les spécialistes soulignent qu’il doit s’agir d’un accompagnement éducatif, comportemental et psychologique, individualisé, avec un soutien orthophonique, impliquant le plus possible la famille et centré sur l’apprentissage de capacités relationnelles, de communication, de l’autonomie et d’une appropriation de l’environnement.

Cela va de pair avec la demande des familles en faveur de la mise en place des méthodes d’apprentissage, dont l’efficacité est éprouvée depuis de nombreuses années dans les pays anglo-saxons, mais peu reconnue en France, où l’approche psychiatrique est encore favorisée. Je fais, bien sûr, référence notamment au programme TEACCH – Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped Children – et à la méthode ABA.

Le plan Autisme 2008-2010 répond favorablement à cette attente par la promotion et le financement d’expérimentations de ces méthodes éducatives et comportementales.

Un autre élément d’une prise en charge efficace s’avère être le développement de structures éducatives et d’accueil adaptées.

L’exemple de la Suède est à retenir. Les internats destinés aux enfants atteints d’autisme ont été remplacés par des classes adaptées au sein des écoles ordinaires. Les résidences pour enfants et adolescents ont été fermées, au profit notamment de petites structures de quatre enfants au maximum.

On retrouve aussi ces objectifs dans le plan Autisme 2008-2010, avec ce qui concerne aussi bien l’intégration à l’école ordinaire, le développement de places de service d’éducation spéciale et de soins à domicile, ou SESSAD, que la création de petites unités de vie ou de logements adaptés avec des services d’accompagnement médico-social.

Le dernier impératif, et non des moindres, est celui du soutien psychologique et social apporté aux familles.

Ce plan Autisme met également l’accent sur l’information, l’orientation et l’accompagnement des proches.

Que conclure à ce stade ? Que les demandes des familles ont été entendues. Que les réponses sont apportées par ce plan.

Nous sommes aujourd’hui à mi-parcours dans la mise en place de celui-ci. Toutefois, les familles semblent s’impatienter. Elles s’inquiètent de l’application, dans le temps, de ce plan et vous demandent de passer à la « vitesse supérieure ». Je sais que vous ne ménagez pas vos efforts, notamment pour le financement de l’ouverture de structures innovantes. Nous souhaitons en connaître les résultats et les mesures d’amélioration et d’accélération dans la poursuite de ce plan.

Madame la secrétaire d’État, nous vous remercions par avance de vos réponses.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une évolution se dessine aujourd’hui dans l’approche de l’autisme et des troubles envahissants du développement, ou TED, que reflète, à mon sens, le plan Autisme 2008-2010, même si elle s’y inscrit en filigrane. Cette incontestable prise de conscience doit nous permettre de briser le carcan de réponses trop manichéennes et d’adopter avec modestie une approche plus transversale des différentes manifestations d’autisme, notamment, comme cela est envisagé, par l’expérimentation.

Encore faut-il que les mesures d’accompagnement concrétisent cette approche systémique, à défaut de quoi les intentions, si méritoires soient-elles, resteront vaines. Or nous sommes loin, peut-être même encore très loin du compte ! Ni les moyens, ni l’ensemble des ministères impliqués ne sont au rendez-vous.

« Toutefois ces avancées ne sauraient masquer les insuffisances auxquelles il faut encore remédier », écrivez-vous. Cette lucidité vous honore, mais le terme d’« insuffisance » est faible au regard du désarroi des familles.

Vous faites état aujourd’hui de la création de 1 158 places nouvelles autorisées et financées sur un programme de 4 100 places. Rapportées aux évaluations, même les plus basses, de 180 000 personnes souffrant de TED selon l’INSERM, 600 000 selon le Comité d’éthique, et aux 5 000 à 8 000 nouveau-nés concernés, le nombre de ces places apparaît malheureusement faible, presque dérisoire, d’autant que les données relatives aux malades, qu’elles résultent de l’affection ou du dépistage, sont encore en augmentation !

Le plan Autisme 2008-2010 est, certes, extrêmement ambitieux. Mais, lorsque nous examinons les trois axes qu’il décline, nous nous interrogeons sur l’ampleur des recherches prévues, nous nous inquiétons de la formation, nous ne trouvons pas les postes indispensables au dépistage précoce, à l’accueil, à l’information et à l’accompagnement des familles. Est-il besoin de souligner que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, manquent déjà de personnel et que les postes non pourvus ne sont toujours pas compensés comme ils devraient l’être ?

S’agissant de la scolarisation, dont l’importance dans le processus de socialisation des enfants est avérée, nous craignons, bien évidemment, les conséquences de la disparition des auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Comment n’avoir pas anticipé le terme de leurs contrats ? Que vont devenir ces enfants et leurs familles ? Cet abandon ne constitue-t-il pas une nouvelle « maltraitance par défaut », pour laquelle la France a déjà été condamnée en 2004 par le Conseil de l’Europe ?

Serait-il invraisemblable d’appliquer ici ce que fait l’Italie, donnée en exemple par le Comité d’éthique dans son avis du 8 novembre 2007, où l’effectif d’une classe qui accueille un enfant handicapé est automatiquement divisé par deux et l’enseignant assisté d’une personne spécialisée ?

Voilà peu, dans l’Aisne, l’ouverture programmée d’un centre de prévention et de diagnostic, attendue, espérée de longue date, s’est trouvée subitement compromise en raison du non-versement de la moitié du financement prévu. J’ai rencontré des familles, des associations et des professionnels de mon département. Leur constat est amer : la reconnaissance des droits n’a pas été suivie d’effet.

Certes, des projets aboutissent malgré tout, grâce à la bonne volonté et à la collaboration de tous, dont l’État. Ainsi ai-je eu l’immense plaisir et l’émotion d’inaugurer le 16 mai dernier un foyer d’accueil pour adultes autistes de vingt-sept places à Villequier-Aumont, mais il est le seul du département. Cette situation est absolument dramatique pour les familles et leurs enfants, car les fratries sont évidemment touchées, au même titre que les parents.

Dans un tel contexte de retard et d’urgence, ce plan Autisme est à la fois trop et trop peu.

Madame la secrétaire d’État, comment imaginez-vous influer sur la réalité en étant dépourvue des budgets nécessaires à la réalisation d’un tel plan et sans moyens d’actions sur les budgets de vos collègues dont la mise en œuvre de ce programme dépend pourtant aussi ?

Ce programme gagnerait en crédibilité si les multiples mesures projetées comportaient une échéance et le plan lui-même, un calendrier des priorités.

Peut-être pourriez-vous également envisager la tenue d’états généraux des troubles envahissants du développement : ils ne pourraient que favoriser, auprès du plus grand nombre, une meilleure acceptation de la différence. En effet, la douleur, la solitude et le désarroi des familles proviennent bien sûr de l’ignorance et de la peur que génère l’a-normal.

Les syndromes des TED heurtent durement nos schémas sociaux. Ils les remettent directement et nécessairement en cause, dès lors qu’ils n’y trouvent pas de place.

Or, non seulement nous ne savons pas encore en identifier les origines et les causalités, pas même les corréler, et nous sommes dans l’incapacité de soigner, accompagner et soulager au mieux les souffrances qu’ils génèrent, mais au surplus, madame la secrétaire d’État, vous développez un modèle social qui porte en lui-même cette exclusion.

Où trouverez-vous le temps, la patience, l’acceptation de bénéfices qui ne seraient pas immédiatement quantifiables dans un monde normé par la compétitivité et la performance, soumis aux grilles d’évaluation, conditionné par les primes au mérite... autant de règles érigées en instruments impérieux de la réussite sociale ?

Comment prendre en compte ces besoins, dont chacune et chacun d’entre nous ici connaît l’ampleur localement, à la seule aune d’enveloppes financières fermées ? La dépense, là plus qu’ailleurs, n’est-elle pas pondérée par l’investissement qu’elle réalise ?

Serait-il envisageable, puisque nous travaillons à budget contraint, d’intégrer à l’évaluation du coût d’une décision, par exemple la reconduite de tous les contrats d’AVS, non seulement les économies réalisées en termes d’indemnisation ASSEDIC, de formation, de stage, de subvention au travail précaire, mais aussi les économies que génère, pour les enfants handicapés et pour leur famille, l’absence de souffrance et d’angoisse ?

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éléments de réponse que vous serez en mesure de nous apporter sur ces sujets. §

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Mme Bernadette Dupont vient de le rappeler, il y a un peu plus d’un an, le 16 mai 2008, j’annonçais avec Roselyne Bachelot le plan Autisme 2008-2010. Je suis particulièrement heureuse que cette question orale me donne l’occasion de faire le point sur sa mise en œuvre. Je vous remercie donc, madame Dupont, d’avoir pris l’initiative de ce débat et, naturellement, je sais gré au Sénat d’avoir accepté de l’organiser.

Ce handicap, encore trop méconnu et qui alimente encore trop de fantasmes, concerne au moins 400 000 de nos compatriotes, si l’on retient les taux de prévalence affichés par l’Organisation mondiale de la santé. Il n’y a en effet aucune raison que la prévalence de l’autisme en France soit différente de celle qui est constatée dans d’autres pays comparables.

S’agissant de la création de places, mesdames Dupont, Alquier et Hoarau, vous avez raison, les besoins des personnes autistes en matière de prise en charge restent immenses. C’est l’un des handicaps pour lequel les besoins à couvrir sont les plus importants.

Le premier des instituts médico-associatifs, les IME, spécialisé dans l’autisme n’a vu le jour qu’en 1984 ! C’est bien sûr la principale raison qui a poussé le Gouvernement à lancer ce deuxième plan Autisme, qui couvre donc les années 2008 à 2010.

Le premier plan Autisme, mis en œuvre entre 2005 et 2007, prévoyait la création de 1 950 places. Grâce au volontarisme des pouvoirs publics et au dynamisme associatif, les réalisations effectives se sont élevées à 2 600 places.

Pour ce second plan, nous avons porté l’effort à 4 100 places en cinq ans, soit 250 places supplémentaires chaque année, par rapport au calibrage du premier plan. Monsieur Daudigny, cela représente un montant de 187 millions d’euros de moyens supplémentaires qui sont consacrés à l’accompagnement spécifique de cette question.

Par ailleurs, plusieurs d’entre vous, Mme Alquier, Mme Hoarau, M. Daudigny, ont souhaité savoir comment ce volume de places a été fixé. Nous nous sommes fondés sur les besoins tels qu’ils ressortaient des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, les PRIAC, qui recensent et priorisent au niveau régional les besoins de création de places.

Les PRIAC sous-estiment-ils les besoins ? C’est en effet possible. Aussi, le chiffre de 4 100 places constitue pour nous un plancher.

D’ailleurs, dès 2008, les préfets ont autorisé la création de 1 200 places spécifiquement dédiées à l’autisme, au lieu des 900 places initialement prévues par le plan. Cette offre concerne les enfants, mais aussi les adultes, pour lesquels les besoins sont, comme M. Paul Blanc l’a souligné, très importants. Ainsi, sur les 1 200 places créées, 500 sont destinées aux adultes.

Désormais, nous avons trouvé un rythme de croisière et, pour l’année en cours, nous sommes en passe d’atteindre, voire de dépasser, le résultat obtenu lors de la première année du plan. Cette avancée est de bon augure, puisqu’elle laisse entrevoir la possibilité de réaliser la totalité des objectifs du plan, 4 100 places ouvertes, en seulement trois ans et, donc, de revoir à la hausse le nombre de places créées au bout de cinq ans.

