Séance en hémicycle du 28 avril 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-François Voguet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous le savez, 200 000 réfugiés libyens ont été accueillis en Tunisie ; ils l’ont été dans des conditions difficiles, mais la Tunisie a fait tout ce qu’elle a pu.

Aujourd'hui, des milliers de Tunisiens viennent en Europe, utilisant des moyens très précaires et souvent au péril de leur vie.

Voici donc ma première question, monsieur le ministre : comment pensez-vous agir concernant ces personnes ? La responsabilité, nous y tenons, mais, comme l’a souligné Bertrand Delanoë, nous tenons aussi beaucoup à la fraternité.

Ma deuxième question est relative à la position de la France à l’égard de ces pays, et je pense en particulier à la Tunisie. Les Tunisiens ont recouvré la liberté à mains nues. Le Gouvernement français l’a reconnu avec un peu de retard, mais les Tunisiens sont maintenant engagés sur ce chemin.

Est-ce que la seule parole qui puisse se donner à entendre dans les médias de France, de Tunisie et du monde, c’est que certains veulent les renvoyer à la mer ? Ce n’est évidemment pas possible, monsieur le ministre, vous le savez bien, car c’est indigne !

Je souhaite également vous interroger sur nos responsabilités européennes. Schengen fut et reste une grande avancée. Mettre fin à ces accords ou même simplement y porter atteinte, ce serait à coup sûr une erreur, car ce serait commencer à défaire l’Europe.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Alors, c’est très bien ainsi !

Monsieur le ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour conforter l’espace européen, faire en sorte qu’existe une politique d’immigration commune qui soit portée par l’ensemble des États membres ? Comment permettre l’émergence en Europe d’un vaste plan qui soit efficace et dynamique, afin qu’elle vienne en aide à la Tunisie et à tous ces pays qui aspirent au développement ? Œuvrer avec eux pour leur essor économique, c’est contribuer à trouver de véritables solutions aux problèmes qui se posent.

Monsieur le ministre, la voix de la France est très importante. L’attitude de la France l’est tout autant. Nous espérons vivement qu’elle sera faite de responsabilité, mais aussi de fraternité, car nous sommes la France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le sénateur, comme vous, le Gouvernement se réjouit que la Tunisie accède à une ère nouvelle de son histoire, une ère empreinte de liberté et de démocratie.

C'est la raison pour laquelle la France souhaite aider la Tunisie à amorcer cette vie nouvelle, à définir et conforter son développement économique, le concours de notre pays pouvant revêtir bien des formes. C’est d’ailleurs à ce titre qu’Alain Juppé se trouvait en Tunisie voilà quelques jours.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Pour autant, nous n’entendons pas subir des vagues de migration qui ne sont justifiées que par des motifs économiques.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Il serait paradoxal que nous accueillions des gens qui viennent d’un pays qui s’ouvre à la liberté et qui inaugure une ère où l’oppression n’a plus sa place.

Voilà pourquoi la France refuse que les clandestins entrent sur son territoire. Et je suis surpris que des parlementaires invitent à ne pas respecter les lois de la République.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J’en viens à Schengen. C’est un espace de libre circulation. Le Gouvernement français y est extrêmement attaché, car cela constitue, avec l’euro, l’une des grandes conquêtes européennes.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

C’est précisément pour sauver ces accords que la France, avec l’Italie, prend des initiatives. L’Allemagne travaille en ce sens également, tout comme le Royaume-Uni ; même si ce dernier pays n’est pas membre de l’espace Schengen, il n’en reste pas moins que œuvrons dans la même direction.

Que faire ? D’abord, il nous faut faire en sorte que l’espace Schengen se dote de mécanismes efficaces de protection des frontières. Cela suppose un renforcement des moyens de l’agence Frontex.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faut sans doute dresser des murs autour de l’Europe !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Cela implique aussi une amélioration de la gouvernance. Qui commande Schengen aujourd'hui ? La réponse à cette question n’a rien d’évident. Le conseil Justice et affaires intérieures doit donc créer une instance spécifique pour gouverner cet espace. Il faut des mécanismes d’évaluation de ce qui se passe véritablement aux frontières extérieures avec les pays d’entrée. Enfin, il convient d’amorcer cette garde des frontières européennes qui est souhaitée depuis tant d’années.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

À un peu plus d’un an de la prochaine élection présidentielle, le Président de la République semble redécouvrir que la préoccupation première de nos concitoyens demeure, et de loin, leur pouvoir d’achat. Cela se conçoit puisque, tout temps de travail confondu, 40 % des hommes et 50 % des femmes gagnent moins de 1 200 euros par mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Au lieu du partage promis des bénéfices en trois tiers, Nicolas Sarkozy propose une prime exceptionnelle de 1 000 euros tout au plus, et qui ne concernera que les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés dont les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On ne sait d’ailleurs pas où elle en est, cette prime !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Autrement dit, l’immense majorité des salariés de notre pays ne bénéficiera ni de cette prime ni d’une réelle revalorisation du SMIC. En effet, celle qui est prévue couvre à peine l’inflation.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Toujours plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je rappelle quelques chiffres : + 3 % sur les produits frais au mois de mars, + 5 % pour les pâtes, + 5 % pour le pain, entre + 2 % et + 4 % pour le fromage, annonce la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution.

L’octroi d’un chèque bienvenu pour ces salariés ne masque pas les dégâts de votre politique ni les fins de mois difficiles qui s’inscrivent, elles, dans la durée.

Les organisations syndicales, mais aussi de nombreux Français, ne sont pas dupes. Ils savent que le Président de la République fait mine de se préoccuper de leur pouvoir d’achat, alors qu’il s’apprête à faire cadeau aux plus riches de la quasi-suppression de l’ISF.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Il veut éviter d’aborder la vraie question, celle d’une juste rémunération du travail et d’une répartition plus équitable des richesses.

De plus, pour que les salariés puissent espérer bénéficier d’une légère prime, il faut impérativement que les actionnaires gagnent toujours plus. Voilà votre conception du partage des richesses !

Les salariés ont accru leur productivité en France. Cela a permis d’augmenter considérablement la valeur ajoutée des entreprises, au point que le bénéfice des sociétés du CAC 40 a fait un bond de 85 % en 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Leurs dirigeants ont vu leurs rémunérations augmenter de 24 % l’année dernière. La part de la valeur ajoutée consacrée aux actionnaires et aux remboursements bancaires a progressé de 14 % entre 1992 et 2009.

Les salariés ont donc bien droit à une augmentation immédiate et générale des salaires, seul mode légitime de rémunération de leur travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Mme Marie-France Beaufils. Ma question est simple : qu’attendez-vous pour instaurer le SMIC à 1 600 euros, augmenter le traitement des fonctionnaires et, ainsi, déclencher l’augmentation générale des salaires ? Ne serait-ce pas le meilleur signe que vous vous préoccupez du pouvoir d’achat de nos concitoyens ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la sénatrice, votre conception du partage de la valeur ajoutée...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. ... s’arrête à la théorie et ne souffre en aucune façon le passage à la pratique.

Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La pratique pour les salariés, c’est la fin du mois !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour notre part, nous avons un raisonnement très simple, qui dépasse même la seule question du pouvoir d'achat. Si une entreprise dégage des bénéfices, c’est bien sûr grâce à l’actionnaire qui a versé une mise de départ, mais c’est aussi grâce aux salariés. Dès lors, si la valeur progresse pour l’actionnaire, le salarié doit en profiter également.

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce qui nous différencie, c’est que vous demeurez dans une théorie dépassée au moins depuis le siècle dernier, alors que, pour nous, le principe de réalité prime.

Un texte sera bien déposé au Parlement dès cette année afin que soit mis en place un autre partage de la valeur ajoutée et que, en plus du salaire, une prime soit versée aux salariés.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le montant et les modalités seront fixés dans l’entreprise, par le dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les salaires, cela fait de l’argent pour la sécurité sociale !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Force est toutefois de reconnaître que, si le Gouvernement n’avait pas pris ses responsabilités pour donner suite à la volonté du Président de la République, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... les discussions seraient toujours enlisées et aucune avancée n’aurait été possible.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Car il faut bien reconnaître que, sur ce sujet, certains acteurs, notamment le MEDEF, n’ont pas engagé les négociations nécessaires.

Nous prenons nos responsabilités. Il y aura toujours la place pour la négociation à l’échelon national comme dans les entreprises, mais nous voulons que la situation évolue.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Par ailleurs, je tiens à le souligner, le salaire est important.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le salaire, il y a ceux qui en parlent et ceux qui agissent.

Grâce à ce qu’a fait le président Larcher lorsqu’il était ministre

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Sur tous ces sujets, nous sommes au rendez-vous d’un meilleur partage, d’un partage plus juste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Sur la question du pouvoir d'achat, vous avez omis de rappeler cette réalité. Où en serait le pouvoir d'achat des Français si le Gouvernement n’avait pas pris ses responsabilités au cœur de la crise, notamment quand il a fallu aider les Français et les salariés les plus modestes ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Sans toutes ces décisions, nous n’aurions pas été en mesure de préserver notre pacte social. Mais vous avez la mémoire courte !

La vérité, c’est que le principal ennemi du pouvoir d'achat des Français, ce sont les impôts. Il est vrai que, en matière d’imposition, vous autres, communistes et socialistes, vous êtes les champions ! C’est vous qui êtes les ennemis du pouvoir d'achat !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Les événements qui se déroulent en Afrique du Nord suscitent des réactions où se mêlent l’espoir et l’inquiétude : espoir de voir cette région évoluer vers la démocratie et vers plus de prospérité ; inquiétude devant le risque pour l’Union européenne, dans un contexte de grande instabilité, d’être confrontée à des mouvements migratoires importants et difficiles à maîtriser.

Dans ce contexte se pose la question cruciale des modalités de mise en œuvre des accords de Schengen. Le tout récent sommet franco-italien s’en est fait l’écho en se prononçant pour une réforme de Schengen qui permette de le renforcer.

Compte tenu de l’importance de cette question, la commission des affaires européennes du Sénat a décidé, avec son homologue de l’Assemblée nationale, de mettre en place un groupe de suivi qui pourrait réfléchir à des clauses de sauvegarde renforcées en cas de défaillance des contrôles des frontières extérieures, ainsi qu’à une mutualisation européenne accrue des moyens nationaux, humains et matériels de contrôle des frontières de l’Union.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler la position du Gouvernement sur les conditions de mise en œuvre des accords de Schengen face aux mouvements migratoires récents en Méditerranée et, ensuite, nous indiquer quelles seraient les mesures qui vous sembleraient nécessaires pour renforcer les conditions d’application de ces accords ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord vous donner quelques indications sur la façon dont le Gouvernement entend que soient aujourd’hui mis en œuvre les accords de Schengen.

Il suffit, à vrai dire, de s’en tenir à leur lettre. La lettre des accords de Schengen, c’est que le premier pays d’entrée gère les entrées sur son territoire ; c’est aussi qu’il doit y avoir une coopération loyale entre les pays.

Nous avons pu déceler, de la part de nos amis Italiens, quelque tentation de renvoyer chez nous des personnes que, en application des accords, ils devaient gérer. Nous nous sommes accordés avec eux sur la façon de mettre en œuvre le traité et sa convention d’application. En conséquence, nous reconduisons en Italie les personnes qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour vivre en France mais qui sont titulaires d’un titre de séjour en Italie.

Comment faire évoluer les règles ? Il faut les faire évoluer pour sauver les accords de Schengen, comme je le précisais tout à l’heure, et cela dans cinq directions : ce sont les propositions que nous avons faites au Conseil et à la Commission, en accord avec l’Italie.

Première idée : renforcer l’agence Frontex, qui est chargée du contrôle des frontières extérieures. Concrètement, il s’agit de faire en sorte que Frontex puisse organiser des patrouilles maritimes afin d’interdire la progression vers l’Italie des personnes qui quittent la Tunisie sur des embarcations et, éventuellement, de leur porter secours.

Deuxième idée : créer le noyau dur d’un système européen de garde aux frontières – j’y faisais allusion tout à l’heure. Si nous voulons que la confiance revienne entre les pays, il faut en arriver là.

Troisième idée : mettre en place un mécanisme d’évaluation afin que chaque pays soit rassuré sur la pratique des autres.

Quatrième idée : retenir la possibilité, à titre exceptionnel, de rétablir le contrôle aux frontières si nous sommes confrontés à un risque systémique de grande ampleur que nous n’arrivons pas à gérer.

Cinquième idée : doter l’espace Schengen d’une véritable gouvernance.

Aujourd’hui, le conseil Justice et affaires intérieures s’en préoccupe de temps à autre, pendant quelques minutes, dans le cadre de réunions dont l’ordre du jour est extrêmement chargé. Il faut changer de dimension à cet égard. De tout cela il sera d’ailleurs question à Bruxelles, le 12 mai, lors d’un conseil Justice et affaires intérieures, précisément.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Detcheverry

Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, concerne la très grave crise que traversent le secteur de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon et, avec lui, l’ensemble de l’économie de l’archipel.

Alors que Saint-Pierre-et-Miquelon abritait jadis une très importante entreprise de transformation, Interpêche, l’actuelle société SPM Seafood se trouve dans une situation alarmante. Cela était pourtant prévisible avant même que l’État ne décide de remettre les clefs d’Interpêche à des Canadiens. La majorité des représentants locaux étaient défavorables à une reprise perpétuant un système insoutenable, qu’ils jugeaient par trop fondé sur du social et dépourvu de réelle vision économique à moyen et à long terme.

Or, depuis 1992, sous la houlette des gouvernements successifs, le maintien de la paix sociale a été privilégié au détriment de la mise en place d’un système économique viable et durable. Les Saint-Pierrais-et- Miquelonnais, qui étaient connus et reconnus pour leur sens de l’effort et du travail bien fait, ont été plongés dans un assistanat improductif, réducteur, dégradant et néfaste à long terme.

Il faut dire que, déjà à l’époque, les motivations étaient politiques. On a préféré sacrifier Saint-Pierre-et-Miquelon et sa population dans l’espoir, vain, de vendre des Airbus et des TGV au Canada. Pourtant, les solutions étaient simples. Une diversification de la pêche et de notre système économique était tout à fait possible. La prospérité dans les provinces canadiennes voisines en apporte aujourd’hui la meilleure preuve.

Alors que la France ne produit que 15 % de sa consommation de produits de la mer, Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité française, n’a les moyens ni de valoriser ni d’exporter la richesse qui existe encore sur les bancs de Terre-Neuve. Même l’avenir de l’aquaculture, qui a fait l’objet d’investissements privés importants et de recherches poussées, semble incertain. Pourtant, de nombreux rapports scientifiques sur nos ressources et notre potentiel halieutiques existent et indiquent la marche à suivre.

Aujourd’hui, nous nous retrouvons une fois de plus dans l’impasse parce que les choix faits ont reposé uniquement sur une appartenance partisane et quelques calculs politiques. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la République et de la défense de l’intérêt général qui nous anime dans cette enceinte !

Il est urgent de repenser la filière halieutique dans son ensemble, et de manière objective.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m’assurer d’un réel soutien technique et d’un réel suivi des services de l’État afin que nos choix économiques soient enfin assis sur les faits et dictés par la seule logique économique ?

Finissons-en avec toutes ces erreurs à répétition, avec tout ce gaspillage financier, et redonnons vie à une économie réelle et durable à Saint-Pierre-et-Miquelon !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire de la République française, veut vivre de son travail !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le sénateur, le Gouvernement connaît bien l’importance de la filière pêche pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Il n’ignore rien non plus des difficultés que l’archipel rencontre depuis le début des années quatre-vingt-dix, quand est intervenu le moratoire.

Depuis 2009, un soutien très important est apporté par l’État, au côté de la collectivité territoriale, à la modernisation de l’outil de production des différentes entreprises de la filière halieutique.

Le pôle de transformation de Saint-Pierre a été repris par une société canadienne. Cette reprise a été validée en toute transparence par le tribunal de première instance de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui statuait en matière commerciale au terme d’une procédure de redressement judiciaire tout à fait classique.

La société Seafooda néanmoins accumulé des pertes importantes. Elle n’a pas pu réaliser son plan d’affaires et un rapport commandé par Marie-Luce Penchard, qui sera disponible la semaine prochaine, expliquera comment on est arrivé à cette situation. L’entreprise s’est déclarée en cessation de paiements il y a deux semaines.

Il est bien clair, monsieur le sénateur, que l’État apportera tout son soutien, technique, opérationnel, financier, pour mettre en place un projet économique viable, durable, valide. Il est en effet extrêmement important, aux yeux du Gouvernement, que soit garantie la pérennité d’une filière pêche active à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le préfet a été mandaté pour consulter sans tarder les différents acteurs de la filière. Le mandataire judiciaire sera nommé à la mi-mai et les élus seront également consultés. Il faudra, bien sûr, trouver un repreneur.

J’ajoute qu’il semble important d’assurer une meilleure coordination entre les deux pôles de transformation de Saint-Pierre et de Miquelon.

Je précise, enfin, qu’un spécialiste de la filière sera mandaté par l’État pour accompagner concrètement le plan de rénovation. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

M. Jean Boyer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, bien que mes cordes vocales soient défaillantes, je vais m’efforcer de les mobiliser pour me faire entendre, et surtout pour me faire comprendre.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, nous le savons, nos budgets sont contraints, et je suis solidaire de l’action que mène le Gouvernement face à cette réalité. Mais nous savons aussi qu’il doit y avoir des priorités afin de ne pas compromettre l’avenir.

