Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Article 3

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

À peine venons-nous de constater que les collectivités territoriales verront s’accroître leur potentiel fiscal que le Gouvernement nous propose de mettre en place, dans des conditions qui sont fixées plus loin par le projet de loi, une exonération à double détente pour les outillages acquis par les entreprises.

Une telle mesure appelle évidemment plusieurs remarques.

Tout d'abord, cet article, au fond, ne constitue qu’un avatar supplémentaire de cette pensée libérale qui veut que seule vaille l’initiative privée et que l’action publique, au moins en matière économique, soit réputée inefficace.

On fait en sorte que la charge fiscale susceptible de découler de l’acquisition des outillages d’un port autonome soit la plus légère possible – mes amis Robert Bret et Gérard Le Cam l’ont montré hier, chiffres à l’appui.

La vérité est que les ports autonomes souffrent non pas d’un excès d’action publique, mais d’une notoire insuffisance de l’intervention budgétaire directe dans la remise à niveau de leurs équipements.

C’est le beau bilan de plusieurs années de réformes, marquées notamment par la modification du statut des personnels en 1992, et des diverses initiatives prises en matière d’armement, qu’il s’agisse de l’instauration du pavillon Kerguelen, de la création du registre international, de l’encouragement fiscal à l’investissement ou encore de la privatisation de la CMA-CGM, la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime.

En fait, toute notre filière maritime, malgré l’application des recettes du libéralisme le plus éculé, se trouve en difficulté. Et comme l’État aussi connaît des problèmes, parce qu’il ne peut pas dépenser deux fois l’argent qu’il consacre, par exemple, à alléger aveuglément les cotisations sociales ou la taxe professionnelle, il a de longue date, et singulièrement depuis 2002, renoncé à mener une véritable politique d’investissement sur nos plates-formes portuaires.

Bien entendu, quelques efforts ont été accomplis, notamment au Havre et à Marseille, mais faute d’investissements publics suffisamment importants, nos équipements vieillissent et nos ports perdent de leur attractivité.

Si ce problème ne concernait que les outillages, visés par le présent amendement, et les équipements présents dans les ports, ce ne serait pas encore trop grave. Mais c’est le maillage global des ports autonomes et de leur arrière-pays qui se trouve mis en question !

À l’heure où l’on parle du Grenelle de l’environnement et du développement durable, on oublie de créer les conditions, à partir de nos plates-formes portuaires, de la multimodalité. Celle-ci permettrait pourtant, sur la base de l’activité portuaire, d’irriguer l’ensemble du pays à partir d’un réseau de transport ferroviaire performant et adapté, ainsi que d’un maillage de transport fluvial rénové, notamment à Rouen, au Havre, à Dunkerque, à Nantes, à Saint-Nazaire et à Bordeaux.

Nous devrions donc penser le développement de nos ports en fonction de ces paramètres. Or que nous propose-t-on à la place ? Une privatisation assortie de quelques menus avantages fiscaux dont l’utilité, vous en conviendrez, chers collègues, reste discutable.

À quoi l’économie fiscale réalisée par les entreprises ayant acquis l’outillage des ports autonomes risque-t-elle de servir ? À rénover lesdits équipements en les remplaçant avantageusement ? Ou, plus prosaïquement, à trouver les moyens de financer le coût social de la modification des statuts des entreprises de manutention, ce qui constitue une manière plus discutable encore de tirer parti d’un avantage fiscal ?

L’exonération fiscale prévue à l’article 3 du présent projet de loi a en effet pour conséquence, notamment, de soumettre par principe des sommes plus importantes que prévu au barème de l’impôt sur les sociétés. Mais on trouvera bien quelques provisions spéciales à constituer – pour un plan social, par exemple – afin d’alléger cette contribution nouvelle !

En revanche, s'agissant de la compensation de l’exonération considérée pour les collectivités locales, en tout cas celle qui concerne les cinq premières années, rien ne semble prévu.

Ne serait-ce que pour cette dernière raison, nous ne pouvons que proposer au Sénat d’adopter cet amendement de suppression de l’article 3.

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