Intervention de Gérard César

Réunion du 11 juin 2009 à 9h00
Débat européen sur le suivi des positions européennes du sénat — Ii. - vin rosé

Photo de Gérard CésarGérard César, au nom de la commission des affaires économiques :

Les professionnels redoutent que l’adjectif « traditionnel » ne donne à ce produit une image poussiéreuse.

L’opposition au projet de la Commission est donc reconduite, mais le partage des forces ne joue pas en notre faveur. La France est isolée et ne dispose pas véritablement d’appui pour bloquer la mesure, dont l’adoption est renvoyée au Conseil des ministres de l’agriculture du 19 juin 2009.

C’est à ce moment-là que notre assemblée se saisit du dossier. Avec mon collègue Simon Sutour, et en qualité de président du groupe d’études de la vigne et du vin, je dépose auprès de la commission des affaires européenne, présidée par M. Hubert Haenel, une proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement à « s’opposer à la disposition permettant d’obtenir du vin rosé par coupage de vins rouges et de vins blancs ».

Le texte est renvoyé devant la commission des affaires économiques, qui me confie la mission de rapporteur. Je procède alors, en accord avec mon collègue Roland Courteau, à une série d’auditions des principaux acteurs de la filière.

Le rapport et la proposition sont adoptés à l’unanimité – il est important de le souligner – par la commission, le 3 mai dernier. Le texte, devenu résolution du Sénat dix jours plus tard, invite le Gouvernement à « s’opposer fermement à la suppression de l’interdiction du coupage de vins sans indication géographique de couleurs différentes pour produire des vins tranquilles rosés ».

Parallèlement, les viticulteurs s’organisent et, ainsi que nous le préconisions dans le rapport, mènent des actions importantes de communication sur le sujet auprès du grand public et de leurs collègues des autres États membres concernés. Le 26 mai, ils organisent une conférence de presse à Bruxelles à laquelle les producteurs italiens et espagnols s’associent.

La campagne « coupé n’est pas rosé » est lancée de façon très efficace. La pétition contre le rosé coupé, circulant sur internet, recueille plusieurs dizaines de milliers de signatures. Un récent sondage montre que 87 % de nos compatriotes sont opposés à l’autorisation de coupage et que 86 % n’en achèteraient jamais si un tel vin venait à être commercialisé.

Sont mises en avant les qualités et l’originalité du vin rosé « authentique », ainsi que l’importance économique du secteur. Ni vin blanc, ni vin rouge, ni mélange des deux, le vin rosé « traditionnel » est en effet un vin à part, compte tenu de ses spécificités de couleur, de texture, de goût et de conservation.

Le marché du vin rosé se porte bien, surtout dans notre pays. La France est le leader mondial du secteur, avec 38 % de la production européenne, qui provient principalement de la Provence, de la Loire, du Rhône, et aussi de la Gironde. Il constitue 11 % de notre vignoble, génère un milliard d’euros de chiffre d’affaires et occupe 11 000 personnes directement et 66 000 emplois induits.

La demande de vin rosé ne cesse d’augmenter. Il représente 24 % de la consommation française totale de vin, contre 11 % en 1990, soit plus que le vin blanc désormais. Plusieurs explications expliquent cet engouement pour le vin rosé : des caractéristiques qui correspondent bien aux attentes du public, une plus grande facilité d’accès pour des consommateurs peu expérimentés en matière de vin, ou encore, il convient de le souligner, les efforts remarquables réalisés par la filière pour rendre le produit plus attractif, que ce soit en termes de qualité, de prix ou de marketing.

Si ces éléments ne devaient, à eux seuls, emporter la conviction, la présentation des risques du coupage, qui figure dans notre rapport, enfonce le clou. Le vin rosé issu de coupage présente en effet d’importants inconvénients.

Tout d’abord, il existe un risque de standardisation. Quand on sait que l’introduction d’un volume infime – de l’ordre de 1 % ou 2 % – de vin rouge dans du vin blanc suffit à lui donner l’apparence d’un vin rosé, on imagine ce que certains auraient été tentés de faire : colorer des quantités industrielles de vin blanc de piètre qualité pour obtenir du « vin rosi ». La formidable palette de goûts et de couleurs des rosés traditionnels aurait alors été perdue au profit d’un produit interchangeable.

Le deuxième risque est l’édulcoration. L’absence, dans les rosés coupés, des molécules donnant au vin sa « rondeur » peut être compensée par une macération plus longue, source d’une certaine rugosité.

Enfin, le dernier risque que nous allons finalement éviter est la confusion pour le consommateur.

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