Notre société est certes malade, mais ne le sera-t-elle pas davantage si les élèves d’aujourd’hui travaillent dans des classes surchargées, loin de chez eux, loin de cette proximité indispensable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Quand 8 800 postes sont supprimés dans le primaire, monsieur le ministre, c’est – permettez à l’ancien agriculteur que je suis de recourir à cette métaphore – un orage de grêle qui s’abat sur les grandes parcelles de blé semées en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Si, dans certains secteurs, les machines peuvent remplacer les hommes, ce n’est certainement pas le cas dans l’enseignement, où la mission des enseignants deviendra de plus en plus difficile, voire ingrate.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Entendez, monsieur le ministre, le message que vous adresse l’un des élus d’un département rural, un message qui est en fait un appel : l’école constitue le dernier lieu d’un service au public ; elle est un élément fondamental de la vie locale dans nos petites communes. Dans celles-ci, les maires ont toujours donné une priorité à l’école, car ils savent que c’est un investissement primordial et incompressible pour demain.

Mes chers collègues, sur quelque côté de l’hémicycle que vous siégiez, vous savez tous que, dans notre jeunesse, l’école a été notre deuxième famille. Elle nous a aidés à devenir des hommes et des femmes parce que l’enseignement que nous avons reçu était personnalisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Il n’y avait pas un enseignant pour vingt ou trente élèves. L’enseignement était personnalisé et il nous était délivré généreusement.

Alors, ne vaut-il pas mieux, aujourd’hui, payer des enseignants plutôt que, demain, être obligé – et je ne cède là à aucune démagogie ni à aucune dramatisation – de prévoir un peu partout des éducateurs spécialisés, voire des policiers ?

Monsieur le ministre, la société de demain se bâtit aujourd’hui et, j’en suis convaincu, comme vous l’êtes aussi, l’école en est le meilleur des artisans.

En 1944, Albert Camus, enseignant résistant, n’a-t-il pas écrit, au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, l’un des plus beaux bastions de la Résistance, que « la meilleure générosité envers l’avenir est de donner beaucoup au présent » ?

Bien sûr, on ne peut plus revenir à l’école d’il y a cinquante ans. L’école doit s’adapter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Je vois, monsieur le président, que la pendule tourne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Vous avez même dépassé votre temps de parole ! Pensez à vos cordes vocales !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Nous n’en sommes plus au temps où il s’agissait avant tout de savoir calculer en mètres ou en kilos, mais nous devons avoir un regard social et répondre aux vœux des enseignants, des parents et des élèves.

Merci, monsieur le ministre, de me dire ce que vous envisagez de faire.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre ambition pour l’école.

Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

C’est la raison pour laquelle il a présenté ici même, au Sénat, l’année dernière, le budget le plus important jamais défendu pour le système éducatif : 60, 5 milliards d’euros, soit, je le rappelle, 21 % du budget de la nation.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Il faut également savoir que, depuis 1981, le budget par élève a augmenté, en euros constants, de 80 %.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Vous avez raison, monsieur le sénateur, d’être vigilant quant à l’encadrement. Je veux vous rassurer en vous disant que, à la rentrée prochaine, il y aura 35 000 professeurs de plus qu’il n’y en avait il y a vingt ans dans le système éducatif, alors qu’il y a 550 000 élèves de moins.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, d’être également vigilant quant au nombre d’élèves par classe.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Là aussi, je veux vous rassurer : nous aurons, à la rentrée prochaine, en moyenne, 25 élèves par classe de maternelle, contre 27 en 1990.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Nous aurons environ 22 élèves par classe dans les écoles primaires, contre 23 en 1990.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans les quartiers populaires, ça remonte !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Dans certains départements ruraux, comme la Haute-Loire, dont vous êtes l’élu, monsieur Boyer, il y aura en moyenne 20 élèves par classe à la prochaine rentrée dans les écoles primaires.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Je pense que, aujourd’hui, l’enjeu majeur pour le système éducatif, c’est d’être capable de faire en sorte que chaque élève sorte de l’école primaire en sachant lire, écrire et compter.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

La loi Fillon de 2005 a posé les fondamentaux. Dans ce cadre, nous avons mis en place, depuis 2008, un système d’aide personnalisée, …

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

… permettant à chaque élève qui rencontre des difficultés à l’école de bénéficier d’une « remédiation », prenant la forme d’une aide à la lecture de deux heures par semaine, dispensée au sein même du système éducatif.

Nous avons en outre mis en place des stages de soutien scolaire : 230 000 élèves en ont bénéficié l’année dernière, là encore au sein même du système éducatif.

Bref, notre objectif est de soutenir davantage ceux qui rencontrent des difficultés scolaires.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

C’est cela, l’école de la République : faire davantage pour les élèves en difficulté. Telle est, monsieur le sénateur, la politique que nous menons.

N’oublions pas non plus que de nombreux pays dans le monde obtiennent de meilleurs résultats que le nôtre, alors qu’ils consacrent moins de crédits à leur système d’éducation.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

M. Luc Chatel, ministre. Nous devons tenir compte de cette réalité pour mener une politique éducative qualitative, « sur mesure », adaptée à la situation de chaque élève.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, 485 : c’est le nombre de jours de détention de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, enlevés en Afghanistan avec leurs trois accompagnateurs, alors qu’ils réalisaient un reportage pour notre télévision de service public.

Comme de nombreux journalistes dans le monde, là où il y a des guerres, là où il y a des révolutions, là où la presse est bâillonnée et où l’on risque sa vie en exerçant tout simplement ce métier, ils ont voulu nous informer.

Je veux dire avec force, au nom de tout le groupe socialiste et apparentés, qu’ils remplissaient une mission d’intérêt général : nous informer d’une guerre dans laquelle nos forces armées, que je salue, sont engagées, d’une guerre qui entraîne des pertes humaines régulières, sans que l’on sache d’ailleurs pourquoi nos troupes se trouvent encore dans ce pays, et pour combien de temps ; mais c’est une autre histoire...

Ma question a tout d’abord pour objet de parler d’eux, ici, au Parlement, avec la force indispensable que les politiques de notre pays doivent manifester, au diapason des innombrables initiatives locales et citoyennes, comme ces 10 000 dessins d’enfants dont certains sont exposés depuis ce matin. Parce que le pire pour Stéphane et Hervé, comme pour les autres otages français retenus par Al-Qaïda au Maghreb islamique au Niger, serait l’oubli ou l’habitude que nous prendrions de leur absence.

Que pouvez-vous nous dire de leurs conditions de détention, des chances que nous avons de les voir libres le plus vite possible, des conditions posées par leurs geôliers pour leur libération, de ce qui est fait et sera fait par le Gouvernement pour que leurs vies ne soient pas mises en danger et qu’ils soient libérés ? Je vous pose les mêmes questions, bien sûr, pour tous nos otages retenus à l’étranger.

Si je parle plus particulièrement de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, c’est parce que nous constatons, alors que se développent les gigantesques nouveaux moyens de communication citoyenne dont se saisissent les peuples et les jeunes pour demander la démocratie, partout dans le monde, combien la liberté de la presse est menacée, combien la violence d’État s’exerce contre les journalistes : en Russie, en Chine, hier en Égypte, bien sûr en Libye, et aujourd’hui en Syrie, pays qui leur interdit d’exercer leur métier et dans lequel, entre autres, le journaliste algérien Khaled Sid Mohand, qui travaille pour France Culture, est en état d’arrestation depuis le 9 avril dernier.

Que pouvez-vous nous dire sur les actions entreprises par le Gouvernement, au sein des instances internationales, au travers de ses relations avec les États concernés, pour que cette liberté fondamentale, consubstantielle de la démocratie, celle d’informer, soit respectée et pour que la vie de celles et ceux qui exercent ce noble métier de journaliste soit protégée ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Je remercie M. David Assouline de m’avoir posé cette question, car elle nous donne l’occasion d’avoir en cet instant une pensée très forte pour nos deux compatriotes retenus en otage en Afghanistan depuis presque 500 jours, une durée énorme qui doit être, moralement et physiquement, à la limite du supportable. Leur courage mérite d’être salué et de recevoir l’hommage unanime de la représentation nationale.

Vous me permettrez de rendre également hommage au courage de nos compatriotes détenus dans d’autres parties du monde, dont vous avez également parlé, monsieur le sénateur. Nous pensons aussi à eux.

Le gouvernement actuel est mobilisé à chaque seconde sur ce dossier, comme l’ont été les gouvernements précédents pour de semblables affaires, et c’est tout à l’honneur de notre République. Les ministres des affaires étrangères et de la défense, le Premier ministre, le Président de la République font tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir la libération prochaine de tous nos otages, dans des conditions acceptables par les uns et par les autres. C’est un travail de tous les instants !

Vous nous demandez des informations, monsieur le sénateur.

Nombre de ceux qui siègent dans cet hémicycle ont exercé des responsabilités gouvernementales et savent combien il est difficile de fournir des informations sur ce type de situation, d’abord parce que nous ne les avons pas toutes, mais aussi parce que celles dont nous disposons ne sont pas nécessairement fiables.

De plus, en la matière, le dilemme entre transparence et discrétion n’est jamais définitivement tranché.

Je veux vous dire que nous communiquons aux familles des otages, jour après jour, toutes les bribes d’information que nous pouvons récolter ici ou là. Je vous demande de nous faire confiance, car nous partageons avec vous la volonté très forte de ramener à la maison nos compatriotes qui en ont été injustement éloignés.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, de saluer aussi le travail des journalistes en cette période difficile.

Sachez que la France n’est pas inactive au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, où nous avons pris des initiatives en la matière dès 2006, et, plus récemment, en votant la résolution 1973 relative à la situation en Lybie.

Comme vous, nous considérons que la liberté de la presse est l’un des éléments fondateurs de la démocratie et qu’aucun pays ne saurait s’en exonérer. Nous partageons avec vous tous ce bel idéal.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Après une année 2009 difficile pour l’emploi en France, 2010 n’a pas été épargnée par les effets de la crise. Nous avons subi, l’an dernier, une augmentation de 5, 3 % du nombre d’inscrits sur les listes de Pôle emploi.

Certes, d’autres pays, notamment parmi nos voisins européens, connaissent encore plus de difficultés. Le taux de chômage en Espagne est ainsi de 20, 2 % et celui de l’Irlande de 14, 9 %. Comme vous l’avez dit précédemment, monsieur le ministre, la politique sociale française, unique au monde – revenu de solidarité active, politique familiale, régime d’indemnisation chômage... –, a permis, mieux qu’ailleurs, de protéger les demandeurs d’emploi.

Toutes les mesures prises en faveur de l’emploi commencent à porter leurs fruits. Ainsi le nombre de chômeurs a-t-il diminué de 0, 8 % au mois de mars, ce qui représente une nouvelle baisse significative.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

S’il semble bien que nous nous dirigions vers la sortie de crise, nous ne saurions relâcher les efforts accomplis en faveur d’une véritable politique pour l’emploi. Nous constatons en effet tous les jours, sur le terrain, que les Français éprouvent encore de l’inquiétude face à cette fébrile reprise.

Une récente étude de l’INSEE indique que la France gagnera, d’ici à 2025, 110 000 actifs par an. C’est un signe très positif pour la santé de notre pays ; mais les créations d’emplois doivent suivre.

Vous aviez fait savoir en janvier, monsieur le ministre, que vous mobiliseriez tous les acteurs de l’emploi, notamment sur le plan régional, afin que « 2011 soit une année de baisse sensible du chômage ». Aussi, je me réjouis du travail accompli et de l’évolution positive apparue depuis trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

M. Alain Fouché. Je souhaite connaître vos engagements et les mesures que vous comptez prendre pour maintenir une action forte en faveur de l’emploi, et plus particulièrement de celui des jeunes et des plus de 55 ans. Car la création d’emplois, monsieur le ministre, reste notre priorité !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, il n’est pas question un seul instant de relâcher nos efforts, au moment même où nous prenons connaissance d’une double bonne nouvelle.

Première bonne nouvelle : le chômage a reculé au mois de mars. Le nombre de demandeurs d’emploi a en effet baissé de 21 100.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est la baisse la plus importante depuis février 2008, c’est-à-dire avant la crise.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Deuxième bonne nouvelle : depuis le premier trimestre 2008, donc également avant la crise, c’est la première fois que le chômage enregistre une baisse pendant trois mois consécutifs.

Nous savons pertinemment que la sortie de crise ne sera effective pour nos concitoyens que lorsque le chômage aura reculé durablement. Voilà la réalité !

Il nous faut aussi noter, parmi ces bonnes nouvelles, que le chômage des jeunes ne cesse de reculer : il a baissé de près de 7 % sur une année. Certes, ce n’est pas assez !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Et les chômeurs de longue durée ? Et les seniors ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l’accompagnement des demandeurs d’emploi de longue durée et de plus de 50 ans commencent seulement à porter leurs fruits.

C’est faux !sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

À cet égard, je demande à tous ceux qui exercent des responsabilités départementales de répondre à l’appel du Gouvernement en leur proposant davantage de contrats aidés.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Un contrat aidé offert à un chômeur de longue durée qui perçoit le RSA coûte moins cher au département : 400 euros au lieu de 467 euros. Et, à la fin du mois, c’est une personne qui reçoit une fiche de paie plutôt qu’une allocation sans activité professionnelle.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Voilà ce que nous proposons aujourd'hui.

Ensemble, nous pouvons faire encore plus ! Sur tous ces sujets, nous continuerons à proposer de nouvelles mesures en faveur de la formation en alternance, de l’apprentissage et des contrats de professionnalisation. Je prendrai, avec Nadine Morano, de nouvelles initiatives, qui seront également soumises au Parlement.

Enfin, il nous faut adopter, en matière d’emploi, une approche qui soit au plus près du terrain et, pour cela, définir une nouvelle feuille de route pour Pôle emploi.

Prenons l’exemple de la restauration. J’ai signé tout à l’heure, avec Frédéric Lefebvre, l’avenant relatif aux métiers de la restauration. Je rappelle que le premier objectif de la baisse de la TVA dans la restauration était de créer des emplois. Ce secteur s’est engagé à recruter, demain, 20 000 personnes de plus chaque année.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous devons trouver les demandeurs d’emploi susceptibles d’occuper ces postes. Or cet objectif, nous ne pourrons pas l’atteindre à coup sûr en travaillant au niveau national ou régional : pour être réellement efficaces, nous devons agir au niveau local, et je revendique clairement cette option.

Nous avons l’ambition de faire reculer le chômage en adoptant une approche pragmatique.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est ainsi que nous redonnerons à nos concitoyens un emploi, de l’espoir et de la confiance.

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je souhaitais attirer l’attention du ministre de la justice sur le désarroi et la colère qui règnent dans le monde de la justice, comme d’ailleurs au sein de la police, ces deux maillons indispensables d’une même chaîne.

Depuis plusieurs mois, avocats et magistrats s’inquiètent du dépouillement progressif de la justice. Je rappelle, notamment, l’ampleur du rassemblement du 29 mars dernier et l’unité affichée à cette occasion par les personnels de justice. Cette colère s’est amplifiée avec le vote de la loi relative à la garde à vue, en raison des difficultés liées à son entrée en application.

Cette loi n’est qu’une illustration de ce malaise du monde judiciaire. Le Gouvernement se voit contraint de faire appliquer dans la précipitation une loi qui aurait dû être fondamentale !

Depuis plusieurs années, la Cour européenne des droits de l’homme alerte la France sur la nécessité d’une réforme de la garde à vue. Mais il aura fallu attendre l’intervention du Conseil constitutionnel, en juillet 2011, pour que vous vous penchiez enfin sur cette réforme !

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, au travers des arrêts du 15 avril 2011, a décidé de l’application immédiate de cette loi. Le ministre a pris une circulaire, soit, mais celle-ci reste très évasive quant à l’application concrète de cette réforme.

Policiers, avocats et magistrats sont unanimes : cette loi a été votée sans que les moyens nécessaires à sa bonne mise en œuvre aient été prévus !

Les acteurs du monde judiciaire n’avaient déjà plus les moyens d’exercer leurs missions dans des conditions acceptables. Or l’entrée en vigueur, non préparée, de cette loi n’a rien arrangé. Le caractère dérisoire des ressources qui sont allouées à la justice est à la hauteur du peu de cas que la majorité en fait !

M. le garde des sceaux a déclaré récemment que la justice disposait désormais de ressources, y compris humaines, suffisantes pour son fonctionnement. Or cela est faux, vous le savez, et je regrette qu’il ne soit pas présent pour me répondre.

Vous ne savez comment faire, aujourd’hui, pour mettre en œuvre cette réforme de la garde à vue qui vous est imposée et que vous n’avez pas su anticiper. Pourtant, cela fait près de dix ans que vous auriez dû la prévoir...

Les locaux des services de police et de gendarmerie doivent être modernisés. Cette réforme s’impose, mais elle ne pourra entrer dans les faits sans que des fonds soient débloqués.

Vous devez également doter de plus de moyens les recours à l’aide juridictionnelle pour les gardés à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Près de 100 millions d’euros semblent nécessaires. Les avocats qui assisteront des gardés à vue au titre de l’aide juridictionnelle sont rémunérés en moyenne 4, 68 euros de l’heure ! C’est réellement irrespectueux de leur travail !

Il convient donc que vous preniez les mesures nécessaires dès aujourd’hui pour que les droits des personnes gardées à vue soient respectés et qu’avocats, magistrats et policiers puissent travailler dans des conditions décentes.

Je souhaiterais donc savoir comment le Gouvernement envisage de prendre en compte toutes les revendications des policiers, des avocats et des magistrats. Comment allez-vous enfin donner à la justice les moyens de fonctionner correctement et de mettre en œuvre de façon effective la réforme de la garde à vue ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de définir en quelques mots le cadre général de l’effort entrepris sous l’impulsion du Gouvernement s’agissant des politiques publiques en matière de justice.

