Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Réunion du 11 juin 2009 à 15h00
Avenir du programme de l'airbus a400m — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, j’avais la faiblesse de penser que ma question revêtait un caractère certain d’actualité, mais, à en juger aux travées désertées par mes collègues, qui étaient pourtant nombreux pour assister à la séance de questions au Gouvernement, je serais tenté de relativiser…

Je reste cependant persuadé que cette question est tout à fait d’actualité et je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous serez, en tout état de cause, convaincu de la légitimité de notre interrogation en ce qui concerne l’avenir du programme de l’A400M.

Sur cet avion de transport militaire reposent des ambitions industrielles et de défense non seulement à l’échelon national, mais également et surtout au niveau européen.

Vous comprendrez également, monsieur le secrétaire d’État, que je sois, en ma qualité d’élu de la Haute-Garonne, particulièrement attentif à ce dossier.

À quelques jours d’une décision déterminante pour l’avenir du projet A400M, nous écouterons bien entendu avec beaucoup d’intérêt les réponses que vous voudrez bien nous fournir.

Je tiens par ailleurs à saluer le rapport d’information, intitulé L’Airbus militaire A400M sur le « chemin critique » de l’Europe de la défense, établi par nos collègues Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier : ce travail remarquable et équilibré a été apprécié non seulement par les élus que nous sommes, mais également par toutes les personnes d’EADS ou de Latécoère que j’ai eu l’occasion de rencontrer ces derniers jours.

L’A400M constitue à bien des égards un enjeu plus que symbolique de la politique de défense de l’Union : sans la réalisation du programme, cette politique ne saurait s’affirmer ni se concrétiser.

Ce programme est donc fondamental, tant sur le plan de la stratégie industrielle que sur celui de la mise en perspective d’une politique européenne de défense. Voilà bien, à n’en pas douter, un sujet d’actualité.

La Haute-Garonne s’est profondément investie dans ce projet parce qu’il est porteur d’avenir, à tel point, du reste, que de très nombreux emplois sont tributaires de sa pérennité et de sa réussite. Le maintien et l’essor d’un tissu industriel et d’un secteur d’activités de recherche connu et reconnu méritent aussi toute notre attention.

Cela veut dire clairement, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la décision éventuelle de renoncer à la poursuite du programme de l’A400M occasionnerait, notamment pour la région toulousaine, un véritable traumatisme économique et social.

Je rappelle que, dans le cadre de la réforme de la carte militaire, le général Klein s’était rendu à Toulouse pendant l’été 2008 pour annoncer – je dois le dire, à la stupeur générale – la fermeture totale de la base aérienne 101 de Francazal à l’échéance de septembre 2010.

Au-delà des choix opérés dans le cadre de cette refonte de la carte militaire, l’une des raisons avancées pour justifier cette décision était que la base aérienne de Francazal n’avait pas la capacité d’accueillir l’A400M ou au prix d’un aménagement qui, trop onéreux, ne pouvait pas être retenu.

Vous comprendrez bien que cette information conduit les élus à penser, et je me fais aujourd’hui en quelque sorte leur interprète, qu’il résultera inévitablement de cette décision-là une forme de sanction, avec des conséquences économiques très pénalisantes pour l’agglomération toulousaine, privée du pouvoir d’achat de près de mille personnes et d’autant de familles.

La région serait donc en quelque sorte frappée d’une « double peine » si l’A400M ne se faisait pas, puisque, de toute façon, la ville où devait être produit l’appareil ne pouvait pas l’accueillir.

Faut-il souligner, monsieur le secrétaire d’État, que la Haute-Garonne a durement pâti des graves difficultés rencontrées récemment par le couple EADS-Airbus ? Ces difficultés ont du reste conduit à la mise en place du plan « Power 8 », imposé à Airbus dans les conditions que l’on connaît, au prix d’un volet social très dur : 10 000 emplois supprimés sur quatre ans, dont 3 200 en France et 1 100 pour le seul siège d’Airbus, à Toulouse.

Le prix à payer n’était vraiment pas de nature à dissiper les craintes et les incertitudes exprimées par les salariés d’Airbus, les sous-traitants, et, plus largement, l’ensemble de la population de Toulouse, voire de la Haute-Garonne et même de la région Midi-Pyrénées.

