Par le but qu’elle vise, cette proposition de loi rejoint de légitimes préoccupations de justice sociale. Il est primordial, pour atteindre ce but plus que tout autre tant il est générateur d’espoir, de se donner les moyens d’agir avec efficacité. Pour cela, aucune incertitude ne peut demeurer. J’en relève malheureusement un certain nombre.
Les chiffres mettant en exergue un écart de taux réel d’impôt sur les sociétés acquitté sont différents selon les études. Les calculs de la Cour des comptes donnent des taux effectifs supérieurs à ceux du Conseil des prélèvements obligatoires.
Les écarts de taux existent, bien sûr, mais au-delà de la pétition de principe, il est important d’agir sans approximation. À cet effet, la direction générale du Trésor est en train de réaliser une étude pour préciser les chiffres.
Avant de prendre une décision, il convient également de procéder à une évaluation de l’intérêt du bénéfice mondial consolidé. Dans quelle mesure son coût est-il plus important que son intérêt ? Attendons pour le savoir la remise au Parlement, le 30 juin prochain, du rapport du Gouvernement évaluant l’efficacité et le coût de toutes les dépenses fiscales.
Le relèvement du taux d’imposition sur les bénéfices des grands groupes devra certainement être discuté. Toutefois, la proposition du groupe socialiste de relever le taux réel à un taux minimum de 16, 66 % est, dans l’attente des nécessaires évaluations que nous venons d’évoquer, une mesure dont on ne connaît pas le véritable impact et qui, au-delà de son effet d’annonce, pourrait se révéler prématurée, voire dangereuse.
Rappelons que, à l’heure où l’on parle de convergence fiscale, le taux nominal d’impôt sur les sociétés est plus faible en Allemagne qu’en France, soit de 30 % au lieu de 33, 33 % et, surtout, les cotisations sociales sont nettement moins importantes outre-Rhin, soit de 13 % du PIB, contre plus de 16 % en France.
Deux questions se posent : est-ce le moment d’augmenter la pression fiscale sur les entreprises françaises, plus faibles en export que les entreprises allemandes, même lorsqu’il s’agit de grands groupes ? Si oui, de quelle manière et dans quelle proportion ?
Dans ce schéma généreux, n’oublions pas la dépréciation de l’euro par rapport au dollar ou au yuan.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent la mise en place d’un taux d’impôt sur les sociétés qui varie selon le niveau du bénéfice qu’elles mettent en réserve ou distribuent. Cette proposition paraît séduisante, mais la différenciation nécessite un suivi complet des affectations comptables du bénéfice sur plusieurs années, suivi qui n’a jamais réussi à être mis en œuvre.
C’est une matière complexe, fluctuante, et les risques de délocalisation sont, hélas, bien présents.
La direction du Trésor et le Gouvernement travaillent sur l’exactitude des chiffres, l’évaluation du coût et l’efficacité des dépenses fiscales.
Dans un esprit pragmatique, qui est aussi celui de l’équité, le Président de la République a d’ores et déjà annoncé la mise en place dans le collectif budgétaire de juin prochain d’une prime aux salariés que devront verser les entreprises qui distribuent des dividendes. C’est, certes, une manière différente d’aborder l’exigence de justice sociale, mais cette mesure sera peut-être perfectible. En tout cas, elle aura l’avantage indéniable de pouvoir être appréhendée par le salarié de manière directe en le remettant au cœur de la bonne marche de l’entreprise.
Dans ces conditions, et pour toutes les raisons évoquées, le groupe UMP votera contre l’ensemble de la proposition de loi.