Le budget de la justice est l’un des deux budgets auxquels ont été épargnés les efforts de réduction des déficits.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

C’est, avec celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, le seul à connaître une augmentation : il a été relevé de 4 % cette année.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Permettez-moi simplement, madame la sénatrice, pour nourrir votre réflexion et vous permettre d’adopter une vision peut-être un peu plus objective de la réalité du monde judiciaire, de citer quelques chiffres : entre 2002 et 2009, les effectifs pénitentiaires ont augmenté de 33 % ; sur la même période, le nombre de conseillers d’orientation et de conseillers de probation a augmenté de 55 % ; enfin, à l’horizon de 2018, conformément à la volonté du Président de la République, 70 000 places seront ouvertes dans les prisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous ne parlez que des prisons ! Nous parlons des magistrats, des greffiers, des personnels ! Il n’y a pas que la pénitentiaire !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le garde des sceaux, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence – il est actuellement en déplacement en province – précisera les modalités de ce plan, qui seront formalisées avant l’été.

Une dynamique complémentaire sera donc donnée pour répondre aux sollicitations de la société à l’égard de l’autorité judiciaire, dont les peines prononcées doivent bien entendu être effectivement subies.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

J’en viens maintenant, madame la sénatrice, plus précisément à la partie de votre question qui portait sur l’application de la réforme de la garde à vue.

Tout d’abord, pourquoi une telle réforme ? Vous l’avez rappelé vous-même : le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a rendu sa décision et demandé l’applicabilité immédiate du dispositif, c’est-à-dire la présence de l’avocat en garde à vue dès la première heure. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation, qui a appuyé sa propre jurisprudence sur celle, constante, de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle a justifié cette règle au titre du respect des libertés publiques.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d’appliquer instantanément la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Le ministre de l’intérieur a rendu immédiatement opérationnel ce dispositif, et je salue sa diligence et la célérité avec laquelle il a pris les dispositions pour les officiers de police judiciaire.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? À l’issue des discussions avec les barreaux et les avocats, nous avons décidé que la rémunération pour une présence en garde à vue serait de 300 euros hors taxes, ce qui est, pour les avocats assistant les gardés à vue ou pour les avocats commis d’office, supérieur au niveau moyen observé dans les pays de l’Union européenne. Je vous renvoie précisément aux niveaux de rémunération fixés en Espagne, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

La proposition du Gouvernement permettra donc, en termes de rémunération, de délai d’intervention et de temps de présence des avocats, de répondre à l’exigence de respect des libertés publiques dans notre pays.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Tout comme en métropole, l’insécurité progresse en Nouvelle-Calédonie. En effet, d’année en année, les chiffres de la délinquance ne cessent d’augmenter – la hausse était de 4, 45 % en 2010 – alors que les effectifs et les moyens des forces de sécurité rapportés à la population sont supérieurs à ceux de la métropole.

En zone police, la ville de Nouméa concentre plus de 550 policiers, dont 150 municipaux, sans compter les 60 auxiliaires de proximité récemment créés et financés par la province Sud.

Monsieur le ministre, ce constat m’amène à vous demander un audit et une rénovation en profondeur des services concourant à la sécurité publique en Nouvelle-Calédonie, car il semble y avoir un problème.

Apparemment, la police nationale ne manque ni de moyens humains ni de moyens matériels. Cependant, des dysfonctionnements dans l’utilisation de ceux-ci et dans leur répartition ont été dénoncés avec force ces derniers temps.

Ainsi, j’ai pu le constater moi-même, la brigade anti-criminalité de Nouméa patrouille parfois à pieds, faute de véhicules de service disponibles en raison de… la généralisation de l’usage privé de ces derniers.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

La population dans son ensemble a par conséquent le sentiment que l’État n’exerce pas pleinement sa mission de sécurité publique faute de rationalisation de ses moyens.

Aussi, monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir nous donner l’assurance que l’État adaptera ses moyens pour lutter contre l’insécurité grandissante en Nouvelle-Calédonie en général, et à Nouméa en particulier.

Par ailleurs, alors que les chiffres de la délinquance en Nouvelle-Calédonie atteignent des sommets, il apparaît curieusement que la lutte contre la délinquance se fait moins pressante en Nouvelle-Calédonie qu’en France métropolitaine.

Ne faudrait-il pas redéployer les effectifs et instituer une véritable unité de police anti-délinquance à Nouméa ? J’aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que vous avez à proposer en la matière.

En effet, un redéploiement des effectifs et la création d’une véritable unité de maintien de l’ordre par la remise en cause de la compagnie d’intervention sont souhaités. L’objectif serait de donner à cette unité une véritable mission de sécurisation des biens et des personnes. Actuellement, 45 % seulement des appels au 17 sont satisfaits faute de moyens réellement disponibles. Les moyens sont certes présents, mais il faut les optimiser, et la marge de progression semble être importante.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire concrètement pour enfin redonner à la Nouvelle-Calédonie la douceur de vivre qu’elle semble avoir perdue ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le sénateur, je commencerai par apporter quelques compléments aux indications chiffrées que vous citiez à l’instant.

Permettez-moi tout d’abord de souligner que l’insécurité en métropole n’augmente pas ; au contraire, elle est en recul : elle a diminué de 2 % l’an dernier et de 10 % depuis 2002.

Exclamations étonnées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, il est vrai que, en 2010, la délinquance a augmenté dans les proportions que vous avez indiquées. Je voudrais simplement rappeler que, l’année précédente, elle avait baissé de près de 3 % – 2, 94 % exactement – et de 5 % à Nouméa.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J’ajoute que l’augmentation de 2010 est justifiée notamment par ce que, dans le jargon policier, on appelle les IRAS, ou infractions révélées par l’action des services, c'est-à-dire des infractions ne donnant pas lieu à plainte mais que l’activité policière met en évidence.

Celant étant, monsieur le sénateur, je suis d’accord avec vous : il est toujours possible de mieux faire et, comme vous, je ne me satisfais pas de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie. J’approuve en outre tout à fait la façon constructive et opérationnelle dont vous abordez le problème.

Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a chargé le directeur de la sécurité publique d’une mission de réorganisation des services, qui doit lui être présentée le 20 mai prochain. Cette nouvelle organisation aura pour but, en particulier, d’adapter tout le dispositif policier à la réalité concrète de la délinquance selon les horaires et les quartiers.

J’ajoute que, au-delà de cette mission locale, j’ai demandé au directeur général de la police nationale de faire en sorte qu’une mission de la direction centrale de la sécurité publique se rende sur place dès que le directeur de la Nouvelle-Calédonie aura fait son travail, pour procéder à un audit et examiner l’éventualité de la création d’une unité spécialisée dans le maintien de l’ordre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

En tout cas, je tiens à vous assurer que, pour le Gouvernement, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. … il est très important que les Calédoniens soient en sécurité, au même titre que l’ensemble de leurs compatriotes.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La sauvegarde de notre patrimoine forestier est une priorité environnementale pour laquelle M. le Président de la République a rappelé aujourd’hui même son engagement personnel.

Or, depuis plusieurs années, nous assistons à l’intensification des coupes massives dans les forêts du Val-d’Oise, c’est-à-dire les forêts de Montmorency, Carnelle et L’Isle-Adam, malgré la mobilisation de nombreux élus, des associations et des promeneurs.

Pour la seule forêt de Montmorency, nous sommes passés entre 2005 et 2009 de 10 000 mètres cubes d’arbres abattus par an à 21 000 mètres cubes, soit une augmentation de plus de 100 %, et la tendance n’a fait que s’aggraver depuis.

Cela signifie que cette forêt sera percée de trouées irréversibles durant plus de cinquante ans.

Ces destructions sont tellement impressionnantes que nous enregistrons des protestations croissantes de la part des habitants, qui croient que ces coupes sont motivées par la construction d’autoroutes…

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… ou d’équipements de gros calibre, ce qui n’est évidemment pas le cas.

Face à nos protestations, l’Office national des forêts, qui n’a même pas été capable de procéder au ramassage des arbres abattus lors de la grande tempête de 1999, fait la sourde oreille.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Il est primordial de défendre notre patrimoine forestier périurbain, de défendre les paysages sylvestres du Val-d’Oise et de la périphérie de l’Île-de-France, qui constituent l’un des « poumons verts » de notre région. Il y va également de la sauvegarde de la biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce type de questions, c’est le mardi matin, normalement !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Monsieur le ministre, comment comptez-vous agir pour faire cesser les coupes de bois intensives ? Est-il possible de classer rapidement ces forêts en forêts de protection ? Peut-on même envisager un moratoire sur les coupes programmées ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du logement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bruno Le Maire qui, comme vous le savez, est en déplacement en Corrèze avec le Président de la République, précisément pour parler de la forêt.

Vous lui demandez d’envisager le classement du massif forestier de Montmorency en forêt de protection et un moratoire sur les coupes programmées.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Ce massif du Val-d’Oise, d’une superficie de 4 700 hectares, assure trois fonctions importantes pour la population : une fonction sociale – accueil du public et espace de loisirs –, une fonction de protection de la biodiversité et de la ressource en eau et une fonction économique à travers la production de bois.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous êtes un grand spécialiste de tout cela !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

La politique forestière dans les forêts périurbaines repose sur la nécessité de trouver un équilibre entre deux réalités : d’un côté, l’expansion urbaine et, de l’autre, la protection des espaces boisés périurbains.

La région d’Île-de-France est évidemment particulièrement concernée, avec 21 000 hectares de forêts susceptibles de faire l’objet d’un tel classement.

Concernant le classement du massif de Montmorency en forêt de protection, un dialogue est en cours entre les services de la préfecture et ceux du ministère. L’engagement de cette procédure est simplement soumis à une condition préalable : sa compatibilité avec la présence d’un important gisement de gypse, exploité en souterrain et d’intérêt national.

Enfin, concernant la question des coupes de bois effectuées dans ce massif par l’Office national des forêts, en charge de la gestion des forêts domaniales, elles sont conformes au schéma d’aménagement 2004-2023. Le retard pris dans le renouvellement des peuplements au cours du précédent aménagement a, il est vrai, entraîné un vieillissement prématuré de cette forêt, qui rend nécessaire un effort de régénération.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’accueil du public a, dans ce cadre, été pris en compte par la réalisation de coupes limitant les impacts visuels et préservant des îlots paysagers.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports de mise en application de :

- la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence ;

- la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ;

- la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Les deux premiers ont été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le troisième à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe RDSE, de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d’information des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE (proposition de loi n° 355, rapport n° 436).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. »

Voilà, madame la présidente, mes chers collègues, tout le fondement de notre pouvoir. Voilà toute la légitimité du pouvoir constitutionnel qu’est le Parlement.

L’exercice de la souveraineté part du peuple et, toujours, il doit y revenir ; mieux, il ne doit jamais s’en éloigner.

Le peuple est divers, le Parlement est divers, chacun des groupes politiques qui le composent l’est également, et le RDSE en est le meilleur exemple.

Mes chers collègues, c’est de par notre diversité que nous sommes vraiment les représentants de la nation souveraine. C’est de notre diversité que nos assemblées tirent leur essence d’assemblées démocratiques. Notre fonctionnement doit être fidèle à cette diversité. Il n’y a pas de Parlement démocratique qui ne la respecte.

Il s’ensuit que le Parlement ne saurait être le siège d’aucun monopole. La majorité exerce, si l’on veut, une forme de monopole, mais c’est un monopole ponctuel, fugace, qui se limite au moment très bref du vote. Or le Parlement n’est pas que le lieu des votes : c’est aussi et peut-être surtout le lieu des débats et des délibérations.

Dans les délibérations, tout doit être pluriel, tout doit être partagé. Le partage, c’est l’échange ; mieux encore, c’est le don. Les assemblées parlementaires, souvent décrites et parfois vécues comme des lieux d’antagonisme, sont avant tout des lieux de don. C’est à cette condition que la nation peut percevoir que le Parlement est à son image, l’image d’une société politique où la différence des points de vue et des préférences coexistent dans la communauté d’une association politique dans laquelle importe avant tout l’accord sur la nécessité de délibérations communes.

Toutefois, ce don ne peut être n’importe quel don. À l’évidence, il rayonne au-delà de nos hémicycles en direction de la nation. Le destinataire ultime, c’est elle. Or on ne fait pas n’importe quel don à la nation. Tout mandat électif implique l’engagement de lui faire le don de son attention, mais cela ne suffit pas. L’attention qu’il nous faut porter à la nation doit être une attention appliquée, sérieuse, informée. Le Conseil constitutionnel l’a, d’une certaine manière, reconnu en dégageant le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires.

De fait, l’engagement politique réclame cette vertu qui, à tout le moins, implique une forme de déontologie : s’engager à prendre soin de la nation, et mm à en prendre un soin rigoureux. C’est notre responsabilité collective et c’est la responsabilité de chacun d’entre nous.

Mais n’est responsable que celui qui est en état d’assumer ses devoirs. Pour remplir nos obligations, qui sont au cœur de notre mandat démocratique, nous avons besoin de moyens et, ces moyens, nous y avons droit !

Il n’y a point ici de distinction à faire entre un parlementaire et un autre. Face à notre responsabilité démocratique, nous sommes tous égaux. Partant, nous sommes tous égaux devant les droits qui sont nécessaires à l’accomplissement de notre devoir.

Chacun le sait ici, l’histoire parlementaire est traversée par la préoccupation de donner aux représentants du peuple la garantie des droits indispensables à leur mandat et par les luttes entreprises en ce sens. Toute l’histoire des parlements démocratiques est l’histoire d’un élargissement de leurs moyens et, même si nous respectons tous ici les équilibres du régime politique que dessine la Constitution, nous devons admettre que cette histoire n’est pas finie.

C’est dans cette histoire que, modestement, s’inscrit la proposition de loi que j’ai déposée avec l’ensemble des membres de mon groupe et dont tout l’objet est d’augmenter les moyens des parlementaires en vue de leur permettre d’exercer plus pleinement leur responsabilité élective, qui est leur responsabilité démocratique, ni plus, ni moins !

Mes chers collègues, notre pays souffre de sa politique, et nous ne sommes pas les derniers à éprouver cette souffrance. Il semble en effet qu’un nombre toujours plus important de nos concitoyens ait le sentiment diffus que les réponses du politique ne sont pas celles qu’ils en attendent. L’abstention progresse ; nous nous en lamentons. La confiance dans les institutions régresse ; nous le déplorons. L’influence des partis non républicains augmente ; nous nous en inquiétons et nous déclarons vouloir nous mobiliser pour endiguer ce que nous percevons à juste titre comme une montée des périls.

Les sentiments contre-démocratiques qui agitent certains de nos concitoyens ne sont pas seulement des sentiments de déception devant les résultats d’une politique donnée. Il y a plus grave : la percée d’un sentiment de défiance, particulièrement vis-à-vis des institutions.

Cette défiance ne s’ancre pas dans la considération d’un manquement à une obligation de résultat. Bien pis, elle met en cause notre capacité à satisfaire à nos obligations d’employer tous nos moyens au service du pays.

Plus que jamais, nous devons obvier à ce sentiment. Plus que jamais, nous devons nous préoccuper non seulement de mettre en œuvre les moyens dont nous disposons mais également, si c’est nécessaire et lorsque ça l’est, les réunir.

Or cette nécessité se fait toujours et encore plus sentir à mesure que les affaires du monde se complexifient et que les défis dont la société attend de nous que nous les prenions à bras-le-corps se diversifient.

Sans doute, presque par réflexe d’ailleurs, ne sommes-nous pas restés inertes face à la possible perte d’efficacité de notre mission que nous percevons. Dans certaines proportions, nous avons su voir le grave péril que représente cette perspective et, tous, nous ressentons la nécessité de le prévenir.

Des réformes, dont je ne citerai que les plus réussies, ont ainsi été adoptées.

Ce fut d’abord l’initiative, sur le moment passée un peu inaperçue, mais désormais considérée comme un exemple, qui a conduit à la réforme de l’ordonnance organique sur les lois de finances : c’est maintenant la fameuse LOLF.

Cette réforme était – faut-il le rappeler ? – d’origine parlementaire puisque issue d’une proposition de loi organique de Didier Migaud, relayé au Sénat par notre ancien collègue Alain Lambert, dont je veux saluer le rôle, notamment parce qu’il a alors témoigné d’un esprit transcendant les attaches partisanes pour promouvoir ce qui lui paraissait être l’intérêt du Parlement et finalement celui de la Nation.

Permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’associer à cet hommage celui qui est encore le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, sans le soutien duquel cette réforme n’aurait pas été possible.

Je crois pouvoir citer également la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale, dont la discussion a donné au président de la commission des affaires sociales et à notre collègue Philippe Vasselle de défendre les missions du Parlement. Il faut en effet savoir que le rôle joué alors par le Sénat n’a pas été seulement d’améliorer le texte de l’Assemblée nationale : il est allé très au-delà puisque notre assemblée a ajouté au texte transmis la totalité des articles relatifs à l’information et au contrôle du Parlement.

Malheureusement, un certain nombre d’évolutions récentes laissent plus sceptiques.

Je reconnais que les tentations de supprimer certaines délégations parlementaires dans lesquelles nos assemblées ont trouvé des vecteurs utiles à la réflexion du Parlement ont été écartées, et je m’en réjouis. Je m’interroge toutefois sur les moyens d’action de ces délégations. Je m’inquiète des réticences manifestées par le Sénat devant l’initiative prise par l’Assemblée nationale de créer un comité ad hoc d’évaluation des politiques publiques, réticences qui ne font que prolonger les échecs finalement rencontrés par les offices parlementaires d’évaluation des politiques publiques et de la législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Enfin, je déplore que la révision constitutionnelle de 2008 n’ait pas été l’occasion d’une véritable revalorisation du Parlement, pourtant si nécessaire. Il faudra sans doute y revenir, car on ne peut s’arrêter en chemin : il faut aller au bout de la logique.

Il y eut des avancées, me dira-t-on. Je ne le nie pas et ce n’est pas parce qu’elles furent trop limitées qu’on doit les négliger. Encore faut-il, pour ne pas céder à une telle tentation, que nous ayons réellement les moyens de faire en sorte que ces maigres avancées n’en restent pas au stade des virtualités !

