Intervention de Yvon Collin

Réunion du 28 avril 2011 à 9h00
Amélioration de la justice fiscale — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Cette proposition de loi repose essentiellement sur trois dispositifs tendant à l’abrogation du régime du bénéfice mondial consolidé, à l’introduction d’un niveau plancher d’impôt sur les sociétés effectivement acquitté et à une modification du taux uninominal de l’impôt sur les sociétés, cela en fonction de l’affectation du résultat de certaines entreprises.

Véritable serpent de mer fiscal, la question de l’efficacité de l’impôt sur les sociétés, en termes de rentrées fiscales pour l’État, et de son équité, en termes de progressivité de ses taux, n’en finit pas d’être soulevée.

Cet impôt a vocation à déterminer la principale contribution des entreprises aux charges financières de l’État. Calculé en fonction des bénéfices réalisés chaque année, son taux de droit commun, longtemps établi à 50 %, est fixé à 33, 33 % depuis le 1er janvier 1993. Cette diminution participait à l’époque d’une démarche partagée d’harmonisation au sein de l’espace communautaire.

En 2008, il faut s’en souvenir, cet impôt rapportait dans les caisses de l’État plus de 52 milliards d’euros, soit près de 17 % des gains fiscaux annuels. Ce n’est pas rien, surtout dans un contexte budgétaire marqué par des pics de déficit à répétition !

La proposition de loi n’a nullement pour objet d’alourdir les taux existants, de remettre en cause l’attractivité de la France dans le concert des nations européennes, ni même de taxer davantage l’ensemble de nos entreprises. Non ! Évitons la caricature : le texte vise bel et bien à corriger les distorsions de ce régime d’imposition, qui permettent aux plus grandes entreprises de payer a minima. Je pense notamment aux entreprises du CAC 40, dont les bénéfices faramineux ne cessent de croître.

Comment expliquer sans gêne que, par un tour de passe-passe et de judicieux montages d’optimisation fiscale, certaines multinationales françaises sont assujetties à un taux d’imposition deux fois moins élevé que celui des PME ? Comment expliquer que, dans notre pays, plus une entreprise est importante, moins elle est assujettie à l’impôt ?

Selon un rapport rédigé en 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires, les entreprises du CAC 40, qui représentaient en 2006 plus de 30 % des profits, rapportaient à peine 13 % de l’impôt sur les sociétés. En revanche, les PME dont la taille n’excédait pas 250 personnes s’acquittaient de 21 % du même impôt, pour seulement 17 % des profits générés par les entreprises françaises.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette situation est contraire à l’esprit même de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à laquelle notre collègue François Rebsamen faisait référence, et dont l’article XIII dispose que la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cela, me semble-t-il, vaut bien aussi pour les entreprises !

Avec des taux faibles pour les plus forts et des taux forts pour les plus faibles, c’est toute une mécanique inéquitable et implacable à laquelle il convient de mettre un terme. Pour cela, nos collègues socialistes proposent, dans leur texte, trois remèdes à appliquer aux trois principaux maux de l’impôt sur les sociétés.

En premier lieu, la proposition de loi tend à supprimer le mécanisme dit du bénéfice mondial consolidé.

Ce mécanisme permet aux sociétés mères de certaines multinationales françaises de retenir l’ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger, pour l’assiette des impôts établie sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices. Ce système dérogatoire, soumis à agrément ministériel, permet ainsi aux grands groupes d’imputer sur leurs bénéfices français les résultats souvent déficitaires des filiales nouvellement implantées à l’étranger.

Je parlais précédemment d’optimisation fiscale : nous y sommes ! Pour éviter les doubles impositions, l’impôt sur les sociétés payé en France par la maison mère sur son résultat consolidé est diminué de l’impôt sur les sociétés versé à l’étranger par chacun de ses établissements stables ou chacune de ses filiales. Au bout du compte, les gains fiscaux optimisés représentent un jackpot de plusieurs centaines de milliers d’euros par entreprise concernée.

En 2010, selon les services du ministère du budget, cinq sociétés ont bénéficié de ce régime, qui a coûté la bagatelle de 302 millions d’euros à l’État ! Cerise sur le gâteau, grâce à ce dispositif formidable, le groupe Total, cité à plusieurs reprises, n’a payé aucun impôt sur les sociétés en 2010, alors même qu’il a réalisé un bénéfice de 10, 5 milliards d’euros, le plus important du CAC40, et qu’il a distribué la bagatelle de 5, 2 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires.

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