En 2009, nous voulons bien sûr poursuivre ce mouvement. Comme je viens de l’indiquer, alors qu’une nouvelle tranche de 900 places est prévue, nous sommes en mesure de tenir le même rythme qu’en 2008, voire de l’accélérer.

Au-delà des créations nettes de places, il est aussi nécessaire de requalifier des places existantes. Aujourd’hui, en effet, les personnes autistes sont en majorité accueillies dans des établissements non spécialisés, où leur prise en charge est inadaptée. Nous avons donné instruction aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, d’accompagner ces structures pour qu’elles adaptent leurs prises en charge à la spécificité de l’autisme.

J’en viens à la question des personnes autistes accueillies en Belgique.

Plusieurs intervenants, notamment M. Paul Blanc et Mme Muguette Dini, ont souligné le nombre important de familles qui sont obligées de se rendre en Belgique afin de trouver des solutions pour leurs enfants. C’est d’ailleurs l’un des enseignements du rapport que j’avais confié, l’année dernière, à Cécile Gallez, député du Nord, et qui m’a été remis le 13 février dernier.

Cet accueil en Belgique est-il dû au manque de place en France ? Certainement, mais pas seulement. Cette solution est en effet également retenue pour des raisons de choix de méthodes de prise en charge qui n’existent pas en France. Depuis longtemps déjà, la Belgique a mis en place des classes ABA ou TEACCH, que les parents français souhaitent voir se développer dans notre pays. Nous y travaillons. Je reviendrai sur ce sujet dans un instant.

Sur un plan quantitatif, au-delà des créations de places mentionnées précédemment, j’ai aussi voulu répondre au problème spécifique des régions frontalières. En effet, plus de 70 % des personnes françaises accueillies en Belgique viennent de la région Nord-Pas-de-Calais.

Un plan d’urgence pour le Nord-Pas-de-Calais est appliqué depuis trois ans, pour un montant total de 6 millions d’euros. Il a permis de porter à 1 400 places le nombre de places créées dans la région, tous handicaps confondus, pendant cette période.

Je crois nécessaire de poursuivre cet effort de rattrapage de l’offre car, effectivement, cette région souffrait d’un déficit très lourd de capacités, qu’il était important de combler.

Les besoins de création de places dans le Nord-Pas-de-Calais vont être remis à plat. En attendant et dès maintenant, la région bénéficie d’une prolongation d’un an du plan d’urgence, avec une dotation de 2 millions d’euros. Je souhaite que ce plan soit tout particulièrement orienté vers les besoins des personnes autistes et de leurs familles.

Plusieurs d’entre vous, Mme Bernadette Dupont, Mme Jacqueline Alquier, M. Paul Blanc, Mme Muguette Dini, ont également évoqué la question de la scolarisation des enfants autistes et souligné les difficultés rencontrées par les familles pour faire admettre leur enfant à l’école ordinaire.

Ce sujet préoccupe aussi fortement le Gouvernement. Pour améliorer la scolarisation, la priorité doit être la formation. C’est ce que prévoit le plan avec une sensibilisation des enseignants dans le cadre de leur formation initiale, une possibilité de formation continue pour les enseignants accueillant des enfants autistes dans leurs classes, et la formation des auxiliaires de vie scolaire.

L’accompagnement par des services d’éducation spéciale et de soins à domicile, ou SESSAD, est également essentiel. Nous prévoyons, dans le cadre du plan, de renforcer ces services d’au moins 600 places supplémentaires. Plus généralement, la parution, le 2 avril 2009, du décret relatif à la coopération entre école ordinaire et établissements adaptés permettra à l’éducation nationale de mieux mobiliser les compétences du monde médico-social pour intégrer ces enfants.

Madame Alquier, monsieur Daudigny, je voudrais vous apporter quelques précisions, notamment de contexte, au sujet des AVS.

Aujourd’hui, 170 000 enfants handicapés sont scolarisés à l’école ordinaire, soit une progression de 30 % depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette évolution, estimée à 10 000 enfants supplémentaires scolarisés par an, est un des grands acquis de la loi du 11 février 2005 et, reconnaissons-le, un défi que l’éducation nationale a su relever.

Le développement important qu’a connu, en quelques années, la scolarisation en milieu ordinaire s’est accompagné d’une augmentation tout aussi importante du nombre d’auxiliaires de vie scolaire individuels, les AVSI. En termes quantitatifs, c’était un défi auquel il était impérieux de faire face et l’éducation nationale l’a relevé, en y consacrant des moyens considérables. Ainsi, 570 millions d’euros sont affectés, chaque année, à ce dispositif.

Lors des deux dernières rentrées, 4 700 AVSI ont été recrutés, soit une augmentation de près de 50 %. Mais, parallèlement à cette évolution, une dimension qualitative a émergé de plus en plus fortement. La simple présence de l’AVSI auprès de l’enfant ne suffit plus : dès lors que l’accompagnement scolaire est prescrit, les familles attendent que cet AVSI soit formé et sache s’adapter à la situation particulière de l’enfant accompagné.

Or, comme vous le savez, ces situations particulières sont d’une grande diversité. La première réponse à cette exigence de qualité a donc été l’amélioration de la formation des AVSI. Là encore, de nombreux progrès ont été accomplis.

Aujourd’hui, pratiquement tous les agents concernés ont bénéficié d’une formation, alors que 35 % d’entre eux attendaient encore une telle formation en septembre 2007. Cette formation à l’emploi repose sur un cahier des charges précis et elle fait l’objet, pour sa mise en œuvre, d’une convention avec les principales associations nationales de parents d’enfants handicapés.

Au moment où cette exigence de qualité se développe, le fait que 1 000 AVS et 4 000 personnes en contrat aidé faisant fonction d’AVSI voient leur contrat arriver à son terme à la fin du mois de juin pose, avec une acuité particulière, la question d’une filière professionnelle. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de débattre de ce sujet.

Il me semble que pérenniser les AVS au sein de l’éducation nationale ne permettrait pas de répondre aux attentes. Il convient plutôt de réfléchir à un enrichissement de la palette des accompagnements proposés aux enfants handicapés à l’école, qui permettent de capitaliser sur ces expériences et d’offrir des débouchés et des perspectives plus riches et pérennes aux AVS.

C’est la raison pour laquelle, avec Xavier Darcos, nous réfléchissons actuellement – et à ce titre, le travail que vous avez engagé dans le cadre des missions mises en place, notamment les informations qui remontent de la commission des affaires sociales du Sénat sur ce sujet, mais également de l’Assemblée nationale où Marie-Anne Montchamp examine la question des AVS, a enrichi notre réflexion – à la mise en place de services qui pourraient intervenir à la fois à l’école et à la maison.

Ces services, qui seraient à la jonction des secteurs scolaire et médico-social, ne se substitueraient pas aux solutions existantes, SESSAD et AVS. Ils viendraient compléter notre palette de solutions d’un outil dont nous manquons à l’évidence, répondant aux attentes des familles en termes de continuité de l’accompagnement – cette demande est particulièrement forte au niveau de la prise en charge des enfants autistes – dans le temps et dans l’espace, offrant tant aux AVS arrivant en fin de contrat qu’à certains professionnels du secteur médico-social la possibilité d’enrichir leurs pratiques professionnelles et, par conséquent, permettant d’amorcer la constitution d’une véritable filière métier.

Nous avançons donc rapidement et nos objectifs sont connus.

Sur un plan quantitatif, nous entendons bien évidemment être au rendez-vous que la loi nous impose, à savoir, à la rentrée scolaire prochaine, un nombre de contrats équivalant, sinon supérieur, au nombre actuel.

Par ailleurs, nous devons être en capacité de travailler sur des mesures législatives complémentaires, afin de pouvoir répondre aux problématiques qualitatives, que je viens de décrire, à la rentrée suivante. En effet, il nous faudra du temps pour élaborer le texte, l’enrichir des retours du terrain et échanger avec le Parlement. Néanmoins, nous souhaitons véritablement avancer sur cette question qualitative et nous nous engageons à le faire avec les commissions des deux assemblées.

J’en viens maintenant à la question des nouvelles méthodes de prise en charge de l’autisme, qui ont été évoquées par nombre d’entre vous. Il s’agit, me semble-t-il, de l’un des axes les plus innovants de ce deuxième plan, qui nous permettra d’imaginer les établissements de demain.

Vous êtes plusieurs à m’avoir demandé pourquoi nous expérimentions des méthodes qui sont largement reconnues ailleurs.

Mettons-nous d’accord sur les termes : quand nous parlons d’expérimentation, ce sont non pas tant les méthodes elles-mêmes que nous expérimentons – elles sont effectivement pratiquées depuis longtemps hors de nos frontières, notamment chez nos voisins belges –, mais leur transposition concrète au sein des structures médico-sociales françaises, avec les ajustements qu’elles supposent par rapport au fonctionnement de droit commun de ces structures.

Pour autant, nous n’avons pas l’intention de négliger l’évaluation scientifique de ces méthodes, qui fait l’objet du volet recherche de ce plan, ni leur contrôle : ces expérimentations doivent être encadrées et évaluées, afin de ne généraliser que les meilleures pratiques et de les sécuriser.

Elles seront encadrées grâce à un cahier des charges qui précisera le cadre dans lequel elles devront à l’avenir se dérouler, ainsi que leurs modalités d’évaluation. Il sera publié avant l’été.

Elles seront évaluées, un suivi des enfants devant être assuré par une équipe hospitalière ou universitaire, extérieure à l’établissement, afin de garantir la qualité des interventions et d’objectiver les résultats obtenus.

L’accent mis sur l’innovation a rencontré un succès important et engendré un foisonnement de projets. Le premier centre expérimental a d’ailleurs été inauguré le 14 novembre dernier à Villeneuve d’Ascq. En Île-de-France, première région à s’être mobilisée, pas moins de sept projets expérimentaux ont été déposés.

L’examen de ces projets par le comité régional d’organisation sociale et médico-sociale, le CROSMS, d’Île-de-France, le 14 mai dernier, a été l’occasion de constater que les réticences au développement de ce type d’expérimentations demeurent. Elles sont motivées tant par le recours à de nouvelles méthodes de prise en charge que par le coût qui en découle.

Le premier enseignement que j’en tire, c’est que nous avons encore besoin de progresser dans la voie du dialogue entre les tenants d’approches différentes. C’est en tout cas de cette façon que je souhaite interpréter les avis défavorables que ces projets ont recueillis.

S’agissant des méthodes, sur lesquelles je ne reviendrai pas, nous avons mis tous les garde-fous nécessaires, et les DDASS seront très vigilantes quant au fonctionnement de ces structures.

S’agissant du coût, il ne faut pas que le développement de ces structures, se fasse au détriment des établissements ordinaires. Il serait absurde que, en voulant ouvrir le champ des possibles, on passe d’un extrême à l’autre.

Bien sûr, il aurait été possible de ne retenir qu’un ou deux projets. Mais j’ai souhaité donner aux expérimentations une dimension suffisamment significative pour pouvoir en tirer tous les enseignements nécessaires, ce qui nécessite une « masse critique » et des projets de différentes natures.