C’est aussi l’objet de notre proposition de loi, texte d’appel pour vous dire à cette tribune, mes chers collègues, qu’il faut poursuivre la revalorisation des droits du Parlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

…et qu’il faut donner aux groupes parlementaires les moyens d’exercer les droits nouveaux qui leur sont désormais reconnus dans la Constitution.

En matière institutionnelle, il existe de petites mesures qui produisent de grands effets et de grandes proclamations qui n’en ont guère ! Et comme il n’y a pas grand-chose de pire que de voir de grandes proclamations n’engendrer que déception et méfiance, il faut louer les petites mesures qui permettent aux grands principes d’avoir la portée qu’on leur prête mais qu’ils n’ont pas sans elles.

La révision constitutionnelle de 2008 a été présentée comme devant permettre de revaloriser le rôle du Parlement et de donner une plus large place aux groupes politiques. Notre proposition de loi traite précisément des moyens de travail concrets des groupes parlementaires et plus largement, à travers ceux-ci, des moyens donnés aux parlementaires.

On a beaucoup insisté au moment de l’examen de la révision constitutionnelle sur l’innovation que constitueraient la reconnaissance du rôle des groupes politiques et celle des « groupes minoritaires ou d’opposition », catégories créées à cette occasion.

Personne ne contestera que les groupes politiques n’ont pas attendu 2008 pour exister et jouer le rôle que l’on sait dans la vie démocratique de la nation, au Parlement, bien sûr, mais également au-delà. Il me semble que cette réalité politique et quasi institutionnelle devrait dispenser de tout débat juridique préalable à l’attribution de droits à des entités aussi essentielles à notre vie politique et à notre vie démocratique que nos groupes parlementaires.

Mais voilà que, trouvant à redire à l’attribution par notre texte des droits qui leur ont été conférés aux groupes, notre commission des lois prétend que ceux-ci n’ont pas une substance juridique telle que ces droits soient à considérer !

Elle souhaite placer le débat sur le terrain juridique ou du moins saisir la politique par le droit quand c’est toujours l’approche contraire qui est toujours la plus pertinente et la plus vraie. J’y reviendrai lorsque j’interviendrai contre la motion déposée par le rapporteur, mais je dois quand même dire à ce stade combien je trouve surprenant que l’interprétation de nos usages parlementaires comme le sens donné à la dernière révision constitutionnelle ainsi qu’à la révision de notre propre règlement puissent conduire à considérer que les groupes sont quantité négligeable sur le plan juridique !

Finalement, le problème que s’attache à résoudre notre proposition de loi est simple. Devant la reconnaissance incontestable du rôle des groupes parlementaires, devions-nous rester inertes ? Nous ne le croyons pas, et c’est pourquoi nous avons déposé la présente proposition de loi, signe d’une Haute Assemblée active, en alerte et soucieuse d’améliorer toujours davantage les moyens d’action et de contrôle des groupes et des parlementaires.

Je regrette de devoir répondre à des arguments qui me paraissent relever d’un juridisme assez peu en rapport avec l’importance de ce qui est en cause cet après-midi, c’est-à-dire le travail parlementaire, et, au-delà, notre mission de représentants du peuple.

Je regrette d’autant plus de devoir répondre à de telles objections que celles-ci émanent d’une majorité qui nous a vanté les mérites d’une révision constitutionnelle dont elle ne semble pas vouloir appliquer toute la logique. Je dirai donc à cette majorité que, en plus de faire barrage à des mesures simples et de bon sens, non seulement conformes à la Constitution mais en outre que celle-ci implique, elle prend le risque d’altérer le sens d’un texte qu’elle nous a présenté comme essentiel à la rénovation du Parlement. Elle ne voit pas à quel point les dispositions que nous lui proposons d’adopter pourraient lui être utiles dans le futur.

Il est juste de dire que la nécessité de notre proposition de loi peut se faire plus ou moins sentir selon que l’on appartient à un groupe minoritaire et d’opposition ou à un groupe soutenant le Gouvernement, et ce indépendamment des majorités politiques. Qu’ils soient de gauche, de droite ou du centre, les groupes de la majorité obtiennent toujours quelques contreparties de leur soutien au Gouvernement : ils reçoivent l’appui de ce dernier et de l’administration, ce qui est bien compréhensible.

Dans ces conditions, je conçois que l’amélioration des moyens de travail des groupes parlementaires vous paraisse moins urgente, chers collègues de la majorité, qu’à vos collègues membres des groupes minoritaires ou de l’opposition. Mais nul n’est propriétaire de l’avenir et, indépendamment du fait que la volonté de conserver le monopole de l’information n’est compatible ni avec l’esprit de nos institutions ni avec le principe constitutionnel, si essentiel, d’égalité, vous pourriez regretter, à la faveur d’une alternance politique toujours envisageable, d’avoir négligé l’occasion qui vous est aujourd’hui offerte d’asseoir mieux le nécessaire pluralisme de la représentation nationale.

Au passage, j’en profite pour évoquer le mur de la séparation des pouvoirs, que vous dressez contre notre proposition de loi. En pratique, nul ne peut contester qu’il compte quelques brèches dans lesquelles s’engouffrent des collaborations, parfois fort étroites, entre certains groupes politiques parlementaires et le Gouvernement avec une prise directe sur l’administration. N’avons-nous pas eu sous les yeux encore très récemment un exemple de cette collaboration avec le groupe de travail réuni pour préparer la réforme de la fiscalité du patrimoine à Bercy, groupe exclusivement composé de parlementaires de la majorité ? L’administration était-elle absente de ces séances de travail ?

Quoi qu’il en soit – la révision constitutionnelle ainsi que la réforme de notre règlement constituent une sorte d’occasion mais aussi de justification juridique positive –, le moment n’est-il pas venu de confier aux groupes des moyens de travail proportionnés à leur rôle politique éminent, dans le respect des prérogatives positives qui leur sont reconnues ? Doit-on continuer à renoncer à donner tous les prolongements pratiques nécessaires, et seulement ceux-là – j’insiste sur ce point –, aux évolutions de notre droit parlementaire ?

Ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui répondent positivement à ces questions ne doivent pas voter la présente proposition de loi. En revanche, ceux qui pensent que les groupes ont besoin de moyens supplémentaires pour exercer leurs attributions pour jouer leur rôle doivent alors se rallier au texte simple qui vous est soumis. Et point n’est besoin de le détailler beaucoup.

Cette proposition de loi énonce d’abord un principe, une déclaration de droits, que vous jugez insuffisamment normative, monsieur le rapporteur. Mais n’est-ce pas le sort des déclarations de droits que de paraître telles et ne faut-il pas attendre parfois bien longtemps pour mesurer leur portée normative ? Au demeurant, l’argument est un peu difficile à accepter, puisqu’il soutient en réalité une position visant à refuser aux parlementaires les moyens opérationnels de leur mission.

La proposition de loi contient encore l’énoncé de droits permettant aux groupes de recueillir les informations nécessaires aux différentes contributions à l’exercice des missions du Parlement et de ses organes qui leur sont reconnues, notamment par la Constitution.

Enfin, il est accordé aux groupes politiques, sous l’autorité de leur président, la faculté de mettre en œuvre un certain nombre de droits de saisine d’autorités administratives indépendantes, possibilité déjà ouverte à différents organes parlementaires, et dont bénéficie explicitement parfois tout parlementaire.

L’ensemble des droits ouverts par notre proposition de loi, en particulier les droits d’information, doivent être considérés comme proportionnés au rôle des groupes.

En outre, ils sont respectueux des principes constitutionnels. À cet égard, la séparation des pouvoirs, qui met l’administration à la disposition du Gouvernement – ne dirait-on pas parfois qu’elle est également à la disposition du Président de la République ? – ne s’oppose nullement à ce que des responsables politiques ou administratifs, qu’il ne s’agit pas alors de mettre en cause, soient entendus.

Dans un échange de cette sorte, destiné à recueillir les informations nécessaires au travail parlementaire des groupes, il n’est nullement question de donner quelque instruction que ce soit à l’administration ni même de lui demander l’assistance d’experts dès lors qu’ils devraient être considérés comme placés sous la direction du Gouvernement. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous l’interdit, ce que, pour ma part, je déplore, étant donné le monopole des moyens d’expertise dont peut bénéficier dans certains domaines, dans ces conditions, le Gouvernement. Nous ne sommes donc pas à armes égales, reconnaissez-le !

Au demeurant, ces droits destinés à l’instruction du travail des parlementaires dans les groupes excèdent le champ strict des administrations. Il en va de même pour l’assistance dont nous prévoyons le bénéfice et qui peut être fournie par tout organe auquel la séparation des pouvoirs ne l’interdit pas.

Sur tous ces points, les intentions des auteurs de la présente proposition de loi sont claires et nous ne croyons pas que la séparation des pouvoirs empêche de nouer un dialogue avec l’administration, quand ce dialogue est nécessaire à l’exercice d’un rôle reconnu par la Constitution.

Face à ces propositions, la commission des lois s’émeut que les groupes politiques, qui ne sont pas des organes internes du Parlement, disposent de certains des droits qui sont déjà attribués à de tels organes. J’en conviens absolument, les groupes politiques ne sont pas des organes du Parlement. Nous ne pouvions les ériger à ce rang et nous ne le désirions pas.

Les droits ouverts aux groupes ne sont pas motivés par un quelconque exercice des missions du Parlement qu’ils ne sont nullement chargés de mettre en œuvre.

Mais est-il nécessaire d’être un organe interne du Parlement pour en être un acteur ? Faut-il être un organe interne du Parlement pour être doté de moyens ? La responsabilité de proposer des textes législatifs ou des débats, le devoir d’apporter une contribution utile aux travaux du Parlement, contribution dont le principe est désormais expressément admis et dont les modalités sont posées dans notre droit positif, sont-ils compatibles avec la privation de tout moyen d’information autre que les procédures de questions en vigueur, manifestement inappropriées, de par leur lourdeur notamment, aux responsabilités des groupes ?

Les organes internes du Parlement sont des acteurs institutionnels de celui-ci particulièrement éminents et sont dotés à ce titre non seulement de droits mais aussi de pouvoirs. Sont-ils les seuls acteurs de notre vie parlementaire ? Je ne le crois pas. Au demeurant, des Parlements très évidemment démocratiques savent ménager à côté des droits reconnus aux institutions parlementaires les droits non seulement individuels des parlementaires, mais aussi des groupes. Une telle reconnaissance ne figure-t-elle pas dans la Constitution helvétique, qui n’est pas un contre-modèle démocratique, me semble-t-il ?

Parmi les organes internes du Parlement, certains sont d’extraction constitutionnelle, d’autres ont trouvé naissance dans la loi ou dans de simples instructions du bureau, d’autres enfin ont dû leur existence et les droits nécessaires à leur travail pratique à de simples mesures d’organisation d’une commission. Leur origine diverse ne les empêche pas d’avoir été dotés de droits. Je pourrais par exemple citer l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ou la délégation à la prospective.

N’y aurait-il pas quelque paradoxe à refuser aux groupes politiques, que la pratique de nos institutions et désormais le texte suprême reconnaissent comme des acteurs essentiels de la vie parlementaire, de bénéficier des droits accordés à des instances désignées comme organes internes de nos assemblées par des textes de plus modeste rang ? Et je passe sur les pratiques de la vie courante qui voient ce dialogue se nouer naturellement avec les médias.

Finalement, je ne me rallie pas à l’affirmation, que vous faites vôtre, selon laquelle seuls les organes internes du Parlement seraient à même de disposer des droits indispensables à tout travail parlementaire, seraient-ils des plus élémentaires. Elle implique de vider de tout prolongement concret l’ambition de diversifier et de revitaliser la vie démocratique et le fonctionnement pluraliste du Parlement. Et je ne vois pas comment la Constitution pourrait conduire à souscrire à un tel principe, elle qui, à la suite d’une pratique constante de nos institutions, pose explicitement le principe de l’existence des groupes et de leur rôle.

Au fond, la seule question qui vaille est la suivante : les moyens de travail dont nous prévoyons de faire bénéficier les groupes sont-ils ou non accordés à leur place dans nos institutions ? Sont-ils proportionnés à cette place ?

Répondre par la négative, c’est en pratique empêcher les groupes d’exercer des droits désormais explicitement constitutionnels. Quelle grave responsabilité politique ! Et si, d’aventure, cet empêchement devait être assis sur des considérations constitutionnelles, il faudrait y voir la nécessité de réviser à nouveau la Constitution, dont certaines interprétations, je le concède, ne peuvent parfois que laisser quelque peu sceptique.

En réalité, la présente proposition de loi n’est destinée qu’à permettre aux parlementaires, à partir de leur position dans les groupes politiques, de disposer des moyens d’exercer leur mandat et aux groupes de bénéficier des moyens d’accomplir au mieux leurs nouvelles attributions.

Et pour tout à fait vous rassurer, mes chers collègues, je veux maintenant vous dire ce que notre proposition de loi n’est pas.

Elle n’a pas pour finalité de procéder à un réaménagement des pouvoirs constitutionnels ni à un réaménagement de l’organisation des assemblées.

Elle ne touche en rien l’architecture des pouvoirs publics constitutionnels. Si elle est adoptée, les groupes politiques ne seront pas plus qu’à ce jour des pouvoirs de cette nature. Coexistent deux pouvoirs constitutionnels, l’exécutif et le législatif, et l’autorité judiciaire. La chose est entendue. Les groupes politiques ne légifèrent pas ; ils ne contrôlent pas l’action du Gouvernement, au sens formel retenu par la Constitution. Ils ne le feront pas davantage s’ils sont dotés des droits que leur ouvre notre texte. En particulier, celui-ci n’est pas et ne doit pas être un moyen de harcèlement de l’administration. C’est simplement un moyen de recueillir les informations nécessaires à un travail parlementaire sérieux des groupes parlementaires. Si une confusion apparaissait sur ce point, nos travaux préparatoires suffiraient à la dissiper. Et, s’ils n’y suffisaient pas, nous pourrions améliorer le texte en prévoyant des dispositifs aptes à prévenir tout harcèlement.

La présente proposition de loi ne touche pas plus l’organisation interne de nos assemblées dans la mesure où celle-ci résulte de la Constitution, des lois organiques et même des règlements des assemblées. Par exemple, nous ne retranchons aucun pouvoir aux commissions et nous ne confions aux groupes aucun des pouvoirs dont seules les commissions parlementaires disposent.

Comme cela fut fait pour de nombreux organismes, dont la reconnaissance constitutionnelle n’est pourtant pas assurée, nous prévoyons seulement de doter les groupes des moyens de travail nécessaires à leur rôle parfaitement décrit dans le rapport de la commission des lois.

Ce rôle consiste à favoriser l’initiative législative des parlementaires, ainsi qu’à mettre en débat, tout en animant celui-ci, des propositions de résolution et à examiner les politiques publiques. Sur ce dernier point, pas plus demain qu’hier les groupes ne procéderont au contrôle ou à l’évaluation des politiques publiques. Simplement, ils seront mieux à même de contribuer à la mise en œuvre de ces fonctions par les organes constitués du Parlement, dont les travaux s’en trouveront – je l’imagine – améliorés, plus clairs, plus sincères, plus informés et plus diversifiés.

J’affirme que la présente proposition de loi est conforme à la Constitution. Plus encore, j’affirme que la Constitution l’appelle, l’exige. Que serait l’initiative législative d’un parlementaire qui ne s’appuierait point sur le témoignage intime des acteurs, des agents d’une politique publique ? Que seraient les droits ménagés aux groupes politiques s’ils n’étaient soutenus par les informations nécessaires à la qualité de notre œuvre parlementaire et que tout organe de presse peut aisément réunir ?

Si la révision constitutionnelle a un mérite, c’est celui de nous obliger à regarder en face la division du travail parlementaire. Il y a d’un côté les institutions parlementaires, de l’autre les parlementaires, considérés individuellement ou en raison de leur participation aux premières nommées ou à des groupes politiques, et enfin, il y a les groupes politiques. Ceux-ci, au cœur des pratiques parlementaires, ne peuvent plus être relégués à la périphérie des droits nécessaires à l’accomplissement de leur rôle au service d’une démocratie plus vivante et donc plus forte.

M. Jacques Mézard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Mon cher collègue, bien que je vous aie écouté avec intérêt, je n’ai pas toujours suivi votre raisonnement. Il y a des failles dans votre conception du droit constitutionnel.

Sur le fond, je le reconnais, la question que vous soulevez est réelle, mais la forme retenue pour y répondre ne me semble pas adéquate. Je ne suis pas sûr que la proposition de loi que vous nous soumettez soit le bon vecteur.

Votre volonté de renforcer les moyens de contrôle et d’information des groupes politiques est partagée par tous les membres de la Haute Assemblée. Mais si votre intention est pertinente, la solution que vous proposez est inadaptée, car contraire à la Constitution. Les textes encadrant le fonctionnement de la vie politique de notre pays devant être respectés, je défendrai tout à l’heure, au nom de la commission, une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

La commission estime que la présente proposition de loi procède à une forme de mélange des genres entre les groupes et les commissions, dont les attributions sont en réalité différentes. Les commissions ont un rôle à jouer dans la mission d’information et de contrôle du Parlement, dont elles préparent le travail et qui seul exprime des positions politiques globales. Je crois que ce « mélange des genres » vient heurter certains principes de notre Constitution.

Avant de développer les arguments d’ordre constitutionnel, je souhaite rappeler les grandes avancées – vous les avez évoquées tout à l’heure – qui ont été obtenues par les groupes politiques depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, et en particulier, au Sénat, depuis la réforme de notre règlement du 2 juin 2009.

Le groupe de travail sur cette réforme de notre règlement, dont nos collègues Jean-Jacques Hyest et Bernard Frimat ont été les deux rapporteurs, sous la présidence de Gérard Larcher, a effectué un travail remarquable – je regrette d’ailleurs de ne pas y avoir participé.

Chacun s’accorde à reconnaître que ce travail a été conduit dans un esprit consensuel et constructif, dans le respect du pluralisme sénatorial, qui est notre tradition partagée, que nous siégions sur les travées de la majorité ou sur celles de l’opposition.

