Intervention de Luc Chatel

Réunion du 11 juin 2009 à 9h00
Débat européen sur le suivi des positions européennes du sénat — Ii. - vin rosé

Luc Chatel, secrétaire d'État :

Ce sujet montre, comme bien d’autres, que l’Europe, quand on le veut, n’est pas une machine froide sur laquelle nous n’avons pas d’emprise. L’Europe, ce n’est pas « eux », c’est « nous » ! Donc, l’enseignement de ce dossier, c’est que, pour obtenir des orientations et des décisions favorables, il faut peser et faire valoir notre point de vue, de manière déterminée et volontariste. L’initiative que vous avez prise, monsieur César, est tout à fait emblématique en la matière.

À l’occasion du vote indicatif préalable à la consultation de l’OMC, le 27 janvier 2009, la France avait fait part de ses vives réserves sur la levée de l’interdiction de coupage, tout en se prononçant favorablement sur le reste du texte, compte tenu des réponses positives apportées à ses autres demandes ; j’y reviendrai.

La France était initialement très isolée sur la question, puisque seule la Hongrie la soutenait. Elle a obtenu le report du vote des deux règlements en débat – pratiques œnologiques et règles d’étiquetages – à la fin du mois de juin et elle a mis à profit ce délai pour expliquer sa position aux autres États membres et rechercher des soutiens.

Michel Barnier a ainsi écrit à la commissaire le 11 février et le 13 mars 2009 et a porté à plusieurs reprises ce sujet mal connu à l’attention de ses homologues, à l’occasion des conseils des ministres de l’agriculture.

La Commission a indiqué qu’elle n’entendait pas modifier le règlement sur les pratiques œnologiques et a proposé, de manière alternative, de donner la possibilité aux États membres de distinguer le rosé « traditionnel » et le rosé de « coupage » sur l’étiquetage. La France s’est abstenue sur ce projet en rappelant sa ferme opposition à la levée de l’interdiction du coupage des vins rouges et blancs sans indication géographique. En effet, cette solution ne garantit pas un régime commun entre États membres et ne s’applique qu’aux vins de l’État membre qui le décide.

Les professionnels ont enfin insisté, à plusieurs reprises, sur le décalage entre l’appellation « rosé traditionnel » qui leur est proposée et l’image « moderne » qui lui est associée.

Devant la mobilisation des gouvernements, français puis italiens, et des professionnels, la Commission a indiqué, le 8 juin, qu’« il n’y aura pas de changement dans les règles de production du vin rosé ».

Sur la question des pratiques œnologiques relatives à l’élaboration du vin rosé, le Gouvernement a donc travaillé en liaison étroite avec la Commission, les professionnels et les autres États membres dès cet automne.

La décision de la Commission de renoncer au coupage des vins rosés montre que cette méthode de la concertation était la bonne. Elle constitue la victoire d’un certain modèle alimentaire, que nous avons évoqué au cours du débat précédent, respectant les droits des consommateurs, les savoir-faire des producteurs et les traditions qui nous sont chères. C’était un combat important et urgent, parce que le règlement actuel qui interdit le coupage prend fin le 1er août 2009.

Ceux qui ont dénoncé l’attitude ouverte de dialogue du Gouvernement avec la Commission et les autres États membres doivent comprendre que cette proposition s’inscrit par ailleurs dans une réforme plus large qui est celle de l’Organisation commune de marché vitivinicole, dont un enjeu majeur est de renforcer la compétitivité de toute la filière du vin. Ainsi, la Commission a proposé de lever plusieurs restrictions telles que la désalcoolisation ou l’utilisation de copeaux, attendues par la profession.

L’économie globale de cette réforme est bonne pour la profession. Elle est essentielle pour cette filière qui, dans un contexte de réduction de la consommation nationale, doit impérativement reconquérir des parts de marché à l’exportation.

S’agissant de la question spécifique de la levée de l’interdiction de mélange de vin rouge et de vin blanc sans indication géographique pour produire du vin rosé, Michel Barnier a entendu les producteurs, qui lui ont fait part, le 14 janvier 2009, de leur opposition à la proposition de la Commission, qui risquait de changer la donne.

Cette proposition était en effet de nature à remettre en cause l’équilibre économique de la filière des vins rosés français de qualité, qui a mené depuis de nombreuses années une politique d’amélioration de la qualité des produits dans le respect des modes de fabrication traditionnels.

Le Gouvernement est conscient à la fois des efforts réalisés et des enjeux économiques qui sont en cause dans ce dossier, puisque la France est, avec 29% de la production mondiale, le premier producteur mondial de vin rosé, lequel représente aujourd’hui près de 9 % de la consommation mondiale de vins.

En outre, mesdames, messieurs les sénateurs – en tant que secrétaire d’État à la consommation, cela revêt une importance particulière à mes yeux –, il était primordial qu’il n’y ait pas d’amalgame aux yeux du consommateur entre deux types de produits intrinsèquement différents.

Enfin, monsieur César, vous interrogez le Gouvernement à propos de l’OMC. Celle-ci a étudié le dossier, qui est aujourd’hui réexaminé par la Commission, et n’a pas formulé de remarques sur les pratiques de désalcoolisation et de coupage. Dans la mesure où cette interdiction de coupage, qui a été rétablie lundi dernier par la Commission, s’applique aux vins produits au sein des États membres de l’Union européenne et ne pose aucun obstacle au commerce avec les pays tiers, l’OMC n’a pas de motif de dénoncer cette pratique au titre de l’entrave à la libre concurrence.

C’est pourquoi la position défendue par le Gouvernement a, je le crois, répondu aux attentes que vous avez exprimées dans votre résolution. Il s’agit d’une victoire partagée entre le Parlement, les professionnels et le Gouvernement, après plusieurs mois de dialogue avec la Commission et les autres États membres.

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