Toutefois, compte tenu du nombre de projets pour l’Île-de-France, je n’ai pas souhaité qu’ils pèsent intégralement sur les DDASS. J’ai donc décidé de mobiliser des crédits supplémentaires pour accompagner cette expérimentation.

Au total, depuis le lancement du plan, ont été approuvées 162 places expérimentales, qui complètent les places ordinaires et ne viennent pas s’y substituer. Elles représentent plus de 13 % du total des places autorisées dans le cadre du plan.

Nous ne comptons pas en rester là : les appels à projet, que vous connaissez bien pour avoir participé à l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, qui seront la règle dans le cadre des futures agences régionales de santé, les ARS, seront l’occasion de sélectionner dans chaque région des projets innovants pour continuer de diversifier notre offre de prise en charge.

Dans cette démarche d’expérimentation, nous n’oublions pas les adultes. M. Paul Blanc l’a rappelé, nous travaillons ainsi avec le ministère du logement pour permettre une expérimentation en matière de logements accompagnés pour adultes autistes.

Plusieurs d’entre vous, notamment Mme Hoarau et M. Daudigny, ont d’ailleurs voulu connaître l’impact des futures ARS dans la mise en œuvre du plan Autisme. Elles permettront de procéder plus vite à des créations de places : la nouvelle procédure d’appels à projet, qui se substitue au CROSMS, permettra d’accorder d’emblée une autorisation et un financement aux projets répondant le mieux aux besoins. Elle mettra fin aux listes d’attente qui faisaient en sorte qu’un promoteur pouvait attendre pendant des années sans savoir si son projet serait financé ou non.

La fongibilité asymétrique, qui permettra de redéployer des moyens entre les secteurs sanitaire et médico-social, est également très importante dans le domaine de l’autisme : elle autorisera le redéploiement à plus grande échelle des lits d’hôpital en lits médico-sociaux dans les territoires où cela s’avérera nécessaire. Je réponds ainsi aux propos largement développés par Mme Dini tout à l’heure, s’agissant du type de prise en charge à mettre en œuvre. En effet, on sait aujourd’hui que nombre d’autistes occupent des lits sanitaires, notamment en hôpital de jour ou en hôpital psychiatrique, faute de places dans le secteur médico-social.

Même s’il s’agit d’un axe important, je ne voudrais pas que le plan Autisme soit réduit aux seules questions des établissements expérimentaux ou des créations de places, car il va bien au-delà.

Il faut améliorer les connaissances sur l’autisme. mesdames Dupont, Alquier et Dini, vous m’avez interpellée sur la méconnaissance, en France, des dernières avancées scientifiques en la matière.

Il faut sans doute nuancer ce constat : les connaissances sont là, mais elles sont mal diffusées et souffrent encore trop souvent des querelles de chapelle entre tenants des différentes approches. Il convient donc de trouver le moyen de mieux dialoguer, pour mieux avancer.

Avec le plan Autisme, nous avons donc cherché à objectiver les connaissances, par la définition d’un socle de connaissances qui fasse enfin consensus.

Pour en garantir la rigueur scientifique, nous en avons confié l’élaboration à la Haute autorité de santé. Celle-ci a arrêté son protocole de travail le 4 mars dernier et confié la direction des travaux aux professeurs Charles Aussilloux et Catherine Barthélémy, que vous avez vous-mêmes auditionnés en commission, personnalités de référence dans le domaine de l’autisme en France. La méthodologie retenue garantit une triple approche : internationale, scientifique et pluridisciplinaire. Nous disposerons du document final d’ici à la fin de l’année.

Plusieurs d’entre vous ont également souligné la nécessité d’améliorer la formation des professionnels, qui constitue à nos yeux une véritable priorité. C’est encore plus criant dans les départements d’outre-mer, où, plus qu’ailleurs, il faut trouver les solutions permettant d’accéder, comme en métropole, aux professionnels qualifiés, y compris s’agissant de toutes les nouvelles méthodes qui auront pu être validées. En effet, comment développer les expérimentations, si nous ne pouvons former les professionnels de terrain ?

Ainsi, même si la mise à jour de l’ensemble des formations ne pourra pas être réalisée sur la base du socle commun de connaissances, nous avons souhaité apporter des réponses dès aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle nous avons fait de l’autisme un axe prioritaire de la formation des professionnels de santé. Ils ont reçu une plaquette leur rappelant les recommandations de la HAS en matière de diagnostic.

Grâce à la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, pourra également financer la formation des aidants familiaux, donc des parents. Un premier appel à projet pourra être lancé en 2010, ce qui permet de répondre à l’une de vos attentes, madame Dini.

Enfin, nous voulons sensibiliser les enseignants : ils recevront à la rentrée 2009 un guide expliquant les spécificités de l’intégration d’enfants autistes dans une classe.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous rappelé la nécessité d’améliorer les diagnostics, en soulignant les difficultés rencontrées par les familles en matière de diagnostic précoce. Vous avez raison, il s’agit d’un point central.

Nous nous sommes fixé trois axes : améliorer l’accès au diagnostic, parfaire la qualité de celui-ci et accompagner les familles après qu’il aura été effectué.

Monsieur Daudigny, les moyens des équipes chargées du diagnostic ont été renforcés, à hauteur de 3 millions d’euros, ce qui permettra de recruter en moyenne trois personnes supplémentaires par équipe, améliorant ainsi la qualité du travail et augmentant le nombre des personnes, enfants et familles, qui pourront avoir accès à une prise en charge précoce et de qualité.

Par ailleurs, nous lancerons en septembre prochain une expérimentation sur un dispositif d’annonce du diagnostic, pour laquelle nous avons déjà reçu cinquante projets.

S’agissant de la qualité des diagnostics, plusieurs d’entre vous se sont émus du fait que certains professionnels de santé continuent de recourir à une classification franco-française qui inscrit l’autisme au rang des maladies psychiatriques, plus particulièrement des psychoses. Vous avez souligné combien ce type de diagnostic est culpabilisant pour les familles, notamment pour les mères.

C’est bien la raison pour laquelle les recommandations de la HAS en matière de diagnostic insistent particulièrement sur la nécessité de recourir à la classification de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, qui précise bien que l’autisme est non pas une maladie psychiatrique, mais un trouble d’origine neurobiologique.

Avant de conclure, je souhaite aborder la question des critères de bonne pratique. Il est en effet important que soient portés à la connaissance à la fois des professionnels et des services de l’État des critères de bonnes pratiques pour lutter contre les dérives et pratiques dangereuses. À cette fin, l’ANESMS, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, publiera un référentiel d’ici à la fin de l’été.

C’est dans le cadre de cette réflexion sur les pratiques que s’inscrit la réflexion du Gouvernement concernant le packing, dénoncé par plusieurs associations et évoqué par nombre d’entre vous, notamment par M. Paul Blanc.

Cette technique est employée par certains médecins comme traitement de dernier recours pour des personnes autistes présentant des troubles sévères du comportement, afin de réduire le recours aux psychotropes. Elle n’a pas fait à ce jour l’objet d’une validation scientifique et c’est précisément pour l’évaluer qu’une étude est actuellement en cours dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique.

Je veux être claire : un protocole de recherche implique le respect d’un certain nombre de règles, à savoir l’information précise des parents et leur accord exprès. Le recours à cette technique devrait rester limité à ce protocole, tant que l’évaluation de ses bénéfices et de ses risques n’aura pas été achevée.

L’absence d’accord formel des parents peut légitimement donner lieu à un signalement, en vue d’une enquête de la DDASS, et même à un signalement judiciaire, en cas de soupçon de maltraitance.

Roselyne Bachelot-Narquin va d’ailleurs saisir la commission spécialisée « Sécurité des patients » du Haut conseil de la santé publique, afin d’évaluer l’existence réelle ou supposée de maltraitance liée au packing, en prenant en compte la notion bénéfice-risque pour les enfants concernés. Les premiers enseignements de ce protocole et son évaluation seront rendus publics à la fin du mois de juin.

Des instructions vont également être données aux DDASS en vue d’assurer une vigilance particulière concernant ce type de pratiques en établissements médico-sociaux, dans lesquels une telle méthode n’a pas à être employée.

En effet, si le Gouvernement a souhaité ouvrir le champ des prises en charge de l’autisme, il ne saurait être question de laisser se développer des pratiques contraires à l’intérêt et au bien-être des personnes concernées.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Bernadette Dupont, comme vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner toute sa mesure au plan Autisme 2008-2010. La première année de sa mise en œuvre montre que, malgré les difficultés, les mentalités changent, la prise de conscience devient générale.

La première des réussites de ce plan est d’avoir, au cours de sa préparation, permis d’instaurer de véritables échanges. Pendant six mois se sont réunis autour de la table tous les acteurs du secteur, les tenants de tous les choix de prise en charge, les associations de personnes autistes, leurs familles, l’éducation nationale et l’ensemble de l’administration.

C’est cette mise en commun qui nous a permis d’aboutir au plan Autisme, à cette ouverture que rendra possible l’expérimentation et qui nous permettra d’avancer. Je le répète, nous souhaitons construire l’établissement de demain, dans lequel chacun pourra bénéficier d’une prise en charge individuelle adaptée. Il faut aller chercher le meilleur de ce qui existe et ensuite le sécuriser.

Ce travail doit se poursuivre. À l’exemple de ce qui a déjà été réalisé cette année, je souhaite que nous continuions à traduire dans les faits cette révolution, qui consiste à sortir des approches dogmatiques pour construire, ensemble, des solutions répondant réellement à l’attente légitime des familles, qui n’ont que trop attendu.

Nous avons tous rencontré des familles concernées, et nous savons combien il est douloureux de ne pas trouver de solution adaptée à la prise en charge de son enfant ou de son parent atteint de troubles envahissants du développement ou d’une forme d’autisme. Je crois que nous sommes tous convaincus, quelles que soient nos appartenances politiques, de la nécessité d’avancer sur ce sujet.

Une nouvelle fois, je remercie la commission des affaires sociales, le Sénat et Mme Dupont d’avoir contribué à cette réflexion. Nous comptons également sur vous pour soutenir le plan que nous avons engagé.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Je vous remercie, madame Létard. En règle générale, ce sont les familles qui sont déterminées à faire bouger les choses en matière de handicap, mais, en l’occurrence, elles ont réussi à faire prendre conscience du problème à la ministre.

Malheureusement, les progrès sont lents et difficiles, et, selon moi, certains dossiers pourraient avancer plus rapidement.

Ainsi, la requalification des places existantes pourrait avoir lieu dans les plus brefs délais. Vous avez évoqué les instructions qui seront données aux DDASS pour adapter les établissements aux besoins des personnes autistes. Il existe déjà des formations sur l’autisme, dispensées notamment par l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, l’UNAPEI. Mais il faut surtout motiver les personnels, en leur démontrant que la formation est une nécessité. Je n’aime pas le mot « maltraitance », car je pense que cette dernière n’est pas volontaire. Ce qu’il faut, c’est promouvoir la « bien-traitance ». Dès la prochaine rentrée, un module spécifique sur l’autisme pourrait être créé dans les écoles d’éducateurs spécialisés. Certes, on apprend à ces derniers à gérer le quotidien et on leur inculque quelques méthodes, mais on ne leur parle jamais de l’autisme de manière spécifique.