Vous me permettrez donc de rappeler, mes chers collègues, à travers une petite énumération, les avancées dont les groupes politiques ont bénéficié en quelques années.

La révision de 2008 comporte deux dispositions majeures : d’une part, énoncées à l’article 51-1 de la Constitution, la reconnaissance constitutionnelle des groupes politiques et la possibilité pour les règlements des assemblées de leur attribuer des droits spécifiques, ce qui permet d’organiser clairement la manière dont travaillent les groupes politiques dans chaque assemblée ; d’autre part, en vertu du nouvel article 48 de la Constitution, la réservation d’une séance par mois à un ordre du jour fixé par les groupes d’opposition et minoritaires – c’est du reste dans ce cadre que vous avez pris la parole à l’instant, monsieur Collin.

Mentionnons qu’au Sénat le groupe UMP est entré dans le « tourniquet » de cette séance mensuelle réservée, sans pour autant que les autres groupes perdent ne serait-ce qu’une minute de temps de parole.

La réforme du règlement du Sénat en 2009 est allée beaucoup plus loin, plus moins même que celle du règlement de l’Assemblée nationale, que vous avez évoquée tout à l’heure.

Permettez-moi de citer quelques-uns des points de cette réforme qui me semblent importants :

Premier point, la désignation des membres du Bureau du Sénat, autres que le Président bien sûr, à la proportionnelle des groupes.

Deuxième point, l’instauration d’un droit de tirage annuel pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information selon un système plus libéral qu’à l’Assemblée nationale, où la demande peut être rejetée par un vote négatif des trois cinquièmes des membres de l’assemblée.

Troisième point, le partage entre la majorité et l’opposition des fonctions de président et de rapporteur d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information.

Quatrième point, la désignation dans les organismes extraparlementaires en tenant compte du principe de la représentation proportionnelle des groupes.

Cinquième point, la consultation des présidents de groupe politique pour la composition des commissions mixtes paritaires.

Sixième point, la faculté pour les groupes de faire annexer leur opinion aux rapports des commissions.

Septième point, la pondération des votes, au sein de la Conférence des présidents, en fonction non plus des représentants mais de l’importance numérique de chaque groupe.

Ce dernier point est fondamental dans la mesure où cette nouvelle pondération permet aux différentes composantes de notre assemblée de faire entendre leur voix dans le travail de la conférence des présidents – c’est ce que le président Larcher a appelé le « retour du politique ». Cela témoigne du souci de donner aux groupes politiques toute leur place au sein du Sénat. Ils peuvent ainsi peser sur la confection de l’ordre du jour, tant en matière d’initiative qu’en matière de contrôle, au-delà de la seule séance mensuelle réservée aux groupes d’opposition ou minoritaires.

À cet égard, la conférence des présidents préserve l’équilibre entre les demandes des groupes et celles des commissions : en 2009-2010, selon les informations qui m’ont été communiquées, deux tiers des sujets inscrits durant les semaines d’ordre du jour sénatorial hors séance mensuelle réservée ont été proposés par les groupes et un tiers par les commissions.

Enfin, huitième et dernier point – je peux en parler en ma qualité de questeur –, les crédits attribués aux groupes pour leur fonctionnement ont augmenté de 30 % depuis 2008, à budget constant en euros courants.

Au vu de ce bilan, je ne crois pas que l’on puisse affirmer que la situation des groupes n’a pas été sensiblement améliorée. C’est peut-être insuffisant, mais nous y reviendrons plus tard.

J’en viens à la proposition de loi de nos collègues du groupe RDSE.

En la lisant, je me suis demandé – permettez-moi de reposer à voix haute cette question que j’ai déjà évoquée avec le président Collin – pourquoi, dans le contexte actuel, vous aviez choisi le vecteur législatif.

La réponse est sans doute que cela permet d’organiser un débat dans notre hémicycle. Je crois d’ailleurs que c’est une bonne solution, la discussion faisant toujours avancer la réflexion sur un sujet donné.

Toutefois, il me paraît difficile d’aller beaucoup plus loin en conférant aux groupes politiques des prérogatives propres en matière d’information et de contrôle.

L’article 1er de votre proposition de loi, mes chers collègues, me paraît plus déclaratoire que réellement normatif : il affirme simplement que les groupes politiques contribuent à l’exercice des missions du Parlement. Très bien !

L’article 2 crée, quant à lui, un droit d’accès des groupes « à toutes les informations nécessaires ». Il prévoit également l’assistance des groupes par tout organisme de leur choix, sauf les autorités judiciaires, la communication dans les meilleurs délais de tous les documents dont la transmission au Parlement est prévue par des textes, et l’obligation pour toutes les personnes dont l’audition est jugée nécessaire par un groupe de s’y soumettre, ces personnes – je pense aux fonctionnaires – étant alors déliées du devoir de réserve, ce qui, logiquement, n’est pas le cas devant un groupe politique.

Enfin, l’article 3 étend aux groupes la faculté de saisir ou consulter une vingtaine d’organismes, tels que l’Autorité de la concurrence, le Conseil des prélèvements obligatoires, l’Autorité de sûreté nucléaire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, et ce au motif que ces organismes peuvent être saisis par la commission parlementaire compétente, par le président d’une assemblée ou par un parlementaire individuellement.

Ces dispositions me semblent reposer sur une erreur de conception du rôle des groupes par rapport à celui des commissions en matière d’information et de contrôle.

Or cette erreur pose un triple problème de constitutionnalité.

Il ne s’agit pas de monter les groupes contre les commissions et vice versa – cela n’aurait pas de sens –, mais de rappeler pourquoi les commissions disposent de certaines prérogatives que n’ont pas et que ne sauraient avoir les groupes, car cela ne correspond pas à leur fonction ni à leur mode de fonctionnement.

Premièrement, l’article 51-1 de la Constitution renvoie aux règlements des assemblées, et non à la loi, le soin de déterminer les droits des groupes politiques.

À cet égard, je remarque que l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ne prévoit aucun droit particulier pour les groupes. La proposition de loi de nos collègues du RDSE se trouve de ce seul fait contraire à la Constitution.

Deuxièmement, l’article 20 de la Constitution énonce que le Gouvernement « dispose de l’administration ». C’est une traduction claire du principe de la séparation des pouvoirs, qui signifie que le Parlement n’a pas autorité sur les fonctionnaires de l’exécutif.

En donnant aux groupes un droit d’accès à toutes les informations et une assistance par tout organisme, y compris ceux qui relèvent de l’autorité du Gouvernement, on viole manifestement la séparation des pouvoirs.

Seule la Cour des comptes, en vertu de la Constitution, peut assister le Parlement. Vous avez évoqué, monsieur Collin, les missions de la commission des finances dans les domaines concernés par les projets de loi de finances et les projets de lois de financement de la sécurité sociale. Mais il s’agit de l’application de textes de loi particuliers.

Au demeurant, chacun d’entre nous peut utiliser la faculté qui lui est reconnue, en tant que parlementaire, de poser des questions écrites ou orales au Gouvernement pour demander des informations. Cela fait partie des droits individuels des parlementaires, et non de ceux des groupes.

Concernant les rapports au Parlement, visés à l’article 2, chacun d’entre nous peut en prendre connaissance au bureau de la distribution s’il le souhaite : le Gouvernement les transmet à chaque assemblée, c’est-à-dire à tous les parlementaires ; ils ne sont pas réservés aux commissions.

Troisièmement – et j’en viens aux rôles respectifs des groupes et des commissions –, l’article 24 de la Constitution attribue au Parlement, et non aux groupes politiques, la mission de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques.

L’organisation institutionnelle qui en découle confie aux commissions permanentes, aux commissions d’enquête, aux missions d’information et aux délégations le soin de remplir cette mission, à côté du droit individuel des parlementaires de poser des questions au Gouvernement.

Selon une jurisprudence constante, et reprise encore dans sa décision du 25 juin 2009 sur la modification du règlement de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel reconnaît de façon stricte un « rôle d’information » des commissions et autres organes internes, afin de permettre à leur assemblée d’exercer sa mission de contrôle. C’est ce rôle d’information de l’assemblée qui justifie les prérogatives des commissions, par exemple en matière de convocation à des auditions.

Les commissions permanentes et temporaires comme les missions d’information sont composées de manière pluraliste, ce qui assure l’information et la participation de tous les groupes politiques. Les commissions d’enquête sont constituées sur un objet déterminé. Surtout, les travaux des commissions et des missions d’information sont rendus publics par la diffusion de leurs comptes rendus et de rapports d’information, qui assurent l’information de l’ensemble de l’assemblée.

A contrario, les travaux des groupes politiques, qui rassemblent des parlementaires par affinités politiques en vue d’organiser collectivement leur travail et leur expression dans l’assemblée, ne sont pas publics. Les groupes politiques ne rendent pas compte à leur assemblée de leurs travaux. C’est d’ailleurs très bien ainsi : personne n’imagine, en effet, que les groupes politiques puissent publier les comptes rendus de leurs réunions et rédiger des rapports d’information.

Il apparaît donc clairement que les commissions et les groupes politiques relèvent de deux systèmes divergents. De fait, si les groupes politiques disposaient de prérogatives propres en matière d’information et de contrôle, ils n’exerceraient pas un « rôle d’information »• au nom de leur assemblée mais pour eux-mêmes, et donc en contradiction avec l’article 24 de la Constitution.

Pour ces trois motifs d’inconstitutionnalité, je vous proposerai tout à l’heure, au nom de la commission, d’adopter une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à l’encontre de la proposition de loi.

Pour conclure sur une note positive – car cette proposition comporte de nombreux points positifs –, je dois dire que je comprends et partage les intentions et réflexions de notre collègue Yvon Collin : comment faire en sorte que les groupes politiques prennent toute leur part dans les travaux de contrôle du Sénat, mais aussi dans ses travaux législatifs ?

Si la proposition de loi constituait une bonne base de discussion, ce n’était pas la bonne manière de résoudre le problème. À mon sens, monsieur Collin, la bonne solution serait, à l’occasion d’un prochain bilan de la réforme de notre règlement, de réfléchir, avec le président du Sénat et la conférence des présidents, dont vous faîtes partie, aux dispositions qui pourraient répondre le mieux à la question que vous avez soulevée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, la proposition de loi de M. Collin et des membres du groupe RDSE qui est soumise à votre examen cet après-midi, vise à élargir les droits reconnus aux groupes politiques des deux assemblées et à renforcer leurs moyens d’action au-delà de ceux que la réforme des règlements des deux chambres intervenue en 2009 leur a reconnus, dans le cadre du nouvel article 51-1 de la Constitution – que vous n’avez d’ailleurs pas mentionné, monsieur Collin.

J’observe que votre groupe est bien prolifique : il a déposé une multitude de propositions de loi témoignant de beaucoup d’imagination. Je vous en félicite, et je reconnais bien les intentions qui ont présidé à l’élaboration de la présente proposition de loi. Toutefois, quelle que soit la sincérité de ces intentions, ….

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

… je ne peux y souscrire.

Je sais l’excellent travail que M. Garrec a réalisé en tant que rapporteur, et je ne peux que faire miens les arguments qu’il a développés ; je vais donc me contenter de les répéter. Je remercie également le président Hyest d’avoir conduit les débats de la commission avec l’autorité qu’on lui connaît, mais surtout l’efficacité que l’on a pu constater.

Les innovations proposées pour accroître les pouvoirs des groupes d’expression politique – telles que vous les présentez, en tout cas – sont, d’une part, inefficaces et, d’autre part, inconstitutionnelles, monsieur le président Collin. Elles ne répondent pas à la finalité ni n’assurent l’efficacité du travail parlementaire.

En outre, je pense qu’elles contribueraient à créer de la confusion entre les commissions permanentes et les groupes politiques au sein de nos deux assemblées, risquant ainsi de perturber gravement le fonctionnement de ces dernières.

Je n’ai certes que vingt-cinq années d’expérience au Parlement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez toujours progresser, monsieur le ministre !

Sourires

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Monsieur Sueur, je reconnais bien là votre humour !

… je crois toutefois pouvoir parler en connaissance de cause de ce qui s’y passe.

Monsieur Collin, je vous rappellerai que tout y est fondé sur la représentation proportionnelle des groupes politiques. Les groupes sont le fondement même des parlements : tous les autres organes parlementaires sont composés en fonction de l’importance numérique de chacun d’entre eux, qu’il s’agisse du bureau de l’assemblée, du bureau des commissions, des commissions d’enquête, des missions d’information, etc.

Les groupes politiques sont donc incontestablement la pierre angulaire de l’expression politique des sénatrices et sénateurs dans cet hémicycle, comme des députés à l’Assemblée nationale.

Cependant, dans le cadre institutionnel, ce sont les commissions permanentes qui sont à la base même du travail parlementaire, à travers les pouvoirs spécifiques dont elles sont dotées.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je ne vais pas revenir sur ce qu’a dit mieux que moi M. Garrec, mais je l’approuve totalement : le fait de vouloir transférer aux uns les pouvoirs des autres…

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

… créerait de la confusion et entraînerait une perturbation grave du fonctionnement de nos institutions.

Or je ne suis pas sûr que tel soit votre objectif, monsieur Collin ; à vrai dire, je suis même certain du contraire. Par conséquent, peut-être allez-vous réfléchir et, tout à l'heure, voter l’exception d’irrecevabilité que nous défendrons.

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Monsieur Collin, Dieu sait si j’ai du respect pour votre personne et pour le groupe que vous représentez !

Sourires

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Toutefois, cette proposition de loi n’est pas déposée au meilleur moment. Je le rappelle, la révision constitutionnelle de 2008, adoptée sur l’initiative du Président de la République et du Premier ministre, a profondément renforcé le rôle du Parlement, en offrant aux groupes politiques tous les pouvoirs supplémentaires que nous pouvions espérer leur donner, ce qui correspond justement à l’objectif que vous visez aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je l’ai dit ! Mais il faut aller plus loin.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

En particulier, l’initiative parlementaire occupe davantage de place dans l’ordre du jour des assemblées. C’est bien grâce à elle que, aujourd'hui, nous allons passer deux heures à discuter ensemble agréablement de ce texte.

Sourires

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Du reste, dans votre intervention, vous avez oublié de remercier la majorité d’avoir voté cette réforme qui vous donne aujourd'hui les moyens de vous exprimer, en tant que président de groupe.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

La fonction de contrôle et d’évaluation des politiques publiques a, elle aussi, été consacrée, à l’article 24 de la Constitution.

Tout en renforçant ainsi la place du Parlement, le constituant a énoncé des règles précises visant à établir un nouvel équilibre entre la majorité et les groupes d’opposition ou minoritaires.

Là encore, c’est bien des groupes qu’il s'agit ! Ceux-ci sont dorénavant parties prenantes à l’élaboration de l’ordre du jour des assemblées, aux termes de l’article 48 de la Constitution. Ils peuvent également être à l’origine d’une déclaration du Gouvernement, en vertu de l’article 50-1 de notre loi fondamentale. Pour le reste, l’article 51-1 de la Constitution confie aux règlements des assemblées la définition du rôle qui est imparti aux groupes dans le fonctionnement du Parlement. Quoi de plus démocratique que cette disposition, qui renvoie à un processus efficace et tout à fait transparent ?

Par la suite, entre 2009 et 2011, les assemblées ont poursuivi cette démarche. En particulier, elles ont tiré toutes les conséquences de la révision constitutionnelle dans leur règlement. Au début de cette année, la loi adoptée sur proposition du président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a permis de mettre en place un nouveau dispositif de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. M. le président de la commission des lois en sait quelque chose !

M. le président de la commission des lois acquiesce.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Or l’encre de ce dernier texte est à peine sèche que, déjà, les auteurs de la présente proposition de loi suggèrent qu’il faudrait revenir sur les règles nouvelles que les assemblées s’appliquent à mettre en œuvre – avec difficulté, certes, mais consciencieusement. De grâce, monsieur Collin, un peu de patience ! Chaque jour nous révèle les effets des réformes engagées depuis 2008. Permettez-moi donc de m’interroger sur le calendrier dans lequel intervient cette proposition de loi, dont les auteurs donnent le sentiment de rouvrir des débats très récemment tranchés dans chacune des assemblées.

J’en viens au contenu même de la proposition de loi. Je ne vois pas ce qu’apporte l’article 1er, monsieur Collin : les groupes politiques des assemblées participent d’ores et déjà à la vie démocratique de la nation en contribuant à l’exercice des différents pouvoirs attribués au Parlement, comme je l’ai expliqué à l’instant.

Surtout, je crois devoir le souligner, à la différence des droits déjà reconnus aux groupes dans les règlements des assemblées, les innovations que vous proposez auraient trait, pour la plupart d’entre elles, non pas à l’organisation interne des travaux des assemblées, mais à l’affirmation des groupes comme acteurs à part entière des relations entre les pouvoirs publics. Or cela change tout !

Tel est le cas de l’article 2 de la proposition de loi, en ce qu’il permettrait aux groupes de demander l’assistance de tout organisme pouvant les aider à contribuer à l’exercice des missions législative et de contrôle du Parlement, qu’il les investirait du pouvoir d’entendre toute personne et qu’il lèverait le secret professionnel dans le cadre de ces auditions. Or ces prérogatives appartiennent aux commissions permanentes.

Tel est également le cas de l’article 3 de la proposition de loi, en ce qu’il donnerait à chaque groupe un droit de saisine identique de diverses instances, notamment les autorités administratives indépendantes. Au passage, je rappelle que les présidents de groupes peuvent déjà inviter les personnes qu’ils souhaitent auditionner. Aucune règle institutionnelle ne leur a jamais interdit de le faire !

D'ailleurs, le signe tangible que ces innovations sont perçues comme étant d’une nature différente de celles qui sont intervenues en 2009 par la refonte des règlements des assemblées est que leurs auteurs ont déposé une proposition de loi plutôt qu’une proposition de résolution visant à réformer le règlement du Sénat. La démarche que vous avez choisie, monsieur Collin, indique clairement la nature de votre objectif.