Ces inquiétudes perdurent à plus forte raison depuis que l’on connaît les effets néfastes de la crise économique et monétaire, qui a amplifié la dépression de l’industrie aéronautique.

Il est donc fondamental de tout mettre en œuvre pour éviter le choc considérable que constituerait l’arrêt du programme de l’A400M non seulement à l’échelon du département, mais aussi au niveau national et international, avec le retentissement qu’il aurait sur la politique industrielle, de défense et de recherche-développement de l’Europe.

Toujours est-il que des négociations avec les pays clients ont été engagées pour décider de la poursuite ou de l’arrêt du programme. Ces négociations ont été très difficiles et continuent sans doute de l’être au moment où je parle.

La période économiquement trouble que nous traversons complique certains arbitrages, et cela d’autant plus qu’il est de la responsabilité des gouvernements de prendre en compte les attentes légitimes des populations de leur pays respectif. À cela s’ajoute le fait que, dans certains États, des échéances électorales importantes se profilent, ce qui doit compliquer encore les discussions.

Ce sont donc, au total, sept pays qui doivent à nouveau s’entendre pour statuer sur la production de cent quatre-vingts avions, et chacun a ses propres priorités.

Ainsi, l’Allemagne, qui s’était engagée à acheter soixante de ces appareils, dénonce les trois ans de retard qui ont déjà coûté 1, 8 milliard d’euros à EADS. À ce propos, il peut être intéressant et même indispensable de relativiser et de considérer le retard pris dans la perspective plus large d’un programme dont la réalisation est destinée à s’étaler sur plusieurs décennies. Trois ans, c’est peu, au regard de la durée du programme !

La presse a par ailleurs laissé entrevoir que la Grande-Bretagne envisageait d’annuler sa commande initiale de vingt-cinq appareils pour se tourner vers des avions de transport militaire tels que le Boeing C17. Ce pays, du reste, n’est pas le seul à envisager de trouver en dehors du consortium européen des solutions de remplacement à l’A400M.

La France elle-même, qui est pourtant le deuxième plus gros client, puisqu’elle a commandé cinquante appareils, n’a pas exclu, comme on l’a appris le 17 mars 2009, de réduire le nombre d’A400M qu’elle souhaite acquérir. Elle a justifié ce changement de cap en arguant du retard pris par le programme.

Pourtant, notre pays est, à l’évidence, un important bénéficiaire des programmes d’Airbus. De plus, pour ses armées, en matière de transport tactique et logistique, la France pourrait trouver des solutions de repli qui, sans être idéales, certes, devraient lui permettre de faire face à ses engagements de défense jusqu’à la livraison des Airbus militaires et d’assurer ainsi la « soudure ».

Je pense, par exemple, au renforcement de la voilure des Transall les plus récents, ceux qui ne sont pas à bout de souffle, ainsi qu’au recours accru aux appareils CASA pour les besoins opérationnels tactiques.

En ce qui concerne le niveau logistique, le programme SALIS – Strategic airlift interim solution ou, en français, solution intérimaire pour le transport stratégique - dans le cadre duquel sont louées des heures de vol sur Antonov, offre des solutions palliatives qu’il convient aussi d’explorer rigoureusement.

En tout état de cause, acheter des avions Boeing pour faire face aux besoins immédiats de l’armée française - solution qui a été envisagée -, serait foncièrement illogique.

En effet, l’un des modèles qu’il pourrait s’agir d’acquérir – le C135 – est, selon nos informations, pratiquement aussi cher que l’A400M et, surtout, presque deux fois moins performant. Et, pour couronner le tout, si un tel choix devait être fait, nous n’aurions aucune garantie que les appareils soient livrés à la date prévue pour les Airbus, même en tenant compte du retard.

Par conséquent, cette solution est en quelque sorte mort-née.

Rappelons que l’Airbus A400M, anciennement connu sous le nom d’ATF, avion de transport futur, offre des avantages qu’aucun autre appareil n’est en mesure de proposer.

L’Airbus A400M n’a pas d’équivalent.

Il se caractérise par une polyvalence sans précédent. Il sera, en outre, le seul avion militaire disposant d’une certification civile, ce qui accrédite une technicité et une fiabilité qui iront bien au-delà de tout ce qui existe actuellement. Il est fondamental d’insister sur ce point.

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