La création de places prendra certes plus de temps, car il faut ouvrir des établissements. Je pense également qu’il faut inciter ceux qui ont des places existantes et qui accueillent déjà des personnes autistes à engager une véritable coopération avec les familles, lorsque celles-ci sont présentes et demandeuses.

Vous avez, à juste titre, souligné la nécessité d’un suivi extérieur médical ou universitaire. Mais, le plus souvent, les enfants présentant des troubles envahissants du développement sont envoyés dans des structures psychiatriques. Ainsi, dans les Yvelines, on les adresse à l’hôpital Charcot à Plaisir, où il n’y a aucune référence universitaire. On devrait pouvoir créer très vite des commissions paritaires, avec des regards complémentaires sur la personne autiste.

Pour finir, je parlerai de l’intégration. Vous avez avancé le chiffre de 170 000 enfants handicapés scolarisés, soit plus de 10 000 par an depuis 2005. C’est bien, mais les prises en charge sont souvent très aléatoires, certains enfants n’étant présents que quelques heures par semaine : une ou deux heures par jour tout au plus.

Il convient de sensibiliser l’éducation nationale à ce problème. Il faudrait responsabiliser les professeurs des écoles, qui sont souvent plus contraints que volontaires. Cette formation devrait être mise en place assez rapidement et concerner, au-delà du problème spécifique de l’autisme, l’accueil des enfants handicapés en général.

En ce qui concerne les auxiliaires de vie scolaire – AVS – et les auxiliaires de vie scolaire individualisée – AVSI, vous prétendez qu’il sera difficile de modifier leurs contrats avant la rentrée 2010. Pourquoi un si long délai ?

À l’occasion de la mise en place du RSA, j’avais proposé que les contrats puissent être modifiés et prolongés pour les personnes concernées accompagnant des enfants en difficulté. La législation doit évoluer, conformément au souhait des intéressés. En effet, hormis les personnes formées par les associations qui s’occupent spécifiquement d’autisme – j’espère au passage que l’éducation nationale leur proposera de vrais contrats, qui pourront être conjugués avec ceux conclus avec les familles –, les AVS qui accompagnent ces enfants dans les écoles sont le plus souvent des femmes âgées de 45 à 50 ans, à qui l’on explique que leur contrat ne pourra pas être prolongé s’il a été conclu avant leurs 50 ans, ce qui serait possible dans le cas contraire… Ce n’est pas sérieux, car c’est la situation de l’enfant autiste qui est en jeu et c’est lui qui doit être au cœur de notre réflexion.

Applaudissements sur l’ensemble des travées

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.

Je rappelle que le débat sera organisé autour des deux thèmes suivants :

- Profils nutritionnels (nos 265, 336, 337 et résolution du Sénat n° 83) ;

- Vin rosé (nos 324, 392, 393 et résolution du Sénat n° 82).

Chacun de ces sujets donnera lieu à un échange.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, pour chacun des deux sujets, interviendront :

- le représentant de la commission compétente ou de la commission des affaires européennes, pour dix minutes ;

- le Gouvernement, pour dix minutes.

Une discussion spontanée et interactive s’ouvrira ensuite sous la forme de questions-réponses de deux minutes maximum par intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Dans le débat sur les profils nutritionnels, la parole est à M. Jean Bizet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a adopté une proposition de résolution concernant les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires.

Un règlement communautaire de décembre 2006 a établi un cadre, harmonisé pour le marché intérieur, destiné à garantir la loyauté des « allégations nutritionnelles », c’est-à-dire la communication commerciale sur les caractéristiques nutritionnelles des produits alimentaires. Il s’agissait d’assurer la bonne information du consommateur en interdisant, par exemple pour des produits très sucrés ou très gras, des mentions publicitaires ou valorisées sur les emballages du type « riche en fer », « apport en vitamines », « allégé en sel », etc.

L’idée était d’éviter que les industriels de l’agroalimentaire n’induisent en erreur les consommateurs sur les caractéristiques nutritionnelles réelles des aliments en insistant sur un point positif et en restant très discrets sur les aspects plus négatifs des produits, au sens sanitaire.

Pour rendre applicable cette réglementation de 2006, encore faut-il définir le « profil nutritionnel » de ces aliments, c’est-à-dire leurs proportions en nutriments que l’on juge acceptables. Il ne suffit pas d’affirmer qu’un produit est trop gras ou trop salé pour qu’on puisse faire de la publicité sur ses apports en calcium ; il faut également définir exactement en quoi il est trop gras ou trop salé. C’est pourquoi il est nécessaire, par catégorie de produits, d’établir des profils fixant les proportions maximales de sucre, de sel – sodium –, d’acides gras saturés ou d’acides gras trans à respecter pour pouvoir avancer des allégations nutritionnelles.

Cette définition des profils nutritionnels doit faire l’objet d’un règlement communautaire d’exécution qui, en raison de son caractère essentiellement technique, est adopté par la Commission européenne, sous le contrôle du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen, dans le cadre d’une procédure dite de « comitologie ». Sous l’égide de la direction générale de la santé et des consommateurs, la DGSANCO, un comité d’experts représentant les vingt-sept États membres, qu’on appelle le CPCASA – Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale –, s’est ainsi réuni au cours de l’année 2008 pour fixer, par catégories de produits alimentaires, les seuils de nutriments définissant leurs profils spécifiques.

Or, au sein de ce CPCASA, se sont affrontées deux philosophies, correspondant à deux modèles alimentaires. Pour schématiser, on trouve, d’un côté, les Britanniques et les pays nordiques, pour lesquels la bonne santé de la population, et en particulier la lutte contre le surpoids et l’obésité, est essentiellement assurée par le contenu nutritionnel des aliments et, de l’autre, un groupe de pays continentaux – la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas – qui estiment que c’est l’équilibre alimentaire global qui est déterminant, et que celui-ci est assuré par le respect de bonnes habitudes – par exemple manger à heures fixes, varier la nourriture, avoir des apports quotidiens en fruits et légumes frais.

Comme la DGSANCO est plus perméable au premier modèle, ses travaux ont abouti à un projet de règlement fixant des normes assez strictes pour les profils, tellement strictes pour certains qu’elles privaient la quasi-totalité de quelques catégories de produits de tout droit à allégation nutritionnelle : c’était en particulier le cas de la biscuiterie, des fromages et du pain.

Cette situation était absurde pour deux types de raisons.

Premièrement, s’agissant des fromages, il convient de distinguer ceux qui sont produits de manière traditionnelle et ceux qui résultent de processus industrialisés. Les premiers étant issus de la première transformation du lait, leur contenu nutritionnel ne peut pas être modifié. Dès lors, leur imposer des seuils très stricts en matière grasse et en sel leur interdirait de communiquer sur leurs apports en calcium, alors que n’importe quel soda ou jus de fruit enrichi en calcium pourrait, de son côté, vanter cet apport nutritionnel.

Deuxièmement, en ce qui concerne la biscuiterie, le problème est différent : l’industrie agro-alimentaire peut naturellement réduire les teneurs en sel, en sucre ou en matière grasse, mais si l’on fixe des seuils trop stricts, elle n’aura aucun intérêt économique à investir dans la recherche-développement, le retour sur investissement étant beaucoup trop lointain et aléatoire si elle ne peut pas rapidement communiquer sur ses efforts en la matière.

Il y avait donc dans ce dossier un problème de proportionnalité par rapport aux objectifs poursuivis par le règlement de 2006.

Cette situation a ému les professionnels, notamment ceux du secteur laitier, qui m’ont alerté au début de l’année. C’est ce qui a conduit à l’adoption, par la commission des affaires européennes d’abord, par celle des affaires économiques ensuite, de la résolution n° 83 qui vous a été distribuée.

Cette résolution, telle qu’adoptée par la commission des affaires économiques, demande essentiellement deux choses au Gouvernement.

D’abord, une méthode : vous savez que, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, les assemblées françaises peuvent adopter des résolutions européennes sur tout document émanant d’une institution européenne, et non plus uniquement sur les seuls projets formalisés de directives ou de règlements transmis au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen. Cette extension constitue une anticipation du traité de Lisbonne, et c’est sur elle que je me suis appuyé pour faire intervenir le Sénat, le texte en cause n’étant qu’un document de travail de la Commission européenne, et non un véritable projet de règlement.

Le problème, c’est que la Commission produit quotidiennement des dizaines de ces documents, et qu’il est matériellement impossible au Parlement français d’avoir connaissance de l’intégralité de cette production. Si la plupart d’entre eux sont essentiellement techniques et ne justifient pas d’intervention, certains, cependant – l’exemple qui nous préoccupe en témoigne –, ont également un caractère politique affirmé.

Il est donc nécessaire que le Gouvernement transmette aux assemblées les projets de mesures portant sur des sujets présentant un intérêt politique. C’est notre premier souhait.

Ensuite, la résolution demande au Gouvernement de s’opposer à l’adoption de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certains produits. Dans cette perspective, la résolution formule trois recommandations.

En premier lieu, pour ce qui concerne les profils nutritionnels, elle s’oppose à la fixation de seuils de nutriments inadaptés pour certaines denrées ou qui favoriseraient la communication des produits standardisés issus de l’industrie agroalimentaire : il vaut mieux manger un peu de fromage, un peu de légumes et des fruits que d’assurer ses apports quotidiens en calcium, en fer et en vitamines par la consommation de sodas enrichis par ces nutriments…

En second lieu, de façon plus générale, il convient que les représentants français à Bruxelles fassent systématiquement valoir la nécessité d’examiner les problématiques alimentaires dans une perspective globale et de respecter la diversité des traditions alimentaires propres à chaque État membre.

Ce point est très important, car il ne doit pas être question que la Commission, sous couvert de préoccupations sanitaires, en vienne à imposer un modèle alimentaire unique, qui plus est si ce modèle est anglo-saxon. Du reste, j’ai consacré une partie de mon rapport à faire état d’études scientifiques qui tendent à démontrer que ce modèle est en réalité probablement beaucoup moins efficace pour lutter contre le surpoids et l’obésité que le modèle latin, représenté en particulier par les habitudes françaises.

Aussi, notre opposition n’est pas seulement culturelle ; elle est aussi sanitaire, ainsi que le relèvent plusieurs des considérants de la proposition.

Enfin, la dernière demande est de principe : les pouvoirs d’exécution conférés à la Commission européenne, qu’il ne s’agit pas de remettre en cause puisqu’ils sont indispensables, doivent cependant toujours respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité, principes auxquels la commission des affaires européennes du Sénat est tout particulièrement attentive, ainsi que, évidemment, les objectifs des textes communautaires, qu’il s’agit de rendre applicables.

Dans le cas qui nous préoccupe, les profils sont non pas un instrument de santé publique, mais simplement un outil technique destiné à garantir que l’information commerciale destinée aux consommateurs en matière nutritionnelle est loyale. C’est uniquement cet objectif que le règlement d’application doit s’attacher à satisfaire, et pas un autre.

Cependant, depuis l’adoption de cette proposition de résolution par la commission des affaires économiques, il semble que les choses ont considérablement évolué, apparemment dans le bon sens, ce qui est heureux.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous puissiez, en quelques mots, faire le point sur l’état de ce dossier, d’abord en nous informant précisément sur les démarches du Gouvernement français avant et après l’adoption de la résolution du Sénat, ensuite, et surtout, en nous indiquant quel est aujourd’hui l’état d’esprit de la Commission et ce que l’on doit attendre de ses décisions à venir.