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi se heurte à des objections juridiques déterminantes.

Tout d’abord, l’affirmation d’un droit des groupes à requérir l’aide de l’administration est contraire à ce qui paraît constituer un principe à valeur constitutionnelle, à savoir la neutralité de l’administration. Aux termes de l’article 20 de la Constitution, le Gouvernement « dispose de l’administration ».

La loi peut, dans une certaine mesure, aménager cette règle pour offrir au Parlement et à ses instances certaines facilités. Toutefois, il faudrait une habilitation constitutionnelle explicite pour que les groupes puissent disposer de l’administration, qu’il s’agisse des services placés sous l’autorité du Gouvernement ou des autorités administratives indépendantes. Jean-Jacques Hyest ne me contredira pas, tant cette règle complique souvent l’activité des commissions et la vie de leurs présidents ; j’ai exercé assez longtemps des fonctions similaires aux siennes à l’Assemblée nationale pour parler de ce problème en connaissance de cause !

À cet égard, la formulation de l’article 4 de la Constitution est bien trop générale pour que l’on puisse y voir un fondement possible à cette proposition de loi, monsieur Collin. Le lien entre le texte que vous défendez et « la participation […] à la vie démocratique » est beaucoup trop ténu.

Quant à l’article 51-1 de la Constitution, non seulement il est inopérant, mais il révèle, a contrario, l’intention du constituant : en ce qui concerne les groupes, celui-ci a voulu des aménagements internes au fonctionnement des assemblées, et rien de plus.

Aucune des dispositions constitutionnelles relatives aux groupes ne permet donc de considérer que le constituant aurait entendu faire de ces derniers des acteurs à part entière du fonctionnement des pouvoirs publics, au-delà des cas qu’elles déterminent.

Pour ces raisons, la proposition de loi me semble contraire à la Constitution.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’ajouter que, dans ces domaines, tout ne tient pas à la modification des règles dans lesquelles se déroule le travail parlementaire. On le sait, la pratique peut aussi être une source de progrès.

J’en citerai un exemple auquel j’ai modestement participé. En 2006, donc avant même la révision constitutionnelle de 2008, en tant que président de commission, j’inaugurais à l’Assemblée nationale la formule des corapporteurs, associant un membre de la majorité et un représentant de l’opposition pour le contrôle de l’exécution d’une loi, une pratique qui a ensuite été consacrée dans les nouvelles dispositions introduites dans le règlement. Personne ne m’a empêché de le faire ! En effet, je considère, et je ne suis pas le seul, que, s'agissant de l’exécution des lois, l’opposition doit être associée au contrôle exercé par la majorité.

Cette formule a montré tout son intérêt : elle permet de donner aux groupes minoritaires un rôle important dans le contrôle de l’action du Gouvernement. D'ailleurs, la réforme engagée par la révision de la Constitution a confirmé ces dispositions.

Je le répète, selon moi, le problème essentiel de cette proposition de loi est qu’elle risquerait de créer une confusion entre le travail des groupes et celui des commissions. Or ces dernières sont essentielles à l’activité des parlementaires. Si les groupes constituent la pierre angulaire du fonctionnement des assemblées, les commissions sont le garant de leur expression. En effet, c’est à travers elles qu’ils peuvent formuler toutes leurs demandes, à due proportion de leur effectif, bien sûr, car la règle, dans toute assemblée démocratiquement élue, est qu’il y a une majorité et une minorité.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je le répète, ce transfert de pouvoir n’est pas souhaitable. Il ne ferait que créer de la confusion et mettrait à mal l’équilibre de la Constitution, comme les auteurs du rapport de la commission l’ont d'ailleurs souligné : « En voulant attribuer aux groupes les prérogatives propres aux commissions en matière d’information, de contrôle et d’enquête, ce texte repose fondamentalement sur une erreur de conception du rôle des groupes par comparaison avec celui des commissions ».

À ce titre, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens de nouveau à rendre hommage au président de votre commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et à souligner la qualité et la pertinence du travail de votre rapporteur, M. René Garrec.

Monsieur Collin, ayez confiance en les prérogatives que le règlement vous reconnaît d’ores et déjà en tant que président de groupe. Exercez-les ! C’est d'ailleurs ce que vous faites aujourd'hui, avec beaucoup de compétence, en défendant cette proposition de loi.

Pour ma part, je crois que les innovations introduites depuis 2008 sont en train de produire tous leurs effets. Il appartient à chaque parlementaire et à chaque groupe constitué dans l’une ou l’autre assemblée d’en tirer le meilleur parti. Ainsi trouverons-nous un bon équilibre entre le travail des commissions et celui des groupes, ce qui permettra un fonctionnement harmonieux des institutions.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite que le Sénat rejette cette proposition de loi en adoptant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par la commission.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est toujours un plaisir que de débattre des propositions de loi présentées par le groupe RDSE, et particulièrement par son président.

Vous le savez, monsieur Collin, nous avons eu l’occasion de soutenir nombre de vos initiatives. Aujourd'hui, vous avez raison de mettre l’accent sur le rôle des groupes politiques au sein des assemblées parlementaires, car il s'agit là d’un beau sujet, qui pose un véritable problème. Toutefois, nous ne reprendrons pas à notre compte la totalité de vos propositions.

En effet, les propos des orateurs précédents contiennent une part de vérité qui tient, me semble-t-il, à l’idée que nous nous faisons de l’État.

Monsieur Collin, il est arrivé à certains d’entre nous d’exercer des fonctions au sein de gouvernements. Peut-être d'ailleurs les éminents représentants du RDSE et vous-même aurez-vous cette possibilité, à la faveur de l’alternance que nous appelons de nos vœux.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si tel était le cas, je ne suis pas certain que le membre du Gouvernement que vous seriez accepterait volontiers que l’un ou l’autre des groupes parlementaires convoque incontinent le directeur général de son administration, son directeur de cabinet, voire les préfets et les sous-préfets, pour qu’ils rendent des comptes.

Autant il est juste, me semble-t-il, que de telles prérogatives soient accordées aux commissions d’enquête parlementaire, devant lesquelles chacun doit venir s’exprimer – à l’exception, en vertu de notre Constitution, du Président de la République –, autant il me paraîtrait peu adapté de confier à chaque groupe parlementaire les mêmes pouvoirs. Je tenais à vous le dire amicalement et franchement, monsieur Collin, car tel est le fond de ma pensée.

Toutefois, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, notre groupe ne souscrira pas – cela dit sans vous désobliger – à la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

En effet, lorsque vous déposez une telle motion, vous nous dites en quelque sorte, en langage juridique : « Il est inutile de débattre de cette question ; ce n’est pas le lieu de l’aborder, ce texte n’étant pas conforme à la Constitution ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pourtant, il y a dans l’initiative de M. Collin des éléments utiles, me semble-t-il, et pour ma part je salue sa démarche.

Monsieur le ministre, j’ai constaté, une fois encore, que vous donniez quelque peu dans l’autosatisfaction. Or tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Comme il faut être positif, j’expliquerai pourquoi il est regrettable, selon nous, que notre assemblée ne se saisisse pas de cette proposition de loi.

Tout d'abord, monsieur le ministre, vous eussiez pu amender ce texte. C’est à cela que sert le Parlement.

Monsieur le président de la commission, vous eussiez pu, vous aussi, l’amender.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Pour en arriver où ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour en arriver à toujours plus de démocratie ! La démocratie, comme la République, et je parle sous le contrôle de Jean-Pierre Chevènement – pas de lui seul d’ailleurs, car nous sommes tous attachés à la République –, réclame la perfection.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Vous n’avez pas déposé d’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, c’est parce que nous avons participé aux travaux de la commission et que nous savions que le couperet de l’exception d’irrecevabilité s’abattrait sans appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous n’avons pas voulu travailler en vain, monsieur le président de la commission.

Cela étant, concernant le renforcement des moyens de contrôle des groupes politiques, je me permettrai de faire quatre suggestions.

La première de ces suggestions fait suite aux propos de M. Garrec, qui a beaucoup insisté sur le fait que les membres du bureau du Sénat étaient désignés à la proportionnelle et que la pratique avait changé au sein de la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet ! Toutefois, il y a une chose qui n’a pas changé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et voilà ! Monsieur le président de la commission des lois, vous êtes vous aussi tellement convaincu par cette idée que vous en parlez avant moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je sais simplement ce que vous allez dire. Vous êtes si prévisible…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela montre que vous connaissez ma pensée – encore que ce terme de « pensée » soit totalement présomptueux de ma part –, et je vous en remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Toujours est-il qu’il est profondément anormal que les sept commissions permanentes du Sénat soient toutes présidées par des membres appartenant à des groupes politiques de la majorité. Dans de très nombreux parlements de par le monde – je parle naturellement des pays démocratiques –, on jugerait cette situation incongrue.

Quelle difficulté y aurait-il à nommer des présidents de commission parmi les membres de groupes de la minorité ? Après tout, plusieurs groupes politiques ont l’honneur de voir certains de leurs membres occuper le poste de vice-président du Sénat. N’est-ce pas, madame la présidente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

De la même manière, sauf exceptions notables que vous connaissez bien, monsieur le président de la commission des lois – je ne vais donc pas les rappeler –, il est dommageable qu’un très grand nombre de rapports concernant des projets de loi – je dis bien des projets de loi – soient confiés à des membres de la majorité. Il serait équitable que ceux-ci fussent répartis entre la majorité et l’opposition.

Le rapporteur a pour rôle de donner l’avis de la commission. Je me souviens de tel ou tel député, aujourd’hui certainement disparu, qui s’acquittait de cette tâche solennellement en expliquant qu’il n’avait pas été suivi par la commission. Une telle démarche serait un progrès pour nos institutions.

Faire confiance à nos collègues, quel que soit leur groupe politique, pour rapporter la position de la commission et présider une commission, voilà ma première suggestion. Celle-ci est parfaitement conforme à la Constitution ainsi qu’au règlement du Sénat. Je pense, monsieur le ministre, que vous y trouveriez beaucoup d’aspects positifs.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Certainement pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ma deuxième suggestion touche aux séances de questions, qui sont quelque peu figées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Parlons, en effet, des séances de questions d’actualité au Gouvernement, madame Gourault, puisqu’il y en a eu une cet après-midi.

Cette séance fut courtoise, comme souvent au Sénat, mais, une fois que nous avons posé notre question pendant deux minutes trente et que le Gouvernement y a répondu en utilisant une parfaite langue de bois – c’est souvent le cas – ou en étant hors sujet, pendant deux minutes trente également, nous ne pouvons plus rien dire.

Les questions orales du mardi matin, qui se déroulent dans une certaine confidentialité, même si tout le monde peut lire le Journal officiel ou consulter le site internet du Sénat, offrent, quant à elles, un droit de réplique. Mais que se passe-t-il ensuite ? Si la réponse du Gouvernement ne nous convient pas, il nous reste encore la possibilité de reposer notre question par écrit. Si, au bout de six mois, le ministre n’a pas répondu, que se passe-t-il alors ? Rien ! Nous pouvons à nouveau poser la question en séance publique, mais il ne se passera toujours rien.

M. le président du Sénat a introduit une innovation avec la séance des questions cribles thématiques, mais je pense que cette formule n’est pas très concluante.

Pourquoi ne pas regarder du côté de nos amis britanniques, qui ont des pratiques très intéressantes ? Le ministre est présent en séance, comme vous l’êtes aujourd’hui, monsieur Ollier, et, pendant une heure, les parlementaires l’interroge. Ils peuvent reprendre la parole et insister dix fois s’il le faut, s’ils estiment que le Gouvernement n’a pas répondu assez précisément à leur question.

Pour un membre du Gouvernement, cette situation n’est sans doute pas très confortable. Mais, si l’on veut vivre dans le confort, il ne faut pas être ministre ; en tout cas, c’est l’idée que je me fais de cette fonction !

Les séances de questions pourraient donc être plus nerveuses, davantage contradictoires afin de permettre de creuser le sujet. Pour le moment, chacun se contente de dire ce qu’il a à dire, sans plus d’approfondissement.

J’en viens maintenant à ma troisième suggestion qui a trait à la semaine de contrôle et à la semaine d’initiative.

Nous nous louons de l’existence de ces deux semaines, même si je sais que vous ne manquerez pas de nous reparler de notre vote lors de la réforme constitutionnelle. Quoi qu’il en soit, le système doit, là aussi, être amélioré.

L’expérience de plusieurs mois montre que nous assistons à une grande succession de débats quelque peu platoniques, encore que, j’en conviens, il soit fâcheux d’embarquer un grand penseur comme Platon dans cette affaire…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis d’accord avec vous sur ce point !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous assistons donc à des débats quelque peu abstraits pendant une heure à une heure et demie après lesquels il ne se passe rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Certes, et cela est très intéressant ! Reste que le Parlement a pour mission principale de faire la loi.

Or, en ce qui concerne les propositions de loi, le système mériterait d’être amélioré. En effet, nombreuses sont celles qui ne vivent pas une vie parlementaire complète. Examinées une fois en séance publique, elles ne connaîtront jamais la navette. Je souhaite donc que l’on répertorie toutes ces propositions de loi mort-nées.

Le système est tel que, lorsque l’on veut faire avancer une question, il est plus efficace de défendre un amendement dans le cadre d’un projet de loi de simplification du droit, par exemple, que de déposer une proposition de loi qui sera inscrite dans un créneau parlementaire. Nous pouvons tous reconnaître cette évidence !

Je ne prends qu’un exemple.

Ce matin, deux textes étaient inscrits à l’ordre du jour. La discussion du premier a beaucoup débordé. Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs contribué à ce débordement en nous faisant part de vos opinions sur la fiscalité pendant un long moment.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Trente minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Si, par exemple, vous aviez parlé quinze minutes – et ce n’est pas moi qui vais vous dire qu’il faut être bref

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ma troisième suggestion, monsieur le président de la commission, est donc qu’il serait bien de parfaire ce système et de lui donner une plus grande efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ma quatrième suggestion est d’accorder aux groupes politiques, et par conséquent aux parlementaires, plus de pouvoir en matière d’application des lois.

À cet égard, je ne saurais trop regretter, comme l’a fait l’autre jour M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la précédente proposition de loi de M. Collin, à laquelle on ne rendra jamais assez hommage, que les parlementaires ne puissent pas saisir le Conseil d’État en cas de non- application d’une loi qu’ils ont eux-mêmes votée, parce que le Gouvernement s’est refusé à publier les décrets. Je regrette que cette proposition n’ait pas été approuvée par le Sénat et qu’elle reste ainsi lettre morte.

En conclusion, voici résumés les moyens très simples et concrets d’améliorer le rôle des groupes politiques : un meilleur partage des présidences de commission et des fonctions de rapporteur, une procédure de questions plus nerveuse, plus démocratique et plus réactive, une organisation des semaines de contrôle et d’initiative nous permettant d’agir avec efficacité afin que les lois votées soient effectivement appliquées. §

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains d’avoir une approche différente sur la question qui nous occupe, mais cela nous permettra d’avoir un échange, ce qui est très important au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Notre collègue Yvon Collin, qui a le mérite de présenter cette proposition de loi, dit que les groupes ont trouvé place expressément au sein de la Constitution lors de la révision votée à Versailles le 23 juillet 2008.

Oui, mais cette reconnaissance s’accompagnait de la tentative de faire passer cette révision pour ce qu’elle n’est pas à notre sens, à savoir un renforcement des droits du Parlement !

Notre groupe a de la constance. Nos prédécesseurs se sont opposés à la Constitution de 1958, car elle portait en germe la présidentialisation de nos institutions et la subordination du Parlement à l’exécutif. Les gouvernements qui se sont succédé nous ont confortés dans cette analyse et n’ont fait qu’aggraver cette logique.

Mes amis et moi n’avons eu de cesse de souligner le recul du pouvoir législatif face au pouvoir exécutif. La loi constitutionnelle de 2008 n’a pas du tout remis en cause cette situation, elle l’a entérinée.

L’hyper-présidence de Nicolas Sarkozy depuis quatre ans confirme la difficulté croissante que rencontre le Parlement à remplir deux missions essentielles à nos yeux : représenter les citoyens et faire la loi.

Le divorce entre les citoyens et leurs représentants est aujourd’hui particulièrement inquiétant. En tant que parlementaires, c’est ce qui doit nous préoccuper le plus.

Le partage de l’ordre du jour, présenté comme le point d’orgue du renforcement du pouvoir des assemblées, a surtout permis à la majorité parlementaire d’accompagner les initiatives du Gouvernement. Le nombre de propositions de loi déposées à l’initiative de la majorité, qui ne sont en fait que des projets de loi recyclés pour des raisons conjoncturelles et opportunistes, le montre de façon manifeste.

De plus, comme il n’est pas possible d’examiner la question institutionnelle en dehors du contexte politique, comment ne pas constater que cette initiative parlementaire, dans le cadre d’une inflation législative gouvernementale renforcée, du développement de la législation d’affichage et d’opinion, met une pression permanente sur l’institution parlementaire, au point de dégrader fortement la qualité de l’intervention et du rôle du Parlement ?

L’adage « trop de lois tue la loi » se vérifie chaque semaine depuis plusieurs années, comme l’a d’ailleurs souligné le rapport de la commission des lois sur l’application des lois.

Soyons francs, l’initiative parlementaire, le fameux droit de tirage, se trouve marginalisée par cet activisme législatif du pouvoir et, de surcroît, elle est méprisée, en particulier à l’Assemblée nationale, par la majorité parlementaire.

Le dépôt systématique de motions de procédure sur les textes déposés par l’opposition confirme cette conception réductrice de l’initiative parlementaire. En réalité, il n’y a pas d’équivalence entre les propositions des parlementaires et les projets du Gouvernement.

