Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 28 avril 2011 à 9h00
Amélioration de la justice fiscale — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur :

Elle doit aussi permettre d’attirer de nouveaux investisseurs ou de fidéliser l’actionnariat en période de chute et de volatilité des cours de bourse.

Si l’on examine le ratio de distribution des sociétés du CAC 40, plutôt que le montant global des dividendes, on constate que, cette année, en France, en s’établissant à 46, 7%, il ne se situe pas à un niveau atypique.

Tout est question d’équilibre, de juste mesure entre la rémunération légitime des actionnaires, le financement de l’investissement et l’intéressement des salariés.

Même si nous ne sommes pas totalement maîtres du jeu, car la concurrence internationale est vive, il est vrai que le traitement réservé aux actionnaires peut paraître déconnecté de la réalité économique et sociale, lorsque les entreprises en cause recourent à une politique salariale rigoureuse ou malthusienne. Or les salariés sont, au moins autant que les actionnaires, responsables de la bonne santé financière des entreprises : ils doivent donc naturellement en recueillir les fruits.

Tel est d’ailleurs le sens de l’intervention du président de la République, qui a demandé que soit mis en place un mécanisme permettant de lier l’augmentation des dividendes à une revalorisation des rémunérations. Ce débat, vous le savez, s’ouvrira dans notre hémicycle avant le début de l’été prochain.

Nous sommes tous mobilisés pour accentuer la progression du pouvoir d’achat des salariés de notre pays.

Il n’est d’ailleurs pas établi que cette dernière piste soit la plus efficace. Une indexation automatique entre la progression des dividendes et celle des salaires pourrait en effet entraîner une diminution de l’investissement et de la productivité, et surtout rendre plus difficile, pour les entreprises concernées, le fait de lever des capitaux sur les marchés pour financer leur croissance. Nous aurons l’occasion d’en débattre.

De même, il est difficile d’établir un lien entre la progression des dividendes et le volume des effectifs employés sur notre territoire.

Je veux, pour terminer, formuler quelques observations plus techniques sur les dispositions que nous proposent nos collègues du groupe socialiste. Je crois que, si l’on peut être sensible aux finalités poursuivies, les moyens envisagés soulèvent des difficultés, et pourraient même se révéler contre-productifs.

Le premier article vise à supprimer le régime du bénéfice mondial consolidé, qui a été créé en 1965 et n’a jamais été remis en cause, malgré plusieurs alternances politiques. Il bénéficie aujourd’hui seulement à cinq groupes, dont deux du CAC 40. Si ce régime peut aujourd’hui sembler moins justifié, compte tenu de son objet initial qui consistait à accompagner le développement international de certaines entreprises, il demeure très encadré, et son coût budgétaire, de près de 400 millions d’euros en 2010, diminue tendanciellement.

C’est ainsi qu’il est accordé sur agrément, en fonction d’engagements précis pris par la société éligible ; compte tenu du caractère intangible de son périmètre pour la durée de cet agrément, il n’est pas favorable en toutes circonstances.

Selon ce que j’ai dit tout à l’heure, la suppression de ce régime ne pourrait être envisagée sans que nous dispositions au préalable d’une évaluation objective, non pas seulement de sa portée budgétaire, mais aussi de son intérêt socio-économique.

L’article 2 vise à introduire une sorte d’ « impôt réel minimum » sur les bénéfices. Cette solution présente des inconvénients économiques et peut faire l’objet de réserves méthodologiques.

À supposer que les calculs du Conseil des prélèvements obligatoires soient confirmés, ce dispositif conduirait l’impôt effectif des plus grandes sociétés à connaître plus qu’un doublement, en passant de 8 % à 16, 66 %. Dans la conjoncture de reprise que nous connaissons, un tel relèvement serait à mes yeux préjudiciable du point de vue de la compétitivité et de la crédibilité aux yeux des investisseurs en capital et en dette.

Ce dispositif impose de plus une vision uniforme et réductrice de la situation fiscale des grandes entreprises. La mise en place d’un impôt minimum conduirait à remettre en cause une partie des avantages fiscaux dont certaines d’entre elles ont pu légitimement bénéficier. De surcroît, sa formulation le rend inopérant et source d’ambiguïtés.

Enfin, l’article 3 reprend une proposition récurrente : celle d’un taux d’impôt sur les sociétés différencié selon le niveau du bénéfice mis en réserve ou distribué. Ce dispositif semble séduisant, mais se heurte à de nombreux obstacles de fond et de forme.

Tout d’abord, il traduit une méfiance que l’on peut juger excessive à l’égard de la pratique des dividendes.

Il suppose également un suivi complexe, sur plusieurs années, des affectations comptables du bénéfice. Cette complexité contribue à expliquer l’échec, entre 1988 et 1992, puis de 1997 à 2000, des deux précédentes tentatives visant à pérenniser en France des dispositifs similaires ; le second dispositif a d’ailleurs été supprimé par un gouvernement soutenu par l’actuelle opposition parlementaire.

Les États de l’Union européenne, en particulier l’Allemagne en 2000, ont écarté ce dispositif. Seule l’Estonie applique un système analogue, sous la forme d’une « taxe de distribution » dont le taux s’élève à 21 %. S’agissant de l’Allemagne, je rappelle que le double taux poursuivait un objectif contraire à celui de la présente proposition de loi, puisqu’il était destiné à encourager la distribution de dividendes.

Les modalités proposées apparaissent en outre bien en deçà des objectifs affichés, puisque le taux d’impôt sur les sociétés de 36, 66 % s’appliquerait seulement au-delà d’un seuil de distribution de 60 %, rarement atteint dans les faits par les grandes entreprises.

Enfin, pour des raisons de doctrine, la commission ne peut pas approuver ces propos dans la mesure où les dispositions fiscales relèvent désormais exclusivement du domaine réservé des lois de finances.

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