Un certain nombre d’industriels ont engagé des actions de recherche et de développement et ils doivent savoir quelles orientations donner à leur politique industrielle.

Monsieur le secrétaire d'État, le Sénat peut-il avoir le légitime espoir d’être aussi bien entendu sur ce dossier qu’il l’a été sur celui du vin rosé ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Roland Courteau applaudit également.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Bizet, votre question traduit une préoccupation majeure et permet de démontrer à ceux qui en doutaient encore que les choix européens ont un impact direct sur la vie quotidienne des consommateurs.

La réglementation européenne sur les profils nutritionnels, actuellement en discussion, est sous-tendue par des objectifs de santé publique et de protection des consommateurs, que chacun peut a priori faire siens.

La réglementation part d’ailleurs de constats de bon sens. Il est vrai qu’il peut paraître choquant que des produits se flattent d’être « riches en calcium », avec des formulations telles que « le calcium contribue à la croissance osseuse », alors qu’ils contiennent une forte proportion de substances grasses, sucrées ou salées.

Pour le dire simplement, la réglementation vise à éviter que l’on puisse apposer sur n’importe quel produit la mention : « je suis bon pour la santé ».

Outre ces enjeux de nutrition, la Commission souhaite défendre un autre objectif que nous partageons tous, à savoir la loyauté de l’information. C’est une condition du bon exercice de la concurrence. Pour que celle-ci ne soit pas faussée, il faut éviter que des producteurs ne puissent faire valoir aux yeux des consommateurs un avantage compétitif qui n’a pas lieu d’être.

Une fois ces principes posés, monsieur Bizet, reste la question de leur déclinaison concrète dans la législation. C’est là que le bât blesse. Nous savons que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions, et il ne faudrait pas que la défense d’objectifs qui nous sont chers entre en totale contradiction avec d’autres principes tout aussi importants, à savoir la diversification de l’alimentation du consommateur, la protection de nos produits traditionnels, comme le fromage ou les produits céréaliers, et la compétitivité de notre filière agricole et agroalimentaire.

C’est pour cette raison que la France s’est opposée à la première mouture de ce projet de réglementation européenne.

Nous sommes encore dans une première phase de consultation des pays membres. Beaucoup partagent les positions de la France et je vous rassure tout de suite, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous garantissant que le nouveau projet de la commission sera très éloigné du premier et qu’il tiendra compte des positions que vous et nous avons défendues.

Pourquoi la France a-t-elle manifesté son désaccord ?

L’objectif affiché par le projet de réglementation européenne est de restreindre le nombre d’aliments pouvant porter des allégations nutritionnelles en fonction de leur composition et de leurs caractéristiques nutritionnelles globales. Mais le premier projet de la Commission paraissait extrêmement sévère, puisqu’il conduisait à une éligibilité moyenne aux allégations de 41 % de produits seulement, avec des écarts allant de 2 % à 81 % selon les catégories de produits.

Par ailleurs la démarche de la commission soulève un certain nombre de questions.

D’abord, l’établissement de critères objectifs de sélection peut relever de la gageure. Cela reviendrait à faire un tri entre les bons et les mauvais aliments, travail difficile, voire vain, quand on sait que les autorités scientifiques martèlent qu’il y a non pas des bons ou des mauvais aliments, mais seulement des combinaisons d’aliments permettant de créer ou non un équilibre alimentaire.

Une autre limite évidente réside dans le fait que, pour certains produits agricoles traditionnels peu ou pas transformés, les marges de manœuvre en matière de reformulation s’avèrent très réduites, alors même que ces produits constituent la base de notre alimentation.

Ces limites évidentes doivent nous amener à être extrêmement vigilants quant à la sévérité du dispositif que nous devons adopter. Cela est d’ailleurs reconnu dans les exposés du projet de règlement, qui rappelle que « les profils devraient prendre en compte les habitudes et les traditions alimentaires, ainsi que le fait que des produits, considérés individuellement, peuvent jouer un rôle important dans le cadre d’un régime alimentaire global ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez eu raison de souligner les risques que ferait courir une transposition trop rigoureuse ou trop restrictive du texte européen. Les points et les critiques que vous avez relevés, monsieur Bizet, rejoignent parfaitement la position défendue, au nom de la France, par Michel Barnier. Je profite de l’occasion pour excuser celui-ci ; retenu à Bruxelles, il m’a chargé de le représenter auprès de la Haute Assemblée.

Vous demandez au Gouvernement, dans le cadre des discussions communautaires sur les profils, de s’opposer à de nouvelles propositions de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certaines denrées ou qui tendraient à promouvoir la consommation des seuls produits standardisés issus de l’industrie agroalimentaire. C’est ce que nous faisons.

Vous nous avez également invités à examiner la question des profils dans une perspective d’équilibre alimentaire global. Là encore, vous êtes parfaitement en ligne avec la position que le Gouvernement fait valoir auprès de la commission.

La position française repose sur quatre considérations importantes.

Première considération : la prise en compte des caractéristiques nutritionnelles globales de l’aliment, et pas seulement ses aspects négatifs.

La direction générale de la santé et de la protection des consommateurs de la Commission européenne a proposé un système de contrôle reposant sur trois nutriments : acides gras saturés, sucres et sel. Les autorités françaises ont accepté ce choix, qui a le mérite de la simplicité. En revanche, la France a soutenu la mise en perspective de l’aliment dans le régime alimentaire global : il s’agit de distinguer, pour chaque produit, les apports en nutriments « négatifs » mais aussi « positifs » dans le cadre d’un régime alimentaire global.

Ainsi, il est vrai que les fromages sont riches en acides gras saturés, mais force est de constater que la majorité des consommateurs ne mangent pas du fromage à chaque repas ni même tous les jours. Avec une consommation de trente grammes par jour en moyenne, le fromage n’est donc pas un contributeur majeur à l’apport total d’acide gras saturé. En revanche, il contribue fortement à l’apport calcique : plus de 50 % du calcium consommé quotidiennement est apporté par les produits laitiers, dont plus de 20 % par les fromages.

Ce qui est vrai pour le fromage ne l’est pas pour tous les produits. Ainsi, la demande des chocolatiers de créer une catégorie pour leurs produits avec des seuils adaptés a été rejetée, ces produits n’étant pas des contributeurs majeurs en nutriments essentiels.

Deuxième considération portée par la France : une plus grande proportionnalité.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments a identifié les catégories d’aliments tenant une place importante dans le régime alimentaire. Des seuils adaptés ont été proposés pour ces catégories, mais la définition de celles-ci est parfois contestable. Ainsi, les biscuits et les produits de panification ont été associés aux féculents, comme les pâtes ou le riz. Cela les a fortement pénalisés dans les différentes propositions de la Commission : 7 % et 14 % d’éligibilité pour les biscuits et le pain, contre 80 % pour le riz et 92 % pour les pâtes. La France a souhaité garantir une meilleure proportionnalité, de manière à améliorer la définition des catégories et à rehausser certains seuils particulièrement pénalisants.

Il faut aussi tenir compte de la situation de produits diététiques, dont la composition vise à répondre à des besoins nutritionnels particuliers, par exemple pour les nourrissons ou les sportifs. S’agissant de ces produits spécifiques, le Gouvernement a soutenu l’idée qu’ils soient exonérés des profils dès lors que le besoin nutritionnel particulier impose un dépassement des profils.

Ainsi, un produit pour sportifs ne serait pas soumis aux teneurs maximales en sucres ou en sodium dès lors que les teneurs apportées sont justifiées par les besoins nutritionnels des sportifs. En revanche, des apports importants en acides gras saturés élevés n’étant pas justifiés chez les sportifs, les produits seraient soumis aux profils pour ce nutriment.

Troisième considération : l’incitation à la reformulation

Dans le cadre du programme national nutrition santé, par le biais des chartes d’engagement, a été engagée une démarche partenariale entre l’État et les opérateurs afin d’inciter ceux-ci à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits. Il paraissait dès lors inconcevable de défendre des seuils interdisant l’accès à toute forme de communication sur la qualité nutritionnelle des produits, quels que soient les efforts et progrès réalisés, et de supprimer ainsi toute incitation à la reformulation.

Dernière considération qui sous-tend notre position : la cohérence avec la politique nutritionnelle et la culture alimentaire française.

Dans le droit fil de sa politique nutritionnelle et alimentaire, la France a mis en valeur la nécessaire diversification des aliments au sein du régime. L’exemple type est la communication que fait notre pays sur la nécessité de consommer chaque jour trois produits laitiers différents, y compris les fromages, quand la Commission prônait une satisfaction des besoins en calcium par le seul lait ou les yaourts.

En outre, la position française a été fixée au regard de considérations plus culturelles, telles que la défense des produits traditionnels et des produits agricoles. Ceux-ci constituent la base de notre alimentation et restent des repères structurant dans le régime et les habitudes alimentaires. Leur marge de manœuvre en matière de reformulation est évidemment faible. Le Gouvernement a donc considéré qu’il était plus pertinent de valoriser le calcium apporté par les fromages que celui qui est ajouté artificiellement aux sodas.

De la même façon, les autorités françaises ont défendu ardemment que les produits bruts non transformés, comme les viandes ou les poissons, soient exonérés de l’application des profils.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, le Gouvernement a adopté une position à la fois proportionnée, respectueuse de la tradition culinaire française, et soucieuse des intérêts des consommateurs en matière de nutrition. Cette position rejoint donc très clairement les positions exprimées par le Sénat dans sa proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite savoir ce qu’envisage de faire le Gouvernement afin de contrecarrer la tendance actuelle à la standardisation des aliments et à la « diétiétisation » de l’alimentation, lesquelles ne correspondent pas à la culture française.

Afin de lutter, entre autres, contre l’obésité, qui frappe davantage les pays qui soutiennent de telles directives, le Gouvernement pourrait lancer un plan sans précédent en direction des jeunes, des familles, de toutes les structures d’éducation et des filières de transformation et de communication, plan destiné à allier qualité, connaissance, hygiène de vie, sport et plaisirs de la table, car l’esprit de Rabelais n’est pas mort, fort heureusement !

Nous ne partons certes pas de rien, mais nous pourrions faire beaucoup plus, notamment dans le cadre de la lutte contre l’obésité et du surpoids, fléaux qui nous menacent à terme comme les autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Ce débat illustre, une fois de plus, la nécessité pour l’Union européenne de faire de la politique. On le constate dans la manière dont elle traite certains sujets, comme les profils nutritionnels ou le vin rosé. Mais faire de la politique, c’est peut-être avant tout avoir du bon sens, afin de mesurer la dimension politique de toute décision.

Le projet de réglementation des profils nutritionnels part d’une bonne idée, mais les seuils sont fixés à un niveau tel qu’en réalité la majorité des fromages français sera, en quelque sorte, disqualifiée. C’est un comble pour nos fromages au lait cru et nos AOC, qu’il s’agisse du Saint-Nectaire, du comté, du Neufchâtel, de la fourme d’Ambert, du Sainte-Maure de Touraine, du brie de Meaux, sans oublier le brie de Melun, auquel je suis particulièrement attachée en tant qu’élue de cette région.

