Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les handicaps, les troubles envahissants du développement sont extrêmement difficiles à vivre tant pour les enfants atteints que pour les parents, qui, brutalement, se trouvent confrontés à l’inenvisageable et à un profond désarroi lorsque s’impose la réalité du handicap.
Ce désarroi ne fait que s’accentuer lorsque débute la recherche d’une structure d’accueil : déscolarisation, absence d’accueil et de concertation avec les familles, refus implicite et parfois explicite d’appliquer les dispositions de la circulaire ministérielle n°2005-124 du 8 mars 2005 ; besoins d’accompagnement remis en cause, revus à la baisse quand ils ne sont pas purement et simplement niés ; ignorance ou parfois refus de mettre en œuvre des techniques de prise en charge ou d’enseignement ayant déjà fait leur preuve ailleurs ; violences exercées à l’encontre des enfants atteints, faute de formation adaptée.
La liste est longue de ces portes fermées, de ces murs institutionnels auxquels se heurtent les personnes concernées par le handicap. Mais ces carences ne peuvent nous faire oublier le travail quotidien et la combativité dont ont fait preuve familles, associations et professionnels, afin de garantir un quotidien vivable aux personnes atteintes de ces troubles envahissants et à leur environnement.
Madame la secrétaire d'État, votre plan Autisme 2008-2010 ambitionne de remédier à ces manquements, ce dont nous vous félicitons. Le bilan d’étape du 28 mai dernier annonce une suite prometteuse. Toutefois, il suscite non pas des objections, mais quelques interrogations.
Permettez-moi de prendre l’exemple de mon département.
La Réunion compte environ 3 700 personnes atteintes de ces troubles, une extrapolation du taux de prévalence retenu par l’OMS et d’ailleurs repris dans le plan Autisme.
On y constate un nombre très insuffisant de structures pour accueillir les enfants, adolescents et adultes, ainsi qu’une absence d’alternative en matière de prise en charge.
Actuellement, aucun traitement comportemental n’est proposé aux familles réunionnaises, alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à solliciter cette approche éducative.
C’est la raison pour laquelle, en septembre 2008, l’association Autisme Bel Avenir a soumis au CROSMS de la Réunion, le Comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale, un projet de création de structure fondé sur le traitement comportemental appliqué en expérimentation, élaboré sur le même modèle que celui de l’association Pas à Pas de Villeneuve-d’Ascq, et grâce à une étroite collaboration avec celle-ci.
Ce projet converge, sur bien des points, avec votre plan Autisme.
Le traitement innovant choisi est la méthode ABA, Applied Behavioral Analysis.
Pour la formation universitaire, l’Association Autisme Bel Avenir a rencontré le président de Lille III et celui de l’université de la Réunion, qui s’est dit prêt à plaider en faveur de la création, dans son établissement, d’une licence professionnelle en analyse appliquée du comportement, en partenariat avec Lille III et d’autres si toute la filière de formation universitaire s’impose en France métropolitaine.
À ces deux volets s’ajoute celui de la coopération régionale, auquel, n’en doutez pas, nous attachons beaucoup d’importance.
En 2007, l’Association a exposé ce projet au président seychellois, James Michel, qui, de passage à la Réunion, a montré un vif intérêt.
Le CROSMS a émis un avis favorable à ce projet ABA ; c’était une première en France. Il a toutefois exprimé quelques réserves, dont une concerne le coût, qui est la pierre d’achoppement à l’ouverture des établissements expérimentaux.
Alors qu’un des axes de ce deuxième plan Autisme est la mise en exergue des méthodes innovantes, les moyens financiers ne semblent pas suivre. Au vu de votre bilan apparaît une inadéquation entre votre détermination à privilégier l’expérimentation et l’application.
Se pose alors, madame la secrétaire d’État, la question de savoir par quel moyen vous comptez remédier à ce décalage.
Envisager de demander aux porteurs de projet de revoir à la baisse le coût de la prise en charge, c’est faire fi des dépenses spécifiques de certaines méthodes expérimentales, comme le suivi des enfants dans leurs différents lieux de vie : maison, école, lieux de loisirs, etc. Cela sous-entend des remboursements très élevés aux intervenants auprès des personnes atteintes sur la base de la convention 66. À cela, il faut ajouter des frais impromptus.
Vous parlez d’enveloppe nationale mise en réserve. Vient-elle en complément du financement de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS ? Quels sont les critères requis pour bénéficier de cette enveloppe ? Toutes les régions peuvent-elles y prétendre ?
Enfin, madame la secrétaire d’État, le problème de l’évaluation est crucial pour la pérennisation des traitements innovants.
L’expérimentation n’a de sens que si l’on établit une comparaison entre le groupe de contrôle aux méthodes classiques et les groupes aux traitements comportementaux, avec une grille d’évaluation unique incluant également des données diverses, telles que le nombre d’heures de prise en charge, la formation du personnel, le type de structure, etc. Tout doit être pris en compte.
Voilà autant d’interrogations qui, je n’en doute pas, recevront des réponses satisfaisantes, grâce à votre réceptivité à l’innovation et à votre capacité d’écoute tant des familles que des associations ou des professionnels concernés par l’autisme. Madame la secrétaire d’État, j’ose espérer que vous serez attentive aux projets innovants présentés dans le département qui est le mien, celui de la Réunion.