Le premier alinéa de l'article 9 vise à inscrire dans le code de l'éducation que les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur participent à la prévention de la délinquance.
On soutient souvent qu'il est inutile de préciser des choses qui vont de soi. Pourtant, vous insistez en souhaitant que la mission de prévention de la délinquance que remplit l'école figure dans le code de l'éducation alors que, chacun le sait, elle participe déjà à cette prévention. Selon nous, il n'est donc pas nécessaire de l'inscrire dans le code de l'éducation.
Les missions du système d'éducation sont la transmission à tous des savoirs, des méthodes, des connaissances et des compétences constitutifs d'une culture scolaire de haut niveau, le développement de la personnalité des individus, la délivrance des clés pour comprendre le monde et le transformer. L'école doit éduquer le citoyen, le rendre apte à participer à la vie de la cité, à choisir, à décider de sa formation de futur travailleur afin de préparer son insertion professionnelle.
Avec ce droit à l'éducation, il s'agit d'assurer la réussite scolaire de tous les jeunes, donc de contribuer à la prévention de la délinquance.
Comme nous l'avons dénoncé précédemment, alors que nous attendons légitimement des actes nouveaux, supplémentaires, forts, en direction de l'école afin qu'elle assure cette mission, rien n'est prévu dans votre texte pour l'éducation nationale !
C'est même le contraire qui se produit. Ainsi avez-vous proposé à l'article 6, qui a fait l'objet d'un âpre débat, qu'un maire qui estime que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur, peut mettre en place des conseils pour les devoirs et droits des familles, dispositif de « dressage » et de « punition » des parents, sous couvert de l'alibi éducatif. Et dans l'article 9, le seul où il est question du code de l'éducation, vous enfoncez le clou !
En effet, tout en inscrivant au premier alinéa de l'article 9, le rôle préventif que doit avoir l'école, sous couvert, cette fois, de l'alibi de la prévention de l'absentéisme scolaire, vous donnez aux maires, dans le deuxième alinéa de ce même article, la possibilité de mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dont on peut d'ailleurs s'interroger sur l'utilisation qui en sera faite. Le contrôle de l'assiduité scolaire incombe principalement à l'inspecteur d'académie assisté, le cas échéant, du président du conseil général. N'allez-vous pas permettre, une fois de plus, de stigmatiser certaines familles ?
Par ailleurs, quid du côté éducatif de la réponse de l'éducation nationale ? À part une déclaration d'intention - dont on se demande le sens à la lecture de ce texte -, que lui accordez-vous pour réaliser sa mission de prévention de la délinquance, mission nouvelle que vous inscrivez vous-même dans la loi ?
Monsieur le ministre, le désengagement de l'État pour notre école est insupportable, d'autant qu'il vise des populations qui réclament le soutien de l'État et non pas son retrait.
Dans votre texte, comme dans le rapport Benisti, qui en pollue l'esprit, une partie de notre population est stigmatisée !
À mon tour, j'ai envie de vous demander, comme l'ont fait avant moi mes collègues : où est la prévention en matière éducative dans l'article 9, dans le chapitre Ier du texte et, d'une manière plus générale, dans l'ensemble du projet de loi ? À croire que, pour vous, la meilleure des préventions reste la répression et le contrôle social !
Aujourd'hui, il existe une crise de confiance dans l'école, institution par excellence de la République, et ses vertus d'ascension sociale sont sévèrement remises en question.
L'incapacité de l'école à lutter efficacement contre les inégalités, la perspective du chômage, le nombre de plus en plus important de personnes en situation d'urgence sociale, tous ces éléments expliquent sans doute la révolte de certains jeunes, pour qui l'école n'est plus qu'un outil de discrimination et d'exclusion parmi d'autres.
Les arbitrages budgétaires concernant l'école, à savoir la suppression de plus de 8 500 postes, les annonces et incantations de M. de Robien, les réformes de M. Fillon avec le socle de compétences notamment, vont aggraver cette crise de confiance envers l'école de la République, qui tend à devenir une école du « tri social », un instrument de légitimation d'une division sociale inégalitaire, tournant le dos à la réussite scolaire de toutes et tous nos jeunes.
Mais, bien évidemment, nous ne pouvons jeter la pierre à cette seule institution, quand l'ensemble de la société ne tient plus ses promesses d' « égalité, de liberté et de fraternité », qui sont au fondement de notre pacte social. Et si l'école peut jouer un rôle clé dans la prévention de la délinquance, elle ne peut pas, à elle seule, corriger toutes les injustices et les inégalités sociales, même si elle reste pour beaucoup le dernier rempart contre l'exclusion.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 9 qui, sous couvert de réponse éducative, sous couvert d'accorder la prégnance de l'école en matière de prévention sans lui en donner les moyens, va en réalité, conformément à l'obsession sécuritaire du Gouvernement, stigmatiser certaines familles par la création, notamment, d'un fichier dont l'utilisation peut prêter à interrogation !
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter notre amendement visant à la suppression de l'article 9.