Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 11 juin 2009 à 9h00
Plan autisme 2008-2010 — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une évolution se dessine aujourd’hui dans l’approche de l’autisme et des troubles envahissants du développement, ou TED, que reflète, à mon sens, le plan Autisme 2008-2010, même si elle s’y inscrit en filigrane. Cette incontestable prise de conscience doit nous permettre de briser le carcan de réponses trop manichéennes et d’adopter avec modestie une approche plus transversale des différentes manifestations d’autisme, notamment, comme cela est envisagé, par l’expérimentation.

Encore faut-il que les mesures d’accompagnement concrétisent cette approche systémique, à défaut de quoi les intentions, si méritoires soient-elles, resteront vaines. Or nous sommes loin, peut-être même encore très loin du compte ! Ni les moyens, ni l’ensemble des ministères impliqués ne sont au rendez-vous.

« Toutefois ces avancées ne sauraient masquer les insuffisances auxquelles il faut encore remédier », écrivez-vous. Cette lucidité vous honore, mais le terme d’« insuffisance » est faible au regard du désarroi des familles.

Vous faites état aujourd’hui de la création de 1 158 places nouvelles autorisées et financées sur un programme de 4 100 places. Rapportées aux évaluations, même les plus basses, de 180 000 personnes souffrant de TED selon l’INSERM, 600 000 selon le Comité d’éthique, et aux 5 000 à 8 000 nouveau-nés concernés, le nombre de ces places apparaît malheureusement faible, presque dérisoire, d’autant que les données relatives aux malades, qu’elles résultent de l’affection ou du dépistage, sont encore en augmentation !

Le plan Autisme 2008-2010 est, certes, extrêmement ambitieux. Mais, lorsque nous examinons les trois axes qu’il décline, nous nous interrogeons sur l’ampleur des recherches prévues, nous nous inquiétons de la formation, nous ne trouvons pas les postes indispensables au dépistage précoce, à l’accueil, à l’information et à l’accompagnement des familles. Est-il besoin de souligner que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, manquent déjà de personnel et que les postes non pourvus ne sont toujours pas compensés comme ils devraient l’être ?

S’agissant de la scolarisation, dont l’importance dans le processus de socialisation des enfants est avérée, nous craignons, bien évidemment, les conséquences de la disparition des auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Comment n’avoir pas anticipé le terme de leurs contrats ? Que vont devenir ces enfants et leurs familles ? Cet abandon ne constitue-t-il pas une nouvelle « maltraitance par défaut », pour laquelle la France a déjà été condamnée en 2004 par le Conseil de l’Europe ?

Serait-il invraisemblable d’appliquer ici ce que fait l’Italie, donnée en exemple par le Comité d’éthique dans son avis du 8 novembre 2007, où l’effectif d’une classe qui accueille un enfant handicapé est automatiquement divisé par deux et l’enseignant assisté d’une personne spécialisée ?

Voilà peu, dans l’Aisne, l’ouverture programmée d’un centre de prévention et de diagnostic, attendue, espérée de longue date, s’est trouvée subitement compromise en raison du non-versement de la moitié du financement prévu. J’ai rencontré des familles, des associations et des professionnels de mon département. Leur constat est amer : la reconnaissance des droits n’a pas été suivie d’effet.

Certes, des projets aboutissent malgré tout, grâce à la bonne volonté et à la collaboration de tous, dont l’État. Ainsi ai-je eu l’immense plaisir et l’émotion d’inaugurer le 16 mai dernier un foyer d’accueil pour adultes autistes de vingt-sept places à Villequier-Aumont, mais il est le seul du département. Cette situation est absolument dramatique pour les familles et leurs enfants, car les fratries sont évidemment touchées, au même titre que les parents.

Dans un tel contexte de retard et d’urgence, ce plan Autisme est à la fois trop et trop peu.

Madame la secrétaire d’État, comment imaginez-vous influer sur la réalité en étant dépourvue des budgets nécessaires à la réalisation d’un tel plan et sans moyens d’actions sur les budgets de vos collègues dont la mise en œuvre de ce programme dépend pourtant aussi ?

Ce programme gagnerait en crédibilité si les multiples mesures projetées comportaient une échéance et le plan lui-même, un calendrier des priorités.

Peut-être pourriez-vous également envisager la tenue d’états généraux des troubles envahissants du développement : ils ne pourraient que favoriser, auprès du plus grand nombre, une meilleure acceptation de la différence. En effet, la douleur, la solitude et le désarroi des familles proviennent bien sûr de l’ignorance et de la peur que génère l’a-normal.

Les syndromes des TED heurtent durement nos schémas sociaux. Ils les remettent directement et nécessairement en cause, dès lors qu’ils n’y trouvent pas de place.

Or, non seulement nous ne savons pas encore en identifier les origines et les causalités, pas même les corréler, et nous sommes dans l’incapacité de soigner, accompagner et soulager au mieux les souffrances qu’ils génèrent, mais au surplus, madame la secrétaire d’État, vous développez un modèle social qui porte en lui-même cette exclusion.

Où trouverez-vous le temps, la patience, l’acceptation de bénéfices qui ne seraient pas immédiatement quantifiables dans un monde normé par la compétitivité et la performance, soumis aux grilles d’évaluation, conditionné par les primes au mérite... autant de règles érigées en instruments impérieux de la réussite sociale ?

Comment prendre en compte ces besoins, dont chacune et chacun d’entre nous ici connaît l’ampleur localement, à la seule aune d’enveloppes financières fermées ? La dépense, là plus qu’ailleurs, n’est-elle pas pondérée par l’investissement qu’elle réalise ?

Serait-il envisageable, puisque nous travaillons à budget contraint, d’intégrer à l’évaluation du coût d’une décision, par exemple la reconduite de tous les contrats d’AVS, non seulement les économies réalisées en termes d’indemnisation ASSEDIC, de formation, de stage, de subvention au travail précaire, mais aussi les économies que génère, pour les enfants handicapés et pour leur famille, l’absence de souffrance et d’angoisse ?

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éléments de réponse que vous serez en mesure de nous apporter sur ces sujets. §

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