Indépendamment de toute autre considération, ces données techniques, à même de garantir une efficacité et une sécurité accrues de nos armées, justifient les efforts qu’ont décidé de consentir les États européens lorsqu’ils se sont engagés dans ce programme.
Les conflits contemporains, tout à la fois polymorphes, dangereux et éclatés sur l’ensemble du globe, plaident pour que les armées européennes disposent de capacités de projection de forces.
M. le ministre de la défense a défini la projection de forces dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2009 comme étant « la capacité de faire intervenir, jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres, avec leur soutien et leur logistique associés, des groupements de forces interarmées, sous commandement interarmées, dans un cadre national ou multinational ».
Il est impensable que l’Europe se prive d’une telle capacité dans un contexte international de plus en plus « instable », pour utiliser un euphémisme.
L’A400M répond à des besoins solides nettement identifiés par les États signataires. C’est le cas de la France, comme je l’ai précédemment souligné, mais également de la Belgique, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.
Il revient donc à chaque pays de redéfinir son positionnement par rapport à ce programme.
En effet, dans le cadre d’un projet industriel européen, nous avons rarement eu l’occasion, comme aujourd’hui, de pouvoir répondre tout à la fois à des impératifs politiques, de défense et de recherche-développement, ainsi qu’au besoin de garantir des savoir-faire de qualité.
Une expertise de ce type est manifestement l’un des piliers sur lesquels souhaite reposer l’Europe de la connaissance, notamment parce qu’elle renforce le tissu économique, social et industriel des États membres de l’Union européenne et de leurs partenaires.
De plus, compte tenu de la nécessité d’éviter qu’un département tel que la Haute-Garonne, pardonnez-moi d’y revenir, ne soit sinistré par une décision qui, indépendamment de sa résonance globale, touchera en premier lieu, et de plein fouet, le Grand Toulouse, il importe que la pérennité du programme de l’A400M soit assurée.
Nous avons bien pris note du fait que le groupe EADS sera contraint de rediscuter les modalités du contrat de 20 milliards d’euros passé par lui avec les sept clients concernés : la France, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg et la Turquie.
Les premières livraisons n’étant pas prévues avant la fin de l’année 2012, les dispositions de ce contrat de nature commerciale donnent à ces sept États la possibilité de renoncer en cours de route à leurs ambitions industrielles et de défense, démarche néanmoins onéreuse à plus d’un titre.
Rappelons tout de même que, dans le contexte économique très dégradé que nous connaissons, s’agissant en particulier d’une filière aéronautique très durement touchée par la crise actuelle, Airbus est quasiment le seul avionneur à maintenir, et nous savons à quel prix, des performances satisfaisantes.
On ne peut que convenir de la nécessité de préserver ce fleuron de l’industrie aéronautique européenne, d’autant qu’il travaille avec de très nombreux sous-traitants qui ont investi énormément dans le programme de l’A400M.
Il en va ainsi de l’entreprise Latécoère de Toulouse, qui a consenti beaucoup d’efforts, je peux en témoigner pour l’avoir visitée récemment, le travail de ses bureaux d’études ayant abouti à de véritables avancées technologiques, par exemple en matière de meubles électriques ou de câblages.
Il est évident que si, par malheur, ce programme était abandonné, les investissements consentis par les sous-traitants, sur le plan humain comme sur le plan économique, auraient été vains, ce qui viendrait alourdir encore la tâche de tous ceux qui s’efforcent de surmonter une crise dont j’ai déjà dit à quel point elle était pénalisante pour l’ensemble du secteur aéronautique.
Aujourd’hui, EADS souhaite une nouvelle répartition des risques industriels entre les partenaires du programme de l’A400M.
Il s’agirait de prendre en compte un nouveau calendrier de livraison, plus réaliste que celui qui a été initialement fixé, pour en conséquence réaligner les pénalités sur les échéances ainsi redéfinies.
Si responsabilité il y a par rapport au retard enregistré, elle doit être partagée : les États qui actuellement renâclent à payer les pénalités de retard sont ceux qui, antérieurement, ont poussé les feux pour que ce programme soit réalisé le plus rapidement possible, en faisant l’impasse sur le caractère novateur de cet avion et sur les incertitudes technologiques, inévitables en la matière ; elles devaient, il est vrai, pénaliser la finalisation du projet, notamment en ce qui concerne le moteur.
Cette solution est non seulement raisonnable, mais aussi nécessaire.
Cependant, les États européens hésitent à prendre en charge le surcoût induit – on les comprend –, alors qu’il était pourtant prévisible s’agissant d’un programme portant une ambition aussi considérable que l’A400M et qui sera pérennisée à très long terme.
En tout état de cause, il est indispensable, mes chers collègues, que la France s’engage de manière aussi ferme et aussi claire que l’Espagne et la Turquie. Ces deux pays ont en effet annoncé le samedi 4 avril, lors d’une réunion à Strasbourg, qu’ils maintiendraient leurs commandes quoi qu’il arrive et quel que soit le temps que cela prendrait.