Je souhaitais attirer l’attention du ministre de la justice sur le désarroi et la colère qui règnent dans le monde de la justice, comme d’ailleurs au sein de la police, ces deux maillons indispensables d’une même chaîne.
Depuis plusieurs mois, avocats et magistrats s’inquiètent du dépouillement progressif de la justice. Je rappelle, notamment, l’ampleur du rassemblement du 29 mars dernier et l’unité affichée à cette occasion par les personnels de justice. Cette colère s’est amplifiée avec le vote de la loi relative à la garde à vue, en raison des difficultés liées à son entrée en application.
Cette loi n’est qu’une illustration de ce malaise du monde judiciaire. Le Gouvernement se voit contraint de faire appliquer dans la précipitation une loi qui aurait dû être fondamentale !
Depuis plusieurs années, la Cour européenne des droits de l’homme alerte la France sur la nécessité d’une réforme de la garde à vue. Mais il aura fallu attendre l’intervention du Conseil constitutionnel, en juillet 2011, pour que vous vous penchiez enfin sur cette réforme !
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, au travers des arrêts du 15 avril 2011, a décidé de l’application immédiate de cette loi. Le ministre a pris une circulaire, soit, mais celle-ci reste très évasive quant à l’application concrète de cette réforme.
Policiers, avocats et magistrats sont unanimes : cette loi a été votée sans que les moyens nécessaires à sa bonne mise en œuvre aient été prévus !
Les acteurs du monde judiciaire n’avaient déjà plus les moyens d’exercer leurs missions dans des conditions acceptables. Or l’entrée en vigueur, non préparée, de cette loi n’a rien arrangé. Le caractère dérisoire des ressources qui sont allouées à la justice est à la hauteur du peu de cas que la majorité en fait !
M. le garde des sceaux a déclaré récemment que la justice disposait désormais de ressources, y compris humaines, suffisantes pour son fonctionnement. Or cela est faux, vous le savez, et je regrette qu’il ne soit pas présent pour me répondre.
Vous ne savez comment faire, aujourd’hui, pour mettre en œuvre cette réforme de la garde à vue qui vous est imposée et que vous n’avez pas su anticiper. Pourtant, cela fait près de dix ans que vous auriez dû la prévoir...
Les locaux des services de police et de gendarmerie doivent être modernisés. Cette réforme s’impose, mais elle ne pourra entrer dans les faits sans que des fonds soient débloqués.
Vous devez également doter de plus de moyens les recours à l’aide juridictionnelle pour les gardés à vue.