Comment parler de renforcement des pouvoirs des groupes politiques, sources de structuration du débat politique, alors que le régime du « crédit temps » à l’Assemblée nationale réduit de plus en plus les débats à des déclarations de principe, abandonnant le travail législatif aux commissions ?

Au Sénat, malgré des tentatives de la majorité, l’équilibre des forces politiques n’a pas permis une telle restriction du débat démocratique – certains, sans doute, le regrettent –, même si l’utilisation extensive et excessive de l’article 40 de la Constitution, le développement de la règle dite « de l’entonnoir » limitant le dépôt d’amendements en deuxième lecture ou l’épée de Damoclès de l’irrecevabilité dite « réglementaire » de l’article 41 de la Constitution brident petit à petit la place des groupes parlementaires dans le travail d’élaboration législative.

Cette description de l’évolution, selon nous négative, du travail parlementaire, que la réforme de 2008 n’a pas permis de corriger, vise à souligner que les propositions du groupe RDSE concernant l’activité de contrôle des groupes, donc du Parlement, sont peu compatibles avec les rapports actuels entre les pouvoirs exécutif et législatif. Pour notre groupe, la question est ailleurs, elle est dans le déséquilibre, inhérent à la logique présidentialiste, qui prévaut aujourd’hui entre ces deux pouvoirs.

Les auteurs du texte indiquent dans l’exposé des motifs qu’« il est temps désormais de passer à l’étape suivante en donnant aux groupes politiques les moyens de leur mission constitutionnelle au service d’une démocratie parlementaire effective ». Je ne peux être en accord avec cette approche qui valide la révision constitutionnelle de 2008, ce que je me refuse à faire.

Pour restaurer les droits du Parlement et combattre le déséquilibre institutionnel actuel, dans la perspective des échéances électorales à venir, il faut élaborer, j’en suis convaincue, un autre projet constitutionnel qui rende réellement au peuple et à ses représentants leur souveraineté. Cela me paraît essentiel.

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a démontré la conception de la démocratie parlementaire en vogue à l’Élysée : un Parlement aux ordres, une majorité convoquée régulièrement à l’Élysée pour se faire rappeler à l’ordre, une marche forcée dans les travaux législatifs.

Bien entendu, nous approuvons tout ce qui peut permettre aux groupes politiques de remplir leur mission, mais nous alertons également sur un renforcement excessif du travail de contrôle qui se ferait dans le cadre actuel, au détriment de l’essentiel, compte tenu des conditions dans lesquelles nous travaillons aujourd’hui.

Lorsque les auteurs s’interrogent sur le suivi des finances publiques, avec mon groupe je m’interroge sur le recul progressif de la participation du Parlement à l’élaboration du budget et de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous avons critiqué la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Celle-ci semble convenir à tout le monde, mais, au fil des années, on constate un amoindrissement considérable du rôle du Parlement en matière budgétaire. Vous proposez même de constitutionnaliser le fait que le Parlement ne soit plus libre en matière de décisions budgétaires et de finances publiques, ce qui est pourtant un droit essentiel du Parlement, pour les confier à Bruxelles. Comme vous pouvez le constater, des questions de fond nous séparent.

Pour renforcer le pouvoir des groupes politiques en matière budgétaire, commençons par supprimer les articles 40 et 41 de la Constitution…

Pour conclure, j’annonce dès maintenant que nous voterons contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité défendue par la majorité, qui utilise souvent ce procédé pour ne pas discuter sur le fond des propositions de loi de l’opposition. Un immense chantier constitutionnel est nécessaire pour démocratiser en profondeur les institutions. Toute proposition tendant à améliorer les moyens des groupes politiques, et donc du Parlement, mérite d’être prise en considération parce qu’elle aborde un sujet sur lequel nous aurions fort à gagner.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment permettre aux groupes politiques de mieux participer aux débats et aux travaux de notre assemblée et d’y prendre pleinement la place qui leur revient ? C’est la question que pose la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, sur laquelle je suis chargée de vous donner l’avis du groupe Union centriste.

Il faut reconnaître, monsieur Collin, comme l’ont fait d’autres intervenants avant moi, que c’est une bonne question, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… une question en tout cas qui était au cœur des débats, lors de la dernière révision constitutionnelle opérée en 2008.

À cette occasion, les groupes politiques ont vu leur rôle amplifié et démultiplié, grâce notamment au droit de tirage accordé aux groupes pour la création de commissions d’enquête ou de missions d’information, ou encore à la possibilité pour les secrétariats des groupes d’assister à certaines réunions de commission.

Enfin, la présence des présidents de groupes à la conférence des présidents renforce d’autant plus l’importance des groupes que c’est cette même conférence qui fixe la moitié de l’ordre du jour en vertu des dispositions nouvelles de l’article 48 de la Constitution, et qu’un jour de séance par mois est réservé à l’initiative des groupes d’opposition et des groupes minoritaires.

Leurs moyens ont également été multipliés. Comme nous le rappelle notre collègue Garrec dans son rapport, reprenant alors sa « casquette » de questeur du Sénat : les crédits affectés aux groupes politiques ont augmenté de plus de 30 % depuis 2008.

Des avancés non négligeables ont donc eu lieu ces dernières années, et l’on doit bien sûr s’en réjouir. Pour autant, il est vrai aussi que nous pourrions aller encore plus loin, comme le défendent les auteurs du texte.

Cependant, mon groupe considère que l’on se heurte à une question de forme : une proposition de loi est-elle le bon vecteur pour de tels changements ? Nous ne le pensons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

En effet, beaucoup d’éléments de ce débat relèvent en réalité du règlement des assemblées. L’article 51-1 de la Constitution renvoie au règlement des assemblées et non à la loi le soin de déterminer les droits des groupes politiques. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que, malgré le travail intense et constructif mené au sein du groupe de travail sur la réforme du règlement de notre Haute Assemblée, ce dernier demeure aujourd’hui perfectible. Notre débat me donne l’occasion de rappeler qu’il est nécessaire de poursuivre la réflexion autour des aménagements et améliorations possibles de notre règlement.

Ainsi, il paraîtrait opportun que le représentant du secrétariat des groupes puisse être présent à l’ensemble des réunions de commission, notamment lors de l’examen des amendements extérieurs. Le travail est alors le même que lors de l’élaboration du texte de la commission, c’est pourquoi nous comprenons mal cette restriction.

Sur le fond, le texte que nous examinons aujourd'hui repose selon nous sur une erreur de conception du rôle des groupes par rapport à celui des commissions en matière de contrôle. Les auteurs de ce texte voudraient aller plus loin, en reconnaissant aux groupes des prérogatives qui appartiennent aux commissions et à elles seules. Là encore, la proposition de loi paraît contraire à la Constitution, qui est la norme définissant les prérogatives des commissions.

Pour conclure, je salue l’initiative prise par nos collègues du groupe RDSE, car elle nous a permis d’évoquer en séance publique des problèmes touchant au fonctionnement de notre Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Cependant, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment touchant à l’inconstitutionnalité du texte, le groupe Union centriste votera en faveur de la motion présentée par le rapporteur, dont j’ai pu apprécier le travail en commission.

Et, pour finir sur une note personnelle, puisque nous évoquons les changements à opérer dans notre règlement, je reviendrai sur l’un de mes « dadas », même si je sais que le président Hyest ne partage pas mon point de vue : comme l’atteste notre hémicycle clairsemé, sans doute conviendrait-il de revoir la manière de voter dans la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République du 23 juillet 2008 a élargi les attributions du Parlement.

Nous connaissons l’importance des missions du Parlement, nous avons d’ailleurs eu à débattre de ce sujet au début de l’année, lors de l’examen de la loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, promulguée par la suite le 3 février 2011.

Mais la révision constitutionnelle de 2008 a également consacré le rôle des groupes politiques. Il est ainsi inscrit dans la Constitution que « la loi garantit [...] la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

Par cette entrée dans le texte même de la Constitution, le travail des groupes politiques du Parlement a été institutionnalisé.

Notre collègue Yvon Collin a déposé une proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d’information des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Notre Assemblée a déjà adopté en ce sens plusieurs dispositions, le 2 juin 2009, à l’occasion de l’examen d’une proposition de résolution modificative de notre règlement.

Pour les auteurs de la proposition de loi, le règlement des assemblées parlementaires ne pouvait comporter l’ensemble des dispositions nécessaires pour que les groupes politiques soient en mesure d’accomplir leur mission institutionnelle.

L’objectif recherché est donc de remédier à cette lacune, de telle sorte que les groupes politiques disposent de nouveaux moyens dans l’exercice de leurs fonctions : la législation, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques.

La question à l’origine de cette réflexion était la suivante : comment permettre aux groupes politiques de mieux participer aux débats et aux travaux de notre assemblée et d’y prendre pleinement la place qui leur revient ?

Les réponses apportées dans cette proposition de loi semblent inadaptées et contraires à la Constitution, comme nous l’a brillamment exposé le rapporteur, René Garrec.

Cette proposition de loi, d’une part, pose le principe de la participation des groupes politiques aux missions confiées au Parlement et, d’autre part, dote ces groupes de droits et de moyens tendant à garantir une contribution pleinement informée à ces missions, en prévoyant les conditions dans lesquelles s’exercent ces nouvelles prérogatives, ainsi qu’en listant un certain nombre d’autorités et d’organismes qui peuvent être consultés ou saisis par les présidents des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Notre rapporteur nous propose aujourd’hui d’adopter une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, que le groupe UMP soutiendra, pour les raisons que je vais exposer.

En premier lieu, selon la Constitution, il revient aux règlements des assemblées, et non à la loi, de déterminer les droits des groupes et, plus particulièrement, des groupes d’opposition ou minoritaires.

En deuxième lieu, le Gouvernement dispose de l’administration, selon l’article 20 de la Constitution. En prévoyant pour les groupes un droit d’accès à toute information nécessaire et l’assistance de tout organisme, la proposition de loi porte manifestement atteinte au principe de séparation des pouvoirs, en conférant aux groupes des prérogatives à l’égard du Gouvernement, des administrations et des organismes qui relèvent de son autorité.

En troisième lieu, le texte repose sur une erreur de conception du rôle des groupes en le comparant à celui des commissions, tel que la réforme du règlement du Sénat de 2009 l’a prévu.

Contrairement aux groupes politiques, les commissions parlementaires disposent de prérogatives non pour elles-mêmes, mais en vue de l’information ou de la délibération de l’assemblée dans son entier, afin de lui permettre d’accomplir les missions de législation et de contrôle qu’elle tient de la Constitution.

En outre, les groupes politiques ne sont pas les détenteurs du mandat de leurs membres, c’est-à-dire les « représentants de la Nation », au sens de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Seuls les parlementaires, individuellement et réunis en assemblée, le sont.

Dès lors, les groupes ne sauraient s’arroger les prérogatives de la représentation nationale qui sont attribuées aux commissions d’enquête ou aux commissions permanentes en matière de contrôle.

Ce sont non pas les groupes politiques qui ont pour mission de contrôler l’action du Gouvernement, mais bien les assemblées parlementaires.

De plus, les groupes ne sont pas tenus de rendre compte de leur activité auprès de leur assemblée. Alors que les travaux de contrôle des commissions font l’objet d’une publicité, les travaux des groupes demeurent confidentiels. Dès lors, comment les groupes pourraient-ils participer à la mission de contrôle si leurs travaux ne sont pas, par principe, publics ? La publicité des débats et des travaux est un critère fondamental des travaux parlementaires.

Mes chers collègues, cette proposition de loi allant à l’encontre de notre Constitution, le groupe UMP, vous l’aurez compris, ne peut y souscrire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je souhaite répondre brièvement aux orateurs.

Monsieur Sueur, permettez-moi de vous apporter quelques précisions.

Je rappelle tout d’abord que, selon les règles parlementaires et la tradition de la Ve République, il y a une majorité et une opposition. La majorité détient les moyens du pouvoir, ce qui est tout à fait normal. En revanche, il est normal que l’opposition participe aux actions de contrôle, contrôle que la récente révision constitutionnelle a renforcé. La possibilité donnée à l’opposition d’être associée à part égale à la majorité dans les actions de contrôle me semble une bonne chose. Je regrette que vous ne l’ayez pas relevé, monsieur le sénateur. §

Monsieur Sueur, puis-je parler s’il vous plaît ?

Vous regrettez, monsieur le sénateur, que les propositions de loi examinées lors des semaines d’initiative parlementaires ne fassent pas l’objet de navette. Je vous répondrai que rien n’empêche le groupe socialiste de l’Assemblée nationale de demander l’inscription à l’ordre du jour de ces textes. Il s’agit ensuite que la règle majoritaire s’applique. On ne peut pas contester à la majorité le droit de dire oui ou non à certaines propositions.

Par ailleurs, monsieur Sueur, vous m’avez personnellement mis en cause, ce que j’ai trouvé quelque peu discourtois de votre part, ce qui n’est pas dans vos habitudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne vous ai pas mis en cause personnellement !

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Vous m’avez d’abord dit que, si j’avais parlé quinze minutes de moins ce matin, l’examen de la proposition de résolution instituant une « journée nationale de la laïcité » aurait pu être achevé. C’est faux ! Quarante minutes supplémentaires auraient été nécessaires, comme en atteste le décompte du temps de parole des orateurs qui devaient encore s’exprimer. Ils n’auraient pas pu dire pendant le malheureux quart d’heure durant lequel j’ai parlé ce qu’ils avaient prévu de dire en quarante minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. D’autres contribuent à l’inflation, c’est certain !

Sourires

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je vous remercie donc de reconnaître que j’ai raison, monsieur Sueur !

Je dirais même que, si le groupe socialiste n’avait pas utilisé, hier, les quatre heures de l’après-midi pour l’examen de la proposition de loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016, nous aurions pu examiner la proposition de loi relative à la protection de l’identité. Certains arguments peuvent se retourner parfois contre ceux qui les avancent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faut réfléchir ensemble à ce sujet. Le système ne fonctionne pas.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Madame Borvo Cohen-Seat, vous le saviez d’avance, je ne peux être d’accord avec votre approche de la Constitution de la Ve République, pas plus que je ne peux être d’accord avec votre critique de la règle dite « de l’entonnoir », laquelle découle de l’article 45 de la Constitution. Cette règle n’est pas excessive. Je la trouve au contraire opportune, car elle vise à rapprocher les points de vue des deux assemblées, à éviter l’obstruction et la multiplication à l’excès du nombre d’amendements, tout en laissant, de manière démocratique, les parlementaires s’exprimer.

Madame Gourault, je vous remercie d’avoir soutenu la position du Gouvernement, du président et du rapporteur de la commission. Je suis bien sûr tout à fait d’accord avec vos arguments, car ils sont également les nôtres. Je n’y reviens pas.

Monsieur Frassa, je vous remercie également de votre position. Vous avez souligné la pertinence des argumentations que nous avons développées. La proposition de loi, qui tend à donner de nouvelles prérogatives aux groupes politiques, créerait, vous avez insisté sur ce point, une confusion avec celles des commissions permanentes, qui sont, elles, tout à fait légitimes. Ce sont là des raisons supplémentaires, s’il fallait en trouver, de voter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qui va maintenant être défendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie, par M. Garrec, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d'information des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat (355, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le président de la commission, pour défendre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Après le très long débat que nous avons eu sur cette proposition de loi, et que nous aurons l’occasion de poursuivre par ailleurs, je considère que la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est défendue.

J’ajouterai simplement que, si l’on parle beaucoup des pouvoirs des commissions et de ceux des groupes, on oublie un pouvoir essentiel, à savoir les pouvoirs individuels du parlementaire, qui sont pourtant fondamentaux dans les institutions de la République. Il ne faut pas l’oublier !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a fait le choix de couper court à la discussion de cette proposition de loi. Pourtant, M. le rapporteur, et je l’en remercie, a admis que « sur le fond, notre texte pose de bonnes questions ». Elles lui paraissent d’ailleurs si bonnes qu’il suggère aux auteurs de la proposition de loi « de solliciter la réunion d’un nouveau groupe de travail sur le règlement du Sénat ou encore de présenter une proposition de résolution tendant à modifier le règlement en vue d’attribuer des droits supplémentaires aux groupes politiques ».

Si problèmes il y a, il est donc particulièrement regrettable que la commission des lois, plutôt que de contribuer à améliorer un texte perfectible – quel texte ne l’est pas ? – destiné à les résoudre, décide de déclencher le couperet de l’exception d’inconstitutionnalité.

La commission vous propose ainsi d’user d’une procédure particulièrement violente de notre droit parlementaire consistant ni plus ni moins en l’autodestruction du rôle même du Parlement. Or elle le fait sur des fondements si contestables, en s’opposant ainsi à l’extension des droits parlementaires, ce qui est pour le moins paradoxal de la part d’une commission parlementaire, qu’on peut s’interroger sur ses motivations. On peut ainsi se demander si ce qui vous a plu dans la révision constitutionnelle, chers collègues, ce n’était point tant ce qui y figurait que ce qui y manquait, à savoir la définition d’un statut de l’opposition.

Chers collègues de la majorité, si la très bénigne reconnaissance légale de pratiques, à vrai dire évidentes pour qui réfléchit au mandat parlementaire – pratiques que vous reconnaissez, monsieur le rapporteur, puisque vous indiquez dans votre rapport que certaines des dispositions du texte sont satisfaites par le droit en vigueur – vous offusque au point de considérer que leur adoption violenterait notre Constitution essentiellement parlementaire, que direz-vous lorsque le temps sera venu de réellement moderniser le Parlement afin que ses travaux prennent l’ampleur que les Français attendent ?

M. le président de la commission des lois s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Vous invoquez à l’appui de votre jugement, monsieur le rapporteur, pas moins de trois dispositions constitutionnelles.

Premièrement, dites-vous, il eût fallu en passer par le règlement, seul texte compétent selon vous pour déterminer les droits des groupes politiques, conformément à l’article 5l-l de la Constitution.