Tous ces produits de terroirs appartiennent au patrimoine gastronomique de notre pays. Non seulement ils n’ont jamais tué personne, mais grâce à leur richesse en calcium et en ferments lactiques, ils ont permis, au fil des siècles, à des millions d’enfants de se développer et de fortifier leur masse osseuse, bref de se constituer un capital santé.

Sans la vigilance de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques du Sénat, et sans le sérieux de notre collègue Jean Bizet, ce projet aurait été adopté en catimini par un comité d’experts et par la Commission européenne. Or ce texte pénalise les productions traditionnelles françaises et va à l’encontre du modèle français d’alimentation et de notre gastronomie.

Nous savons tous que la santé repose d’abord sur une alimentation équilibrée et non sur des seuils arbitraires et des produits calibrés. Gardons-nous de tout ce qui uniformise et aseptise notre alimentation. Protégeons et encourageons au contraire la diversité et la qualité de nos produits, dont nos fromages de terroir sont le meilleur exemple.

Monsieur le secrétaire d’État, il est impératif que le Gouvernement soit beaucoup plus vigilant et plus réactif sur ce gendre de dossier. On peut en effet se demander légitimement pourquoi le Parlement, le Sénat en particulier, n’a pas été informé plus en amont.

Désormais, ce débat concerne tous les Français, et ils sont en droit de nous demander des comptes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Monsieur Le Cam, l’intervention que j’ai faite à la tribune répond, me semble-t-il, dans son esprit, à vos interrogations sur la défense de notre modèle de nutrition et de nos filières agroalimentaires. C’est une préoccupation qui dépasse les clivages politiques.

Le Gouvernement a démontré, par la position qu’il a prise sur le projet de la Commission et par ses initiatives, qu’il entendait préserver la diversité des produits français, les spécificités agroalimentaires de nos terroirs, qui favorisent le développement économique de ceux-ci.

Au nombre des opérations réalisées par le Gouvernement, en particulier par Michel Barnier, je mentionnerai le plan d’action qui découle du Programme national nutrition santé, le PNNS. Ce plan prend en compte la nécessité d’avoir une approche alimentaire liée à notre culture et à nos terroirs. Je pourrais également citer l’action que nous avons menée sur le roquefort auprès de nos amis Américains, pour défendre ce label et affirmer l’identité de ce fromage.

Le Gouvernement a donc su affirmer sa position face aux propositions initiales de la Commission.

Madame Mélot, vous me demandez pourquoi le Sénat n’a pas été informé plus en amont. À ce jour, je le rappelle, il n’y a aucune proposition officielle de la Commission. Jusqu’à présent, le débat est resté à un niveau technique.

Nos services ayant alerté le Gouvernement sur les préoccupations et les inquiétudes que pourrait impliquer la mise en œuvre de la proposition initiale de la Commission, nous nous sommes mobilisés. M. Barroso nous a entendus : il a modifié le projet initial de la Commission et a demandé à sa direction de réfléchir à de nouvelles propositions.

À ce jour, ces propositions ne sont pas officielles. Le Gouvernement et les services travaillent afin d’orienter la position de la Commission européenne, conformément aux remarques de M. Bizet. Nous devrons faire preuve d’une grande vigilance dans les semaines qui viennent afin que les propositions finales de la Commission prennent bien en compte la réorientation voulue par M. Barroso et, surtout, les préconisations que j’ai défendues dans mon intervention liminaire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis que la nouvelle mouture du projet de la Commission soit très éloignée de la version initiale. Je remercie le Gouvernement d’avoir entendu l’appel du Parlement sur ce point précis.

Je me réjouis également que, grâce à la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui nous permet d’anticiper sur le traité de Lisbonne, le Parlement soit désormais plus réactif.

Réactivité du Parlement, mise en exergue de ce que l’on appelle la proportionnalité et de la subsidiarité nous permettront de mieux faire accepter par nos concitoyens la dimension et l’action de l’Europe dans leur quotidien.

Il est important de créer un nombre croissant de passerelles, au sens noble du terme, entre le monde de l’entreprise et le Parlement. Si les industries de la transformation laitière ne m’avaient pas alerté, ces dispositions nous auraient littéralement échappé. La filière laitière traverse une période de turbulences. Si ce dossier avait suivi son cheminement législatif, on mesure sans peine les conséquences qu’il aurait eues sur l’ensemble de la filière laitière, les industries de transformation et, en amont, les producteurs de lait.

J’espère que notre débat sera entendu au-delà de cet hémicycle. Les créateurs de richesses que sont les chefs d’entreprises doivent savoir que le Parlement est à l’écoute de leurs préoccupations, attentif à leurs soucis, même si l’on ne peut pas vraiment formaliser des passerelles entre le Parlement et le monde de l’entreprise. C’est ainsi, me semble-t-il, que nous devons désormais fonctionner.

Je souhaite que, dans les mois à venir, le traité de Lisbonne devienne une réalité, car il nous permettra d’être plus efficaces dans le quotidien des entreprises et des consommateurs.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous en avons terminé avec ce premier thème.

Un débat sur la crise de la filière laitière est inscrit à l’ordre du jour du Sénat du 25 juin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Dans le débat sur le vin rosé, la parole est à M. Gérard César.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous sommes aujourd’hui réunis non pas pour critiquer l’action des instances communautaires en matière agricole, mais pour nous féliciter de leur absence d’action, définitive, je l’espère !

Le projet de la Commission européenne d’autoriser le coupage pour la production de vins rosés de table est finalement abandonné. Pour combien de temps ? C’est la question que l’on peut se poser.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Il est vrai que l’on peut voir le verre soit à moitié plein, soit à moitié vide.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Dans le premier cas, on se réjouit que nos producteurs puissent continuer à produire des vins d’excellence qui ne seront pas concurrencés déloyalement par des productions venant des pays tiers.

Mais le verre reste à moitié vide, car ce dossier révèle, une fois de plus, le degré d’incompréhension de la Commission pour les réalités et les enjeux agricoles et viticoles dans les États membres.

Souvenons-nous : le « combat » – osons prononcer le mot – était pourtant mal engagé. À la fin du mois de janvier, lorsque le comité de gestion des vins, qui réunit les experts des vingt-sept États membres, vote, à titre indicatif, le projet de règlement sur les pratiques œnologiques au sein de l’Union, aucun des participants – la France y compris – n’y voit rien à redire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Pourtant, figure dans ce texte d’application de la grande réforme de l’OCM vitivinicole, votée en 2007, la levée de l’interdiction de produire des rosés de table par coupage.

Pour le commissaire européen à l’agriculture, le coupage est censé permettre aux producteurs européens de jouer à armes égales face à leurs concurrents – Américains, Australiens ou Sud-Africains – qui peuvent commercialiser un mélange rouge et blanc sous le nom de rosé sur le territoire communautaire.

Une fois qu’est prise la mesure de la réforme, la « résistance » s’organise. Le ministre de l’agriculture, M. Michel Barnier, s’alarme de ce projet auprès de Mme Fischer Boel, commissaire européen. Un compromis est concocté le 23 mars, au sein du comité de gestion du vin. On y entérine la possibilité pour le vin rosé authentique, élaboré par des méthodes traditionnelles de vinification, et non par coupage, de bénéficier de l’appellation « vin traditionnel », mentionnée sur l’étiquette.

Or, on le sait, nos professionnels ne veulent pas de cette mesure. Le vin rosé est un produit jeune, apprécié par les femmes et par les jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Certes, mais je mentionne les femmes, car ce sont de fins connaisseurs !

Les sénatrices de l’UMP applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Les professionnels redoutent que l’adjectif « traditionnel » ne donne à ce produit une image poussiéreuse.

L’opposition au projet de la Commission est donc reconduite, mais le partage des forces ne joue pas en notre faveur. La France est isolée et ne dispose pas véritablement d’appui pour bloquer la mesure, dont l’adoption est renvoyée au Conseil des ministres de l’agriculture du 19 juin 2009.

C’est à ce moment-là que notre assemblée se saisit du dossier. Avec mon collègue Simon Sutour, et en qualité de président du groupe d’études de la vigne et du vin, je dépose auprès de la commission des affaires européenne, présidée par M. Hubert Haenel, une proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement à « s’opposer à la disposition permettant d’obtenir du vin rosé par coupage de vins rouges et de vins blancs ».

Le texte est renvoyé devant la commission des affaires économiques, qui me confie la mission de rapporteur. Je procède alors, en accord avec mon collègue Roland Courteau, à une série d’auditions des principaux acteurs de la filière.

Le rapport et la proposition sont adoptés à l’unanimité – il est important de le souligner – par la commission, le 3 mai dernier. Le texte, devenu résolution du Sénat dix jours plus tard, invite le Gouvernement à « s’opposer fermement à la suppression de l’interdiction du coupage de vins sans indication géographique de couleurs différentes pour produire des vins tranquilles rosés ».

Parallèlement, les viticulteurs s’organisent et, ainsi que nous le préconisions dans le rapport, mènent des actions importantes de communication sur le sujet auprès du grand public et de leurs collègues des autres États membres concernés. Le 26 mai, ils organisent une conférence de presse à Bruxelles à laquelle les producteurs italiens et espagnols s’associent.

La campagne « coupé n’est pas rosé » est lancée de façon très efficace. La pétition contre le rosé coupé, circulant sur internet, recueille plusieurs dizaines de milliers de signatures. Un récent sondage montre que 87 % de nos compatriotes sont opposés à l’autorisation de coupage et que 86 % n’en achèteraient jamais si un tel vin venait à être commercialisé.

Sont mises en avant les qualités et l’originalité du vin rosé « authentique », ainsi que l’importance économique du secteur. Ni vin blanc, ni vin rouge, ni mélange des deux, le vin rosé « traditionnel » est en effet un vin à part, compte tenu de ses spécificités de couleur, de texture, de goût et de conservation.

Le marché du vin rosé se porte bien, surtout dans notre pays. La France est le leader mondial du secteur, avec 38 % de la production européenne, qui provient principalement de la Provence, de la Loire, du Rhône, et aussi de la Gironde. Il constitue 11 % de notre vignoble, génère un milliard d’euros de chiffre d’affaires et occupe 11 000 personnes directement et 66 000 emplois induits.

La demande de vin rosé ne cesse d’augmenter. Il représente 24 % de la consommation française totale de vin, contre 11 % en 1990, soit plus que le vin blanc désormais. Plusieurs explications expliquent cet engouement pour le vin rosé : des caractéristiques qui correspondent bien aux attentes du public, une plus grande facilité d’accès pour des consommateurs peu expérimentés en matière de vin, ou encore, il convient de le souligner, les efforts remarquables réalisés par la filière pour rendre le produit plus attractif, que ce soit en termes de qualité, de prix ou de marketing.

Si ces éléments ne devaient, à eux seuls, emporter la conviction, la présentation des risques du coupage, qui figure dans notre rapport, enfonce le clou. Le vin rosé issu de coupage présente en effet d’importants inconvénients.

Tout d’abord, il existe un risque de standardisation. Quand on sait que l’introduction d’un volume infime – de l’ordre de 1 % ou 2 % – de vin rouge dans du vin blanc suffit à lui donner l’apparence d’un vin rosé, on imagine ce que certains auraient été tentés de faire : colorer des quantités industrielles de vin blanc de piètre qualité pour obtenir du « vin rosi ». La formidable palette de goûts et de couleurs des rosés traditionnels aurait alors été perdue au profit d’un produit interchangeable.

