Intervention de Jean-François Voguet

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Produits dopants — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-François VoguetJean-François Voguet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de nos débats en faveur de la ratification par notre pays de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, nous nous félicitions tous de son contenu et nous appelions aussi à la vigilance et à l’action.

Dans ces conditions, nous sommes en de nombreux domaines satisfaits des modifications qui nous sont proposées aujourd’hui afin de permettre à notre législation de prendre en compte les évolutions du code de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA. Ainsi, l’élargissement de la notion de « substances dopantes » à la prise en compte des « procédés dopants » marque une réelle avancée dans la lutte contre le dopage.

Nous nous réjouissons du fait que, avec ce code de l’AMA, ces interdits seront appliqués au niveau mondial. Cependant, ces évolutions, que nous saluons, sont malheureusement, et nous ne pouvons que le regretter, le contrepoint nécessaire au développement des pratiques dopantes constatées. Nous craignons même que ce code ne soit déjà, pour partie, dépassé, tant les pressions se renforcent dans la financiarisation des pratiques sportives mondialisées.

Le rythme des épreuves s’accélère, la mondialisation des épreuves sportives se renforce par l’intermédiaire de médias toujours plus puissants, le commerce des marques et les enjeux financiers explosent.

Loin d’être un sanctuaire, le sport reproduit malheureusement les dérives de notre société. Le culte de la performance et de la domination, le règne exclusif de l’argent comme symbole de réussite et l’instrumentalisation politique nationale ou parfois communautaire portent en eux la violence, tout comme la nuée porte l’orage.

Tout cela est aussi facteur de développement des pratiques dopantes et, malheureusement, pas seulement dans quelques disciplines sportives et pour quelques sportifs de haut niveau. Tout le monde sait que ces pratiques se développent aussi dans de nombreux sports, y compris chez les amateurs. Elles touchent aussi les plus jeunes.

À mon sens, la lutte contre le dopage relève donc d’abord et avant tout de fortes politiques publiques de prévention en faveur de la santé de tous les pratiquants. Aussi, vous le comprendrez, si nous sommes favorables aux articles de ce projet de loi qui permettent l’extension des interdits et, surtout, la poursuite de tous ceux qui contribuent à répandre le dopage par divers trafics, nous sommes pour le moins réservés, pour ne pas dire hostiles, au fait que notre réglementation transforme un sportif dopé en un délinquant. Nous continuons, pour notre part, à voir en lui une victime qu’il faut soutenir et soigner. Un stage en prison ne sera d’aucune utilité au sportif, j’en ai la certitude. Et si, comme vous le dites, il ne va pas en prison, alors pourquoi le prévoir dans la loi ?

Par conséquent, nous ne pouvons accepter, comme elle est prévue dans ce texte, la pénalisation de la détention par un sportif et pour son usage personnel d’un produit ou procédé dopant.

Nous sommes par ailleurs soucieux du manque d’ambition des politiques publiques de prévention du dopage. Nous regrettons l’insuffisance de la mobilisation publique en faveur de la promotion de la lutte antidopage avec des déclinaisons dans tous les lieux où se pratique une activité sportive, quelle que soit la discipline, et partout où le culte du corps est mis en spectacle.

Dans tous les clubs sportifs, en début de saison, ne devrait-on pas lancer, voire développer, des moments de réflexion collective sur le dopage pour alerter et responsabiliser non seulement les sportifs, mais aussi leur entourage, leurs entraîneurs et leur famille ?

Ne faudrait-il pas s’appuyer, entre autres, sur les déclarations, par exemple de Michel Platini, notre compatriote président de l’UEFA, Union of European Football Associations, pour réduire la fréquence des compétitions dans le football et ailleurs, par l’intermédiaire des conventions d’objectifs que nous signons avec les fédérations ?

Non, nous considérons que la prévention n’a pas encore déployé toutes ses ailes du possible et du nécessaire.

Oui, il nous faut renforcer notre action en ce domaine en faisant aussi preuve d’imagination.

Nous sommes également inquiets car, depuis la loi de 2005, que nous avons votée, nos craintes sur les autorisations d’usage à des fins thérapeutiques, les AUT, sont plus que jamais fondées ; elles sont même maintenant vérifiées.

Devant l’afflux des demandes, l’Agence française de lutte contre le dopage répond qu’elle ne dispose pas des moyens nécessaires à leur instruction sérieuse. Que dire alors des AUT abrégées, en fait automatiques, qui sont la porte ouverte à un dopage en quelque sorte légalisé ?

Face à cette situation préoccupante, nous regrettons que, dans ce projet de loi, aucun nouvel encadrement des AUT ne soit proposé. Notre inquiétude se renforce lorsque l’AMA fait état, en plus des AUT, de « toute autre justification médicale » pour tenter de justifier la prise de produits dopants.

En outre, nous avons été nombreux, au sein de cette assemblée, en 2005, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, à faire part au ministre de l’époque de nos inquiétudes concernant la liste des produits dopants établie par l’Agence mondiale antidopage et la différenciation dont cette dernière fait bénéficier certains produits, autorisés lors des entraînements, mais pourtant interdits en compétition.

Même si nous saluons le fait que les procédés dopants figurent désormais parmi les interdits, nous nous inquiétons d’un éventuel élargissement de la classe des produits spécifiques à de nouvelles et nombreuses substances.

Ainsi, si nous sommes favorables à de nombreux articles de ce projet de loi – nous n’hésiterons pas à le dire, tant ces avancées nous semblent décisives – nous émettons des réserves sur d’autres points et formulons des remarques et des interrogations sur d’importants sujets qui, à notre avis, sont insuffisamment pris en compte.

En conséquence, compte tenu des inquiétudes et désaccords que nous venons d’évoquer, nous nous abstiendrons lors du vote de ce projet de loi.

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