Intervention de Claude Biwer

Réunion du 11 juin 2009 à 15h00
Avenir du programme de l'airbus a400m — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme A400M constitue un triple défi, un défi de coopération entre États, un défi industriel et, enfin, un défi militaire.

En effet, la réalisation de l’Airbus A400M est, à ce jour, l’un des deux plus importants programmes d’armement réalisés en coopération par les nations européennes.

Elle est le fruit d’un long, trop long processus de concertation au terme duquel sept États disposeront du même avion de transport militaire à la fois tactique et logistique. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne, du Royaume-Uni, de la Turquie, de la Belgique et du Luxembourg.

Les besoins de la France dans ce domaine ne datent pas d’hier. En effet, c’est dès le début des années quatre-vingt que nos forces armées ont commencé à réfléchir sur un projet de nouvel avion de transport stratégique à longue distance.

Ce projet constitue un bel exemple de coopération dans le domaine industriel, mais aussi et avant tout dans le domaine de la défense européenne.

Malheureusement, le groupe EADS a annoncé au début de cette année un retard d’au moins trois ans pour la première livraison de l’A400M ; mais il est vrai que cette entreprise, outre ses tensions internes, a été soumise à des désidératas de plus en plus nombreux émanant des donneurs d’ordre, à savoir les pays concernés par ce projet, ce qui a considérablement compliqué sa tâche et, de facto, retardé la conception et la réalisation de cet appareil. C’est ainsi que la première livraison de ce dernier, initialement fixée au mois d’octobre 2009, est désormais prévue au mieux pour la fin 2012, et probablement en 2013.

Ce retard sera lourd de conséquences. D’abord, il remet en cause l’avenir même du projet. Ensuite, il provoquera, en l’absence de solution de substitution, une grave remise en cause des capacités de projection de nos forces armées. En effet, la flotte actuelle de transport tactique française, constituée de C-160 Transall et de C-130 Hercules, est vieillissante, ce qui pose dès aujourd’hui des problèmes de disponibilité des appareils.

Le rapport réalisé en début d’année par nos collègues MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier précisait que, dans l’hypothèse où l’A400M n’entrerait jamais en service et où rien ne serait fait pour retarder ou compenser le retrait des Transall et autres appareils, la capacité d’emport à 8 000 kilomètres en cinq jours serait réduite d’un tiers d’ici à 2015.

Si l’A400M est un avion militaire, ses missions ont une vocation autant stratégique qu’humanitaire.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement sur l’avenir du projet et, surtout, les mesures palliatives qui pourraient être prises en cas de non-respect de l’avancée de ce projet ? Qu’en est-il notamment de l’achat éventuel d’avions de type C-130 – nous l’entendons évoquer parfois –, qui me paraîtrait, pour ma part, très regrettable ?

L’Airbus A400M devra nous permettre d’équiper nos forces armées avec du matériel innovant et performant. L’un des atouts majeurs de ce projet réside dans sa capacité à concevoir un appareil à la pointe de la technologie, sans être contraint d’avoir recours à des constructeurs hors d’Europe, notamment américains.

Le projet A400M, comme tout projet industriel d’envergure, fait appel à un grand groupe industriel, en l’occurrence EADS. Mais, derrière ce grand constructeur aéronautique, c’est une multitude de PME qui travaillent quotidiennement à l’avancement de ce projet et fondent des espoirs d’avenir. Parmi l’ensemble de ces sous-traitants européens, c’est naturellement au sort des PME françaises que je suis particulièrement sensible.

Sur ce point, je m’interroge, monsieur le secrétaire d’État, car, si le principe de préférence communautaire semble bien respecté dans le cadre de ce projet, certains sous-traitants français ont perdu des marchés au profit d’autres entreprises européennes ; je pense notamment à la fabrication de certains missiles.

Je ne remets nullement en cause le principe de préférence communautaire, au contraire. Je tiens cependant à rappeler ici que les PME françaises disposent d’un réel savoir-faire technique. Or ce savoir-faire est mis en péril si on n’assure pas à ces entreprises un minimum de commandes. C’est une réelle expertise française qui est en jeu.

La situation de ces entreprises sous-traitantes est d’autant plus délicate qu’elles sont déjà victimes de la faiblesse du plan de charges de la construction du Rafale, dont les commandes publiques ont été réduites, de l’incertitude relative à la modernisation des Mirage 2000D, pourtant prévue dans le Livre blanc de la défense nationale et dont notre force aérienne tactique a impérativement besoin, ainsi que de l’opération missile que j’évoquais à l’instant.

En cette période de crise économique mondiale, l’A400M comme la modernisation du Mirage 2000D font partie de ces grands projets industriels qui pourraient très utilement participer à la relance. Il faut donc à tout prix s’assurer que le plus grand nombre possible de nos entreprises puissent participer pleinement et durablement à cet élan, qui est effectivement un élément fort de la commande publique.

Je sais que M. le ministre de la défense et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, êtes très sensibles à ce sujet. Ce magnifique projet européen qu’est l’A400M doit donc se poursuivre, dans l’intérêt tant de l’Europe que de la France. §

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