Intervention de Bernard Laporte

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Produits dopants — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’approche de l’événement sportif mondial que sont les jeux Olympiques, on ne saurait passer sous silence l’obligation qui est la nôtre de mettre tous les moyens en œuvre pour protéger au mieux le sport contre la menace permanente que représente le dopage.

La lutte contre le dopage est un enjeu majeur aussi bien pour le monde du sport que pour l’ensemble de nos sociétés, et notre pays se doit de montrer l’exemple en la matière, comme il l’a déjà fait à maintes reprises.

On peut notamment citer la loi du 23 mars 1999, qui a permis de mettre en place un suivi médical longitudinal des athlètes et de sanctionner pénalement la cession et l’offre de produits dopants, ou encore la loi du 5 avril 2006, qui a institué l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD.

Plus récemment, l’impulsion française dans la mise en place du « passeport sanguin » a été, malgré les récentes difficultés rencontrées, une nouvelle preuve de la forte volonté politique de la France de combattre le dopage.

Pour autant, notre pays souffre d’une certaine déficience de sa législation en la matière, l’empêchant de lutter de la manière la plus efficace qui soit contre le trafic de produits dopants.

À ce titre, le cas de l’affaire Puerto, qui s’est produite en Espagne, est révélateur. En effet, si un cas similaire s’était produit en France, avec la saisie de plusieurs centaines de poches de sang congelé et de plasma sanguin, nous n’aurions disposé d’aucun instrument juridique pour poursuivre et sanctionner pénalement les responsables de ce trafic.

À l’heure actuelle, en effet, la détention ainsi que les autres actions caractérisant un trafic, c’est-à-dire la production, le transport, l’importation et l’exportation de produits dopants, ne peuvent être réprimées, puisque seules la cession et l’administration de produits constituent des infractions condamnables pénalement.

Ces limites de la législation française actuelle à l’égard du trafic ont également été mises en lumière, lors du dernier Tour de France, notamment par l’affaire Vinokourov, un coureur contrôlé positif à une transfusion homologue. Le procureur de la République de Pau a diligenté une enquête dès la révélation des faits, mais il a été impossible d’ouvrir une enquête de flagrance autorisant les enquêteurs à perquisitionner les chambres et les véhicules.

Ces simples exemples démontrent que les services de police judiciaire ne disposent pas d’outils leur permettant de faire face à la réalité des modes opératoires des trafiquants.

Il est ainsi très difficile, comme en témoigne l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, de procéder aux perquisitions, saisies ou gardes à vue indispensables pour démanteler des filières.

C’est pourquoi les parquets ont, le plus souvent, recours à des qualifications pénales issues d’autres codes que celui du sport pour fonder de telles poursuites, s’appuyant en particulier sur les dispositions relatives à la répression des trafics en matière de stupéfiants ou de médicaments.

Ces dispositions ne peuvent toutefois pas s’appliquer à l’ensemble des méthodes et procédés dopants utilisés, notamment aux transfusions sanguines. Le nombre d’affaires traitées est donc très faible et les sanctions associées non dissuasives.

Le présent projet de loi a donc pour objet principal d’introduire des infractions pénales nouvelles de production, détention, transport, importation et exportation de produits dopants, afin de démanteler les trafics.

Ce texte permettra de renforcer les moyens mis à la disposition des services de police judiciaire pour sanctionner et réprimer les trafics de produits dopants.

Il n’est pas question bien sûr de limiter la lutte contre le dopage au seul volet répressif et de nier la nécessité d’engager une politique de prévention ambitieuse, à laquelle nous consacrons beaucoup de moyens par ailleurs.

Je rappelle que seuls 7, 37 millions d’euros sur les 22, 1 millions d’euros qui constituent notre budget global en matière de lutte contre le dopage sont consacrés aux contrôles réalisés par l’AFLD, le reste étant alloué à la politique de prévention.

Concernant la prévention, ma politique s’inscrira dans la continuité des efforts entrepris par mes prédécesseurs.

Le renforcement des outils juridiques prévu par ce projet de loi est un moyen indispensable pour pouvoir démanteler les réseaux de trafic.

Ce projet de loi prévoit une peine maximale de un an de prison ferme et une amende de 3 750 euros dans le cas de détention de produits dopants pour usage personnel, ainsi qu’une peine maximale de cinq ans de prison ferme et une amende de 75 000 euros lorsqu’il s’agit de détention en vue d’un trafic.

Cette distinction est le meilleur compromis possible auquel nous soyons parvenus, entre la fermeté absolue envers le trafiquant et la prise en compte de la condition particulière du sportif. Elle permet de ne pas assimiler les sportifs intègres à des délinquants, mais de sanctionner durement les tricheurs. Surtout, elle permet d’être inflexible envers les trafiquants, qui en constituent la cible prioritaire.

Bien entendu, toutes les formes de détention médicalement justifiées – les autorisations pour usage à des fins thérapeutiques, les AUT, ou la pharmacie familiale – ne feront pas l’objet de sanctions.

Cette exemption liée aux AUT a été longuement discutée lors de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, les députés ayant fait valoir qu’il fallait être extrêmement vigilant sur ce que l’on appelle souvent le « dopage sur ordonnance ».

Si je partage totalement cette préoccupation, il n’en demeure pas moins que le principe fondateur de l’AUT doit être préservé : le sportif malade doit pouvoir avoir accès au sport, y compris au sport de haut niveau.

De même, la gestion internationale des AUT est aujourd’hui une nécessité, et c’est au niveau des instances internationales que nous devons porter notre message de vigilance. À cet égard, il convient de signaler que certains employeurs sportifs sont exemplaires et précurseurs en la matière.

Les équipes cyclistes du Mouvement pour un cyclisme crédible, le MPCC, imposent en effet un arrêt de travail à tout coureur devant être soigné par une infiltration de corticoïdes.

Ce projet de loi rassemble également diverses dispositions d’harmonisation nationale consécutives à la ratification de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, ainsi que des dispositions permettant la prise en compte des décisions disciplinaires prononcées par les autorités de la Nouvelle-Calédonie, qui empêchent le sportif concerné de concourir sur le territoire de la République.

D’une façon générale, comme le montre l’excellent travail du rapporteur, M. Dufaut, ce projet de loi doit permettre de pallier les insuffisances de la législation actuelle en la matière et de nous doter d’outils indispensables pour lutter de manière plus efficace contre les trafics de produits dopants.

L’adoption de ce texte est une nécessité impérieuse pour l’ensemble du sport français, ainsi que pour les compétitions qui se dérouleront sur notre sol.

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