Le deuxième risque est l’édulcoration. L’absence, dans les rosés coupés, des molécules donnant au vin sa « rondeur » peut être compensée par une macération plus longue, source d’une certaine rugosité.

Enfin, le dernier risque que nous allons finalement éviter est la confusion pour le consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Celui-ci aurait été amené à acheter un vin ayant l’aspect « chromatique » du rosé, selon l’expression employée par les spécialistes, mais absolument pas le goût. On imagine qu’il n’aurait pas été incité à en racheter.

Pour toutes ces raisons, il fallait nous opposer avec clarté et fermeté au projet de la Commission, et c’est ce que nous avons fait en étroite liaison avec le Gouvernement.

Nos arguments ont porté, puisque notre pays est parvenu, au finish – mais en montant au filet !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cette reconfiguration du rapport de force, alliée peut-être à la survenance des élections européennes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Ne l’oublions pas, la décision est intervenue quelques jours après les élections européennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cette reconfiguration, disais-je, a finalement entraîné le recul de la Commission, à la grande satisfaction de nos professionnels. Dès lors, les questions que je souhaitais poser au représentant du Gouvernement lors du présent débat ne sont plus d’actualité. Mais nous devons rester vigilants.

Une seule interrogation semble demeurer : l’Organisation mondiale du commerce, saisie pour avis, a-t-elle examiné le dossier ? En d’autres termes, risque-t-on de se voir reprocher l’interdiction du coupage non pas par les instances communautaires, mais par L’OMC pour entrave à la libre concurrence ? Vous nous rassureriez complètement, monsieur le secrétaire d’État, en nous apportant des éléments sur ce point. Mais ce qu’a fait un commissaire européen un nouveau commissaire peut le défaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Ne faudrait-il pas, monsieur le président de la commission, inviter le directeur général de l’OMC, M. Lamy, à venir s’exprimer sur tous les points actuellement en discussion à l’OMC, notamment sur les produits nutritionnels ou sur le vin rosé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Nous devons être vigilants sur tous les fronts.

En conclusion, je me réjouis du retrait de ce projet inacceptable pour une filière de qualité comme l’est celle du vin rosé français, et je me félicite des effets positifs de nos travaux sur le dénouement de ce dossier, preuve, s’il en était besoin, que l’union du Parlement, de l’exécutif et des acteurs économiques nationaux, en France et à Bruxelles, permet d’obtenir satisfaction lorsque la cause est juste et défendue avec conviction, tel le mariage du fromage et du rosé !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur César, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Michel Barnier, qui a été un acteur majeur dans ce dossier.

Le sujet du vin rosé a été, ces dernières semaines, au cœur de débats politiques et médiatiques passionnés. Et pour cause ! Dès que les discussions européennes portent sur des sujets aussi sensibles, qui touchent à notre patrimoine gustatif et œnologique, à notre culture, et aussi, disons-le, à un secteur économique important, il est naturel que les professionnels comme le grand public et, a fortiori, la représentation nationale, demandent une attention toute particulière des pouvoirs publics.

Au-delà de la sensibilité naturelle de la question, on peut aussi remarquer que certains auraient été heureux de faire du vin rosé le symbole d’une Europe éloignée, technocratique, sourde à nos préoccupations et à la défense des patrimoines nationaux.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Ce sujet montre, comme bien d’autres, que l’Europe, quand on le veut, n’est pas une machine froide sur laquelle nous n’avons pas d’emprise. L’Europe, ce n’est pas « eux », c’est « nous » ! Donc, l’enseignement de ce dossier, c’est que, pour obtenir des orientations et des décisions favorables, il faut peser et faire valoir notre point de vue, de manière déterminée et volontariste. L’initiative que vous avez prise, monsieur César, est tout à fait emblématique en la matière.

À l’occasion du vote indicatif préalable à la consultation de l’OMC, le 27 janvier 2009, la France avait fait part de ses vives réserves sur la levée de l’interdiction de coupage, tout en se prononçant favorablement sur le reste du texte, compte tenu des réponses positives apportées à ses autres demandes ; j’y reviendrai.

La France était initialement très isolée sur la question, puisque seule la Hongrie la soutenait. Elle a obtenu le report du vote des deux règlements en débat – pratiques œnologiques et règles d’étiquetages – à la fin du mois de juin et elle a mis à profit ce délai pour expliquer sa position aux autres États membres et rechercher des soutiens.

Michel Barnier a ainsi écrit à la commissaire le 11 février et le 13 mars 2009 et a porté à plusieurs reprises ce sujet mal connu à l’attention de ses homologues, à l’occasion des conseils des ministres de l’agriculture.

La Commission a indiqué qu’elle n’entendait pas modifier le règlement sur les pratiques œnologiques et a proposé, de manière alternative, de donner la possibilité aux États membres de distinguer le rosé « traditionnel » et le rosé de « coupage » sur l’étiquetage. La France s’est abstenue sur ce projet en rappelant sa ferme opposition à la levée de l’interdiction du coupage des vins rouges et blancs sans indication géographique. En effet, cette solution ne garantit pas un régime commun entre États membres et ne s’applique qu’aux vins de l’État membre qui le décide.

Les professionnels ont enfin insisté, à plusieurs reprises, sur le décalage entre l’appellation « rosé traditionnel » qui leur est proposée et l’image « moderne » qui lui est associée.

Devant la mobilisation des gouvernements, français puis italiens, et des professionnels, la Commission a indiqué, le 8 juin, qu’« il n’y aura pas de changement dans les règles de production du vin rosé ».

Sur la question des pratiques œnologiques relatives à l’élaboration du vin rosé, le Gouvernement a donc travaillé en liaison étroite avec la Commission, les professionnels et les autres États membres dès cet automne.

La décision de la Commission de renoncer au coupage des vins rosés montre que cette méthode de la concertation était la bonne. Elle constitue la victoire d’un certain modèle alimentaire, que nous avons évoqué au cours du débat précédent, respectant les droits des consommateurs, les savoir-faire des producteurs et les traditions qui nous sont chères. C’était un combat important et urgent, parce que le règlement actuel qui interdit le coupage prend fin le 1er août 2009.

Ceux qui ont dénoncé l’attitude ouverte de dialogue du Gouvernement avec la Commission et les autres États membres doivent comprendre que cette proposition s’inscrit par ailleurs dans une réforme plus large qui est celle de l’Organisation commune de marché vitivinicole, dont un enjeu majeur est de renforcer la compétitivité de toute la filière du vin. Ainsi, la Commission a proposé de lever plusieurs restrictions telles que la désalcoolisation ou l’utilisation de copeaux, attendues par la profession.

L’économie globale de cette réforme est bonne pour la profession. Elle est essentielle pour cette filière qui, dans un contexte de réduction de la consommation nationale, doit impérativement reconquérir des parts de marché à l’exportation.

S’agissant de la question spécifique de la levée de l’interdiction de mélange de vin rouge et de vin blanc sans indication géographique pour produire du vin rosé, Michel Barnier a entendu les producteurs, qui lui ont fait part, le 14 janvier 2009, de leur opposition à la proposition de la Commission, qui risquait de changer la donne.

Cette proposition était en effet de nature à remettre en cause l’équilibre économique de la filière des vins rosés français de qualité, qui a mené depuis de nombreuses années une politique d’amélioration de la qualité des produits dans le respect des modes de fabrication traditionnels.

Le Gouvernement est conscient à la fois des efforts réalisés et des enjeux économiques qui sont en cause dans ce dossier, puisque la France est, avec 29% de la production mondiale, le premier producteur mondial de vin rosé, lequel représente aujourd’hui près de 9 % de la consommation mondiale de vins.

En outre, mesdames, messieurs les sénateurs – en tant que secrétaire d’État à la consommation, cela revêt une importance particulière à mes yeux –, il était primordial qu’il n’y ait pas d’amalgame aux yeux du consommateur entre deux types de produits intrinsèquement différents.

Enfin, monsieur César, vous interrogez le Gouvernement à propos de l’OMC. Celle-ci a étudié le dossier, qui est aujourd’hui réexaminé par la Commission, et n’a pas formulé de remarques sur les pratiques de désalcoolisation et de coupage. Dans la mesure où cette interdiction de coupage, qui a été rétablie lundi dernier par la Commission, s’applique aux vins produits au sein des États membres de l’Union européenne et ne pose aucun obstacle au commerce avec les pays tiers, l’OMC n’a pas de motif de dénoncer cette pratique au titre de l’entrave à la libre concurrence.

C’est pourquoi la position défendue par le Gouvernement a, je le crois, répondu aux attentes que vous avez exprimées dans votre résolution. Il s’agit d’une victoire partagée entre le Parlement, les professionnels et le Gouvernement, après plusieurs mois de dialogue avec la Commission et les autres États membres.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le bon sens et la raison, viennent, semble-t-il, de l’emporter, si j’en crois la récente décision de la Commission européenne de faire marche arrière en renonçant à son projet d’autoriser le mélange du vin blanc et du vin rouge pour obtenir du rosé. Renoncement définitif ou provisoire, telle est la question qui se pose encore…

J’avais soutenu la proposition de résolution de Gérard César et de Simon Sutour en commission des affaires économiques, et nos interventions, ajoutées à celles des représentants de la profession, ont contribué à corriger ce qui fut plus qu’une erreur : une faute !

La Commission européenne, avec l’aval des États membres, avait dit vouloir « libérer l’Europe de ses entraves œnologiques ». Voilà qui est grave pour le présent et l’avenir. C’est en effet ignorer que ce sont ces mêmes règles œnologiques, et l’interdiction de faire n’importe quoi, qui ont fait la renommée des produits de qualité comme les vins français.

J’y insiste : plutôt que d’aligner certaines de nos pratiques œnologiques sur celles des pays du nouveau monde, j’aurais préféré que l’Union européenne « mette le paquet » sur la promotion intracommunautaire et extracommunautaire de nos produits, sur la valorisation de l’authenticité de nos vins et leurs liens forts avec les terroirs. Si les États membres ne s’opposent pas à de telles prises de position ultra-libérales de la Commission, alors nous allons droit à un nivellement qualitatif par le bas.

Comment les États membres ont-ils pu laisser passer, dans un premier temps, une telle mesure ? Il s’agit d’une véritable hérésie, digne des pratiques d’alchimiste. Comment a-t-on pu accepter ce qui n’aurait été rien d’autre qu’une contrefaçon alimentaire ? Jusqu’où veut-on aller ?

Si l’affaire n’était pas aussi grave, on pourrait citer l’humoriste Pierre Dac, qui suggérait de greffer des rosiers sur les vignes pour produire du vin rosé.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le secrétaire d’État, comment la France a-t-elle pu se laisser embarquer dans cette aventure, en janvier dernier, à Bruxelles, lors de la réunion du comité de réglementation ? Mme Fischer Boel, commissaire européen, a bien précisé que la France avait voté pour.

La France fera-t-elle preuve, à l’avenir, de davantage de vigilance ? En effet, ce qu’a fait un commissaire européen, un autre commissaire européen peut le refaire.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous vous en doutez, je m’apprêtais à interpeller le Gouvernement sur la question du coupage du vin blanc et du vin rouge pour fabriquer du vin rosé, qui était sur le point d’être autorisé par la Commission européenne. C’est donc avec une grande satisfaction que j’ai appris, lundi 8 juin, que celle-ci y renonçait.

