Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Article 3

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Le I de l’article 3 du présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif d’allégement temporaire de la taxe professionnelle qui semble constituer la nouvelle forme de l’intervention publique en matière de soutien au développement de nos infrastructures portuaires.

Il s’agit en effet, une fois encore – une fois de trop, selon nous ! –, de réduire l’intervention publique directe dans les infrastructures et équipements collectifs et de muter la dépense budgétaire directe en nouvelle dépense fiscale, sous la forme d’un allégement temporaire de taxe professionnelle.

Une telle démarche est au cœur de la logique budgétaire actuelle. De notre point de vue, elle montre d’ailleurs depuis longtemps ses limites.

Mes chers collègues, on ne mène pas une politique de l’emploi en consacrant 31 milliards d’euros à l’allégement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises et en ne consacrant, par exemple, qu’un peu plus de 12, 3 milliards d’euros à l’ensemble des programmes budgétaires de la mission « Travail et emploi » !

Je ne prendrai qu’un exemple pour illustrer la démarche suivie ici.

Si les opérateurs privés propriétaires d’outillages sur les emprises des grands ports maritimes décident d’emprunter sur les marchés financiers pour investir en équipements nouveaux, ils n’obtiendront jamais les conditions d’emprunt offertes à l’État, puisque le taux d’intérêt qui grèvera leurs emprunts sera, de toute manière, plus important que celui qui affecte la dette publique !

En d’autres termes, la maîtrise privée des choix d’investissement en équipements nouveaux que pourrait permettre l’absence de fiscalité locale ne permettra pas de régler la question de la mise à niveau.

En effet, les conditions de financement seront, de toute manière, globalement moins favorables que celles que l’État aurait pu obtenir pour les mêmes investissements, sauf évidemment, en bonne logique économique libérale, à faire supporter à d’autres les coûts supplémentaires engendrés !

C’est là que l’exonération fiscale temporaire apparaît pour ce qu’elle est, à savoir un outil de financement des plans sociaux qui ne manqueront pas de découler du démembrement des ports autonomes, à défaut de permettre, peut-être, une maîtrise des coûts en aval, c’est-à-dire du montant de facturation des prestations fournies aux armements.

Le choix opéré au travers du projet de loi n’est donc ni économiquement rentable ni justifié.

En effet, rien ne justifie, en amont ou en aval, qu’il soit procédé à la privatisation des ports autonomes, sinon – et c’est assez terrible ! – la volonté gouvernementale affichée de réduire la voilure de l’action publique en tous domaines. Je ne reviendrai pas sur ce point, mais nous inclinons à penser que plus l’on favorise l’investissement matériel par l’allégement de la taxe professionnelle, plus l’on encourage la substitution d’éléments de capital au travail. C’est d’ailleurs logique : aucune machine ne sert de base de calcul des cotisations sociales, au contraire des salaires du personnel qu’elle est susceptible de remplacer !

Ainsi, dans le cas qui nous occupe, l’incitation fiscale immédiate sera utilisée par les opérateurs pour obtenir au plus vite des gains de productivité et comprimer les coûts de main-d’œuvre, coûts qui représentent cependant du pouvoir d’achat pour des familles de grutiers, de portiqueurs, de dockers et autres salariés des zones portuaires !

Ne serait-ce que pour cette raison, mes chers collègues, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement de suppression du I de l’article 3.

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