Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme portuaire nous a été présenté comme un outil de développement économique des ports autonomes.
En réalité, cette réforme, menée sans concertation effective avec les représentants des personnels, risque d’avoir des conséquences économiques et sociales désastreuses pour ce secteur, mais également pour les activités économiques et les emplois externes qui en dépendent.
L’entêtement du Gouvernement à refuser de procéder à un bilan économique, social et financier de la réforme de 1992 en dit long sur ses motivations réelles : tout le monde sait ici qu’avec ce texte il entend une nouvelle fois, dans la précipitation, réduire un peu plus les missions de service public de l’État et de ses établissements publics.
Sa conception du devenir des grands ports français est d’ailleurs conforme au futur livre blanc fixant les orientations politiques maritimes de l’Europe : il s’agit ni plus ni moins d’utiliser les seules conditions sociales des salariés comme levier d’abaissement des coûts portuaires, dans une recherche de compétitivité en faveur des armateurs maritimes et au bénéfice, demain, de deux ou trois grands groupes privés internationaux. C’est au profit de ces derniers, monsieur le secrétaire d’État, que vous souhaitez qu’il soit légiféré dans de brefs délais afin de faire passer en force une réforme que tout dénonce dans les faits et de museler les personnels dans l’expression de leurs revendications.
La nouvelle gouvernance des grands ports maritimes est révélatrice du déficit démocratique que vous voulez instituer dans les ports. La loi relative à la démocratisation du secteur public, déjà très insuffisante, est désormais complètement enterrée, s’agissant des ports !
La précipitation est telle que vous ne vous donnez même pas la peine de prévoir – on a d’ailleurs cessé de vous la demander ! – une d’étude d’impact des dispositions sur les ressources des grands ports maritimes ou une simple évaluation des outillages qu’il est prévu de céder. Comment, dans ces conditions, savoir si le port sera en mesure de garantir l’exercice effectif de ses missions de service public ?
Il serait inadmissible que des biens qui appartiennent au domaine public portuaire et qui ont nécessité des investissements lourds de la part des collectivités publiques fussent cédés au secteur privé à un prix inférieur à leur valeur réelle. En guise de garde-fou nous est proposée l’institution d’une commission indépendante… dont on ne sait rien. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si vous prévoyez que ses avis soient publics, les dossiers sur lesquels elle s’appuiera ne le seront pas ! Cette réserve laisse imaginer tous les abus et toutes les dérives qui pourront se produire demain. Il nous semble que certains services de l’État, par exemple le service des domaines, auraient été à même de procéder au moins à une évaluation préalable des biens appartenant au domaine public.
Les ports souffrent du déficit chronique des investissements de l’État : nous l’avons tous souligné ici, et vous l’avez vous-même reconnu lors de la discussion générale, monsieur le secrétaire d’État. Mais les chiffres que vous avancez pour démontrer que ce temps est révolu n’ont pas grande signification, car l’engagement financier annoncé, en admettant qu’il soit honoré, n’est pas non plus à la hauteur des obligations de financement légales incombant à l’État.
Enfin, le transfert des personnels n’était absolument pas nécessaire à la mise en place d’un commandement unique. Cependant, vous avez rejeté sans argument solide la proposition de mise à disposition des personnels de manutention.
La réforme aura donc de graves conséquences sur l’emploi direct ou induit, sur le statut des personnels restant dans l’établissement public, celui de ses filiales et celui des personnels transférés.
Nous dénonçons donc cette fragilisation des personnels, ce recul dans la protection collective des droits des travailleurs, et ce qui, en l’état actuel, reste un semblant de négociation avec les partenaires sociaux.
Aujourd’hui, on nous propose de voter un texte qui renouvelle les erreurs du passé, une réforme dont on sait dès à présent qu’elle aura des conséquences sociales graves et qui n’apporte aucune garantie sur la relance de l’activité des ports, bien au contraire.
Mes chers collègues, par leurs votes, les sénateurs engagent leur responsabilité, mais imposent aussi un cadre à la négociation qui va se poursuivre demain avec les organisations syndicales. Je nourris l’espoir, monsieur le secrétaire d’État, que celle-ci sera la plus positive possible, dans l’intérêt même de tous les acteurs portuaires, dans l’intérêt même de notre pays.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi, dont l’objet est de privatiser l’activité portuaire au détriment des personnels et de l’intérêt général, et au profit des opérateurs privés.