Il est inutile d’insister sur le tollé que ce projet avait provoqué auprès des producteurs de vin rosé, des professionnels de la filière, des élus concernés et aussi de la population, qui le considéraient comme dangereux tant pour les professions viticoles que pour les valeurs de nos terroirs et notre identité. Selon un sondage IFOP publié dans Sud Ouest et Midi Libre, 87% des Français y étaient ainsi opposés.

Nous savons que c’est grâce à ces vins rosés, élaborés selon un mode de macération spécifique, que la France occupe la place de premier producteur mondial de vin rosé de qualité, cette production représentant dans notre pays 15 000 emplois directs et 70 0000 emplois indirects.

Grâce à une mobilisation sans faille et à l’implication admirable de Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, le dialogue engagé depuis plusieurs mois avec Mariann Fischer Boel, commissaire européen en charge de l’agriculture et du développement rural, a porté ses fruits, et je m’en réjouis.

Le Sénat a également joué un rôle de premier ordre dans ce combat, avec la mobilisation des sénateurs concernés et l’adoption, par la commission des affaires économiques, d’une proposition de résolution européenne sur le sujet.

J’ajoute que les producteurs du Languedoc-Roussillon, qui avaient déployé, ces dernières années, des efforts constants en matière de qualité et de saveur de leur produit, notamment eu égard aux règles entourant les appellations contrôlées, sont particulièrement soulagés du maintien de l’interdiction du coupage. La levée de celle-ci aurait été vécue comme une profonde injustice.

La décision de la Commission européenne est donc une excellente nouvelle. Au lendemain des élections européennes, cela prouve aussi que l’Europe sait écouter et protéger le savoir-faire des vignerons. Je reprendrai à mon compte les propos du ministre de l’agriculture italien : « La tradition l’a emporté ! C’est cette Europe que nous voulons, celle qui est fondée sur le respect de l’identité, de la sécurité alimentaire et de la tradition ».

Cependant, la plus grande vigilance doit rester de mise. À cet égard, il me semble utile d’obtenir des précisions sur le maintien de l’interdiction du coupage. Monsieur le secrétaire d’État, dispose-t-on de garanties sur le caractère total et irrévocable de cette interdiction ?

Vous n’êtes pas sans savoir que la composition de la Commission sera modifiée à l’automne prochain. II est donc utile de connaître les raisons de fond qui ont motivé le revirement de la Commission européenne, que j’applaudis une nouvelle fois, ainsi que la perspicacité du Gouvernement et du Parlement français.

Comme mon collègue Gérard César, j’ajouterai, pour terminer, qu’il faut rester extrêmement vigilant sur la négociation du volet agricole de l’OMC.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe se réjouit du recul de la commission sur le coupage du vin rosé. Mais il ne s’agit que d’une exception, obtenue par l’immense mobilisation d’un certain nombre de pays, du monde viticole et des parlementaires dans leur ensemble. Nous avons l’habitude, hélas, de percevoir l’Europe comme une grosse structure qui ralentit ou s’arrête parfois, mais ne recule qu’exceptionnellement.

Ma question au Gouvernement porte sur un point commun aux deux directives que nous abordons ce matin et, malheureusement, à la majeure partie des directives.

L’aberration du vin rosé obtenu par coupage de vin rouge et de vin blanc illustre à merveille ce qui se passe à Bruxelles sous la pression des lobbies, ici celui des pinardiers, aux finalités peu philanthropiques, désireux, avant tout, d’accroître leurs profits et leur influence. Certaines directives sont désormais écrites par eux et adoptées sans qu’une seule virgule y soit changée. Ce déplacement du pouvoir politique vers le pouvoir économique est inquiétant. Aussi aimerais-je que le Gouvernement élève une vive protestation contre ces pratiques acceptées par la Commission, qui conduisent à une inflation de directives conformes à l’esprit du traité de Lisbonne, mais particulièrement défavorable aux peuples d’Europe.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Monsieur Courteau, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire, dès la présentation de ce projet de directive au mois de janvier, le Gouvernement s’est vivement opposé à la partie de ce texte qui concernait le coupage des rosés. Le reste du projet est très important pour l’avenir de la viticulture française, et nous souscrivons à ses orientations, notamment sur l’intégration de copeaux ou la désalcoolisation. Le Gouvernement soutient donc aujourd’hui le projet en l’état, dans la mesure où la Commission est revenue sur sa position.

Mme Bruguière m’a interrogé sur les garanties de pérennisation de cette mesure.

Si nous avons réussi, c’est parce que nous nous sommes mobilisés collectivement. Je voudrais à cet égard saluer le travail de M. César et de la commission des affaires européennes, qui a permis, avec les professionnels – je réponds ainsi à M. Le Cam –, de nous alerter. Nos arguments ont convaincu : nous avons pu trouver des alliances au-delà de nos frontières et peser sur le choix de la Commission européenne. Ce que nous avons fait hier, et qui nous a permis d’obtenir un tel résultat, nous continuerons de le faire.

À la suite de l’annonce de cette décision, les professionnels ont été reçus au ministère de l’agriculture, et Michel Barnier travaille toujours en liaison étroite avec eux. Le Gouvernement demeurera extrêmement vigilant, afin que le texte qui sera proposé au vote à la fin du mois de juin traduise très fidèlement la proposition que nous défendons collectivement.

Vous nous indiquez, monsieur Le Cam, que les pratiques de lobbying ne correspondent pas à ce que vous souhaitez. Je vous dirai simplement, sans défendre les pratiques bruxelloises, que si nous avons été suffisamment forts sur le sujet du coupage du vin rosé – comme sur celui des profils nutritionnels, d’ailleurs – c’est parce que les pouvoirs publics, le Gouvernement et le Parlement entretiennent des relations suivies avec les professionnels. Ce sont souvent eux qui peuvent nous alerter et anticiper certaines décisions. Ces échanges sur leur vécu quotidien et sur les mesures prises par le Gouvernement ou votées par le Parlement sont très importants.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je me réjouis du consensus qui se dégage sur le sujet. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez rassurés à propos de l’OMC, pour partie : je reste très prudent s’agissant de ces problèmes.

Cela étant, il est vrai que la concertation entre la commission des affaires européennes, la commission des affaires économiques, le ministère de l’agriculture et les producteurs a permis de parvenir à cette solution importante pour le devenir du vin rosé en France, qui ne sera pas du « vin rosi ». C’est une grande victoire pour le monde viticole, qui en avait bien besoin.

Le fromage et le rosé sont de merveilleux produits, qui font honneur à la gastronomie française.

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir répondu aux deux questions de nos collègues, Jean Bizet et Gérard César, sans avoir recours à la langue de bois et en développant de bons arguments. Par ailleurs, il est symboliquement important que ce soit le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation qui ait répondu sur ces deux sujets touchant à la qualité de produits français, les fromages et les vins, en particulier le vin rosé.

Je tiens également à remercier tous nos collègues qui sont intervenus, contribuant ainsi au succès de la procédure de contrôle mise en place à l’occasion de la dernière révision constitutionnelle. Mes remerciements vont à l’ensemble de nos collègues, sans exception : leur attitude prouve que tous les parlementaires se sentent concernés par les questions européennes.

Il m’a été suggéré d’auditionner Pascal Lamy, et pas seulement sur la question du vin. Dès cet après-midi, je prendrai contact avec lui afin qu’il puisse intervenir devant la commission des affaires européennes, élargie à tous nos collègues qui sont intéressés par ces différents sujets.

On s’interroge parfois sur l’utilité du Parlement : il essaie d’élaborer de bonnes lois, mais, de plus en plus, il s’intéresse de très près aux questions européennes. Intervenir non pas à la dernière minute, quand les décisions sont déjà bouclées, mais le plus possible en amont, assumer une fonction de vigie et de contrôle : tel est le rôle de la nouvelle commission des affaires européennes que j’ai l’honneur de présider.

Jean Bizet a raison : les industriels et les agriculteurs doivent avoir le sentiment que le Parlement joue un rôle utile, au moins sur les questions européennes, et qu’il peut être alerté sur ce qui se trame à Bruxelles.

Mes chers collègues, la troisième semaine de chaque mois, les travaux de notre assemblée sont consacrés aux activités de contrôle, qui incluent l’interrogation du Gouvernement sur les questions européennes. Aujourd’hui, nous avons abordé deux sujets d’importance pour les consommateurs, mais aussi pour l’identité de la France, la qualité de ses produits : le rosé et le fromage.

Le 25 juin, nous débattrons de deux nouvelles questions européennes, l’une sur le congé de maternité et l’autre sur la publication des données relatives aux passagers des vols internationaux. Ces questions ont trait à la protection de la vie privée et revêtent une importance particulière.

Pour terminer, je voudrais, à mon tour, me réjouir de l’issue de la controverse sur le vin rosé. Ce résultat montre que l’Europe n’est pas toujours sourde, contrairement à ce qui se dit. Mais encore faut-il se faire entendre et monter au créneau ! Nos interventions ne sont donc pas toujours inutiles.

Il faut tirer les leçons de cette controverse : il est anormal que, dans un premier temps, le représentant de la France ait donné son accord à une telle mesure. Par qui était-il mandaté ? Personne n’en saura jamais rien ! Cela démontre que le contrôle politique sur ce que l’on appelle, dans le jargon européen, la « comitologie » n’est pas satisfaisant.

Je rappelle, mes chers collègues, que le terme « comitologie » désigne les quelque trois cents comités chargés d’assister la Commission européenne lorsqu’elle prend des mesures d’exécution de la législation communautaire. Ces comités sont composés d’experts désignés par les États membres.

Dans la plupart des cas, lesdites mesures revêtent un caractère technique et ne posent pas de problèmes. Le travail ainsi réalisé est extrêmement utile, et même indispensable. Imaginons que les centaines de décisions prises chaque année de cette manière doivent suivre la procédure législative européenne : il en résulterait un engorgement immédiat !

Cependant, nous le savons tous, la frontière entre les matières techniques et politiques n’est pas figée. On pourrait estimer que le changement des méthodes de production du vin rosé est une question technique. Mais on voit bien que, si l’on touche à des traditions, à une culture, à l’équilibre économique d’une filière de production, la question devient Politique : j’aime écrire ce mot avec une majuscule !

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable que le Parlement soit mieux informé des projets examinés par ces comités. Dans 99 % des cas, ceux-ci ne posent pas de problème. Mais, pour quelques textes, il reste indispensable que nous puissions tirer la sonnette d’alarme quand il est encore temps, c’est-à-dire avant que le comité se prononce. Les ministères, chacun pour leur compte, suivent l’activité de ces comités. Il faudrait donc que chaque ministère, dès qu’apparaît un doute sur la portée politique éventuelle d’un projet examiné en comitologie, prenne la peine d’en informer le Parlement. Il est inutile de prévoir une séance solennelle dans l’hémicycle : un coup de fil au président de la commission des affaires européennes ou de l’une des commissions permanentes suffirait, à charge pour celui-ci de choisir le mode de réaction adapté.

En conclusion, je souhaite que, les uns et les autres, nous restions vigilants sur la question du vin rosé, car il ne faudrait pas qu’un projet sorti par la porte revienne un jour par la fenêtre !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous en avons terminé avec ce dernier débat.

Je constate une belle unanimité de notre assemblée sur ces sujets.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.