Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Article 3

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Le 2° du I de cet article tend à mettre en œuvre une exonération de la taxe professionnelle « à la carte », en fonction des décisions des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.

Nous sommes donc bel et bien en présence ici d’un étrange produit fiscal qui, quoiqu’étant théoriquement une composante de l’assiette des impositions locales, s’en trouvera distrait immédiatement – c’est d’ailleurs là l’effet des dispositions du I de l’article – et peut se voir plus longuement exempté de toute imposition. C’est ce point qui nous préoccupe ici.

Ainsi, les contribuables locaux seraient appelés à mettre la main à la poche, puisque les différents conseils communautaires qui perçoivent aujourd’hui la taxe professionnelle unique seraient habilités à exonérer les entreprises exploitant les infrastructures à raison de leurs investissements nouveaux ou de remplacement. Tant pis si la perte de recettes en découlant pour les collectivités territoriales n’est nullement compensée ! Rien n’indique en effet, au travers d’une lecture littérale de l’article 3, que l’effort des collectivités locales sera équilibré par le budget général.

Mes chers collègues, cette démarche porte un nom ! Il s’agit d’une mise en concurrence des territoires entre eux, alors même que ces derniers, eu égard aux compétences respectives des établissements publics de coopération intercommunale visés, peuvent être confrontés à des exigences particulières, dans bien des domaines.

Le choix sera douloureux demain pour les élus de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole. Devront-ils financer la rationalisation de l’élimination des déchets ménagers ou accorder des conditions fiscales avantageuses aux rapaces qui vont se repaître des restes du défunt port autonome ?

La même observation peut être faite ailleurs, d’autant que nombre des établissements publics de coopération intercommunale concernés accordent des priorités particulières à la politique de la ville et du logement, au développement des transports urbains ou encore à la requalification environnementale.

C’est bien sous l’angle de la mise en concurrence des territoires qu’il convient d’appréhender la disposition prévue à l'article 3.

Les collectivités locales seront habilitées à renoncer à telle ou telle recette fiscale, en escomptant un retour sur investissement, qui risque d’ailleurs de ne pas être immédiat, puisqu’il est à craindre que la priorité soit de substituer des équipements nouveaux à l’emploi de salariés sur les sites dévolus à l’activité portuaire.

À cet argument, il sera évidemment répondu que, notamment pour les ports du Sud, les conditions générales de fiscalité se révèlent plus favorables que celles qui sont en vigueur en France, dès lors que l’on est en présence d’une entreprise privée, car avec le statut de port autonome, la France est pour l’heure à égalité avec ses concurrents. De fait, le maintien de ce statut permettrait de conserver cet avantage comparatif qui, faut-il encore le souligner, ne trouvera pas, à long terme, à s’appliquer partout. En effet, chaque territoire a son économie propre et la situation de chaque port est spécifique.

Nous savons ce qu’il faut craindre avec la mise en œuvre des dispositions en question : concurrence entre territoires, marchandages aux dépens des collectivités locales entre État et opérateurs privés dans un premier temps, sollicitation des collectivités locales par les opérateurs ensuite, avec des risques d’insuffisance d’équipement pour favoriser le développement du trafic que cela entraîne.

En effet, faut-il rappeler une fois encore que la taxe professionnelle n’a jamais constitué un obstacle ou un frein à l’implantation d’entreprises dans un territoire donné – cela est vrai pour bien des territoires, et pas seulement pour les emprises des actuels ports autonomes –, surtout quand des dispositifs la corrigent fortement et que son existence n’empêche pas les entreprises de tirer parti d’autres avantages fiscaux ?

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement.

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