Deuxièmement, la proposition de loi porterait atteinte à l’organisation des pouvoirs fixée par la Constitution.

Troisièmement, elle violerait le principe de séparation des pouvoirs.

Je demande à notre assemblée, et je le lui demande afin de préserver ses droits, de ne retenir aucun de ces arguments.

Sur le premier point, on peut admettre que l’article 51-1 de la Constitution, ainsi d’ailleurs que son article 48, constitue une reconnaissance des groupes parlementaires dans notre droit positif constitutionnel. Je pense même qu’on pourrait, à partir des pratiques parlementaires de notre République et des règlements des assemblées, hisser cette reconnaissance au rang des principes généraux reconnus par les lois de la République.

Quoi qu’il en soit, le rôle éminent reconnu aux groupes politiques à la fois dans le fonctionnement interne des assemblées, mais aussi en tant que contributeurs à l’exercice de leurs missions constitutionnelles, suffit à justifier, sans même qu’il soit nécessaire de se référer à l’article 51-1 de la Constitution, l’ouverture de droits correspondants à leur implication dans l’exercice de ces missions.

En revanche, dès lors que ces droits ne concernent pas exclusivement ni même principalement l’organisation interne des assemblées, je ne pense pas que les règlements des assemblées parlementaires puissent être constitutionnellement le support de leur définition. Les reconnaissances de droits prévues dans notre proposition de loi étant en principe opposables à des tiers, nous avons ainsi pris soin d’en passer par la loi et de ne point empiéter au demeurant sur le terrain de la loi organique.

Sur l’organisation des pouvoirs, je serai bref.

Notre proposition de loi ne retranche rien aux pouvoirs des organes internes du Parlement. Elle ne donne aucun nouveau pouvoir aux groupes politiques. Elle se contente de leur ouvrir des droits leur permettant simplement de fonctionner dans le cadre des prérogatives que leur confèrent la Constitution et nos usages républicains. Ces droits sont strictement proportionnés aux fonctions reconnues aux groupes. Au demeurant, en pratique, l’existence des groupes politiques est traversée par un certain nombre de ces conférences ou de ces collaborations avec des tiers dont nous prévoyons la reconnaissance légale sans qu’on s’offusque de leur éventuelle contravention avec l’organisation des pouvoirs.

Enfin, sur la violation de la séparation des pouvoirs, je dirai d’abord qu’il ne fait aucun doute dans notre esprit que les groupes parlementaires ne sont pas des pouvoirs publics constitutionnels. On pourrait d’ailleurs dire, mais nous ne l’avons pas fait, que la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité déposée par la commission manque sur ce point de tout objet.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je vous demande de rejeter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par la commission des lois, car elle ne me paraît pas fondée. Elle aurait pour effet d’empêcher le Parlement de trouver des solutions à ce que la commission reconnaît être un réel problème.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les arguments que j’ai déjà exposés pour plaider contre la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Je voudrais simplement profiter de cette explication de vote pour faire une mise au point à la suite des propos de M. le ministre.

Il n’était nullement dans mon intention de me livrer, si peu que ce fût, à une attaque personnelle à votre endroit, monsieur le ministre. J’ai seulement pris l’exemple de la séance de ce matin pour souligner le caractère quelque peu paradoxal de notre organisation pour les semaines d’initiative parlementaire.

En effet, il peut arriver que le débat sur une proposition dure très longtemps, comme ce fut le cas hier, en raison du droit des parlementaires, y compris de ceux qui appartiennent à l’opposition lorsque la proposition émane de la majorité, et inversement, de s’exprimer. C’est bien naturel.

Mais, à partir de ce moment-là, un groupe de la majorité ou de l’opposition peut, pour des raisons qui ne sont pas du tout de son fait, se trouver privé d’un débat ou d’une partie de débat.

Sans doute ai-je eu tort de cibler particulièrement vos propos, monsieur le ministre. D’ailleurs, et je parle sous le regard comme toujours attentif de Mme la présidente Catherine Tasca, je sais que d’autres ont contribué à cette inflation. Par conséquent, si la proposition de résolution sur la laïcité n’a pas pu être adoptée, ce que, pour ma part, je déplore beaucoup, la responsabilité en est collective.

J’appelle simplement de mes vœux, et je ne mets personne en cause, une réflexion dans nos rangs, et peut-être au sein des instances du Sénat, sur l’organisation de ces semaines, compte tenu de l’expérience qui est la nôtre depuis quelques mois. Voilà ce que j’ai voulu dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du scrutin n° 199 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe RDSE, de la proposition de loi visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique, présentée par MM. Jacques Mézard et Yvon Collin et les membres du groupe RDSE (proposition n° 354, texte de la commission n° 435, rapport n° 434).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi a pour objet d’organiser la vie en société, en tenant compte des évolutions de cette dernière, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… soit pour les favoriser, soit pour les réguler, soit parfois pour les interdire : dura lex, sed lex !

Mais une bonne loi est, par nature, une loi d’équilibre, qui préconise l’intérêt général tout en protégeant les libertés individuelles.

Les mutations profondes de nos sociétés ces dernières années ont entraîné des changements considérables, tant dans la vie quotidienne de nos concitoyens que dans les priorités des législateurs et des exécutifs.

Comparons la vie quotidienne des Français en 1911 et en 2011 : en un siècle, il y a eu plus de bouleversements que durant tous les précédents ! La loi précède de moins en moins ces mutations, et elle peine le plus souvent à les suivre et à les réguler.

Téléphone, téléphonie mobile, télévision, internet... ces moyens de communication ont plus qu’envahi notre quotidien ; ils sont pratiquement devenus des prolongements de notre corps, en attendant qu’ils s’y greffent !

Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que ces moyens de communication deviennent des instruments économiques, commerciaux et soient devenus des moteurs du développement. Légiférer dans ces domaines est difficile ; l’exemple HADOPI, qui est à l’ordre du jour, en est une illustration. Il n’en reste pas moins que cela est nécessaire.

Le démarchage téléphonique est aujourd’hui devenu une pratique courante et s’est développé de manière exponentielle et, il faut le dire, souvent anarchique, au mépris de la protection des usagers et de leur intimité.

Certes, la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés a apporté une première protection, mais ce rempart a été submergé par les nouveaux flux et les avancées technologiques.

La pêche aux clients, par le démarchage téléphonique, a pris une ampleur considérable et les mailles légales du filet sont tellement larges que le braconnage à toute heure et tous les jours de la semaine est devenu la règle.

Il faut reconnaître aussi que les quelques dispositions légales et réglementaires sont très souvent bafouées avec une impunité quasi totale. Je pense par exemple à l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, qui interdit le démarchage sans manifestation du consentement de l’usager quand il est réalisé au moyen d’un automate d’appels, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique.

La réalité du terrain, c’est d’abord que les usagers ignorent les quelques droits dont ils disposent et sur lesquels les opérateurs les informent le moins possible. On peut prendre pour exemple l’article R 10 du code des postes et des télécommunications sur la liste rouge et la liste orange.

La réalité du terrain, c’est ensuite que l’accroissement considérable du nombre d’appels intrusifs dans n’importe quelles conditions constitue un trouble excessif chez nos concitoyens, dérangés dans leur domicile à des heures et à des jours inopportuns et, pour certains, victimes d’abus de faiblesse, parfois même de pratiques relevant du harcèlement.

Mes chers collègues, il n’est pas crédible d’oser soutenir que le nombre d’appels téléphoniques de démarchage est raisonnable et de brandir en même temps, comme le fait l’Association française de la relation client, l’AFRC, le chiffre de 260 000 salariés dans 3 500 centres d’appel !

De même, dans certains cas, il est vrai très minoritaires, on peut s’interroger sur l’intérêt pour le développement économique de la France que nos concitoyens reçoivent des appels de la part de centres d’appel installés à l’étranger pour promouvoir la vente de produits fabriqués hors de nos frontières !

Mais soyons clairs : notre objectif n’est nullement d’interdire le démarchage téléphonique ; il est de parvenir à un équilibre entre la protection de l’usager et le souci légitime du développement économique. Nous avons des entreprises performantes à l’échelle internationale dans la technique des centres d’appel, des entreprises performantes avec des pratiques loyales dans le démarchage téléphonique. Mais il est temps de trier le bon grain de l’ivraie, dans l’intérêt même de ceux qui font du bon travail.

Pour cela, la régulation est nécessaire. D’ailleurs, plusieurs pays européens voisins, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, l’ont fait fermement sans mettre en danger leur économie. Il convient de légiférer rapidement avant même que l’exaspération des usagers n’entraîne dans l’urgence médiatique des réactions plus brutales.

Si la législation n’évolue pas aujourd'hui, elle le fera inéluctablement demain dans des conditions qui découleront des réactions très fermes de nombre d’usagers lassés de la situation. Je crois que c’est l’intérêt commun de travailler et de réfléchir en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Oui, de telles pratiques se sont diversifiées et multipliées ! L’intrusion dans le quotidien de nombre de nos concitoyens, chez eux, représente une atteinte à leur vie privée pour le moins déplaisante.

Face à des pratiques commerciales souvent de plus en plus agressives, de nombreuses sociétés de télémarketing n’hésitant pas à appeler les personnes plusieurs fois dans le même mois, à des horaires inopportuns, en soirée ou le week-end, il nous paraît indispensable de renforcer les droits des citoyens, qui devraient pouvoir ne plus être importunés chez eux, contre leur gré, et ne plus être assaillis d’offres et d’informations commerciales diverses qu’ils n’ont pas sollicitées. J’ajoute que les personnes âgées et vulnérables deviennent la cible privilégiée de ces démarchages.

La législation actuelle en la matière repose sur le principe d’opposition de la personne à l’utilisation des données la concernant à des fins de prospection commerciale.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce régime de protection des données personnelles s’est progressivement construit. Au niveau communautaire, la directive n° 95/46 CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données prévoit notamment le droit de la personne de « s’opposer, sur demande et gratuitement, au traitement des données la concernant envisagé par le responsable du traitement à des fins de prospection » et d’être informée préalablement à leur première communication à des tiers ou à leur utilisation par eux, afin de pouvoir s’y opposer. Cette directive européenne a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 qui a modifié à cette fin la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Nous avons rappelé qu’il existe dans la législation actuelle un droit d’opposition en matière de démarchage téléphonique, mais force est de constater que cette procédure est très peu connue du grand public et extrêmement marginale dans la pratique.

La démarche de s’inscrire sur « liste rouge » pour échapper à des appels non désirés existe, mais elle sanctionne, de fait, tous ceux qui souhaitent légitimement figurer à l’annuaire afin d’être joignables par leur entourage et leurs connaissances. Contraindre ceux qui ne souhaitent pas être importunés à s’inscrire sur « liste rouge » signifierait la disparition de l’annuaire téléphonique et condamnerait les abonnés à ne plus pouvoir se joindre entre eux ! Quant à la « liste orange », elle ne résout aucunement le problème du démarchage.

Lors de la séance de questions orales du 1er mars dernier, M. le ministre Éric Besson m’avait répondu, en votre nom, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement mettait en place un dispositif qui entendait répondre aux mêmes préoccupations. Ce dispositif, dénommé Pacitel, qui devrait être opérationnel au premier semestre 2011, résulte des travaux d’un groupe de travail mis en place par M. Hervé Novelli, alors secrétaire d’État chargé de la consommation, et composé des principales fédérations professionnelles du secteur de la prospection et de la vente par téléphone.

Nous avons rencontré les représentants de ces fédérations, qui ont d’ailleurs conscience des abus existant en matière de démarchage téléphonique et reconnaissent la nécessité de « responsabiliser la profession », selon leurs propres termes. Ils nous ont indiqué qu’ils s’étaient engagés, pour leur part, à recommander à leurs adhérents d’éviter les appels téléphoniques trop matinaux ou trop tardifs, en privilégiant les plages horaires allant de 8 heures à 20 heures 30 du lundi au vendredi et de 9 heures à 18 heures le samedi...

Cependant, le dispositif Pacitel ne constitue qu’une petite avancée dans le droit d’opposition : il s’agit en effet d’une liste d’opposition recensant, à leur demande, les consommateurs qui refusent d’être démarchés. En conséquence, leurs coordonnées ne devraient pas figurer dans des fichiers constitués aux fins de démarchage commercial, mais rien ne permet de présumer que ce dispositif sera mieux connu et plus utilisé que les procédures existantes. En outre, la complexité de ce projet est évidente, car il oblige l’usager voulant s’inscrire sur la liste d’opposition à envoyer une copie de sa carte d’identité et de la facture de sa ligne ! Telle est la réalité de ce projet, qui relève plus de l’affichage médiatique d’une volonté de bonne pratique que de la volonté d’apporter une véritable solution concrète.

Il nous apparaît donc inopportun que ce soit au citoyen de s’opposer expressément à ce que les données le concernant soient transmises à des sociétés et utilisées à des fins de démarchage. Il est bien plus logique et sécurisant que la législation prévoie, à l’inverse, que le citoyen consommateur doive donner expressément son accord pour que ses données personnelles puissent être utilisées à des fins de démarchage.

Il est important de rappeler, comme l’a fait notre rapporteur – j’en profite pour saluer la qualité de son rapport, qui a permis de dégager un consensus tout à fait positif au sein de la commission –, que le principe du consentement exprès existe déjà pour certaines techniques de prospection directe. Ce principe, nous l’avons dit, est posé par l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, qui définit la prospection directe comme « l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services ».

Nous souhaitons que le principe du consentement exprès soit retenu pour les pratiques relevant du démarchage téléphonique.

Notre commission des lois, sur proposition de son rapporteur, François Pillet, a retenu le principe du recueil du consentement exprès de l’abonné à un service téléphonique, fixe ou mobile, pour l’utilisation des données le concernant à des fins de démarchage, que l’utilisateur de ces données soit l’opérateur lui-même ou un tiers. Le nouveau droit de l’abonné devra figurer sur le contrat d’abonnement téléphonique au titre des informations obligatoires fixées par l’article L. 121-83 du code de la consommation.

Ainsi, le recours au démarchage téléphonique sera subordonné à l’accord préalable et écrit de l’abonné pour l’utilisation de ses coordonnées. Le consentement devra être expressément donné à l’opérateur et ces dispositions s’appliqueront également aux abonnements en cours, selon la rédaction retenue par la commission.

Les sanctions prévues dans la législation actuelle en cas de violation du droit d’opposition de la personne au traitement de ses données personnelles à des fins de prospection commerciale s’appliqueront en cas de non-respect de l’obligation de recueillir le consentement de l’abonné.

Naturellement, l’abonné doit pouvoir revenir sur sa décision initiale ; il doit aussi pouvoir, le cas échéant, manifester à tout moment son refus de l’utilisation de ses données, même après y avoir consenti. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être faudrait-il réfléchir, à l’avenir, à permettre aux opérateurs de consentir des abonnements à des tarifs différenciés selon le consentement ou le non-consentement de l’abonné ? Mais il s’agit d’un autre débat !

Comme l’a clairement rappelé notre rapporteur, « il convient, en effet, de renforcer la protection de la personne sans se contenter de lui accorder un simple droit d’opposition, lequel ne constitue souvent qu’une protection illusoire : en effet, soit par défaut d’information, soit faute d’enclencher la procédure, l’inaction prime ouvrant la porte au démarchage téléphonique ; cette technique de vente constitue pourtant une intrusion violente dans la vie privée ».

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre volonté est de renforcer les droits du consommateur, à savoir le respect de sa vie privée et son droit à la tranquillité ; il était temps que cette évolution intervienne ! Il est primordial que l’utilisation des données personnelles relève d’une démarche volontaire de la part des personnes concernées. Cette proposition de loi vise à rendre effectif ce principe. Je l’ai déjà dit, si nous n’agissons pas rapidement en ce sens, en faisant le maximum pour trouver un véritable équilibre, nous y serons conduits dans d’autres conditions dans les années qui viennent, car on est allé trop loin, en l’absence d’une régulation suffisante.

Encore une fois, notre but n’est pas d’interdire le démarchage : nous souhaitons permettre cette activité économique, qui a son importance dans notre pays, mais en la régulant dans des conditions normales. D’ailleurs, l’avis du 18 mai 2010 du Conseil national de la consommation soulignait à juste titre que « l’efficacité de la protection des données et de la vie privée est devenue autant une condition du développement de la liberté individuelle qu’un facteur important de la confiance du consommateur ». À laisser faire n’importe quoi dans n’importe quelles conditions, la confiance du consommateur risque d’être entamée et une telle situation n’est jamais favorable au développement économique.

Tel est le souci prioritaire auquel cette proposition de loi tend à apporter une réponse. C’est pourquoi nous vous appelons, mes chers collègues, à la soutenir de vos votes.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qui n’a jamais été importuné ou ne s’est senti agressé par l’appel téléphonique intempestif d’un démarcheur, ressenti comme une intrusion dans sa vie privée ?

Ces immixtions dans notre quotidien se sont diversifiées et multipliées à la faveur de l’évolution des technologies, des pratiques commerciales et de consommation et de la création de nouveaux modes de communication. Dans le même temps, le législateur est intervenu régulièrement pour encadrer ces nouvelles pratiques et protéger les personnes physiques. La proposition de loi déposée par nos collègues Jacques Mézard, Yvon Collin et les membres du groupe du rassemblement démocratique et social européen s’inscrit dans ce courant en ciblant le démarchage téléphonique. En imposant l’accord préalable des usagers à l’utilisation de leur ligne téléphonique à des fins de prospection, elle inverse le principe aujourd’hui communément appliqué.

Un droit spécifique à la protection des données personnelles s’est construit progressivement tant au plan européen qu’au niveau national avec l’institution, dès 1978, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Parallèlement, ont été mises en place des pratiques destinées à permettre au client de « sanctuariser » certains pans de son intimité.

Au niveau communautaire, une directive du 24 octobre 1995, transposée en droit interne par la loi du 6 août 2004, prévoit notamment le droit de la personne de s’opposer, sur demande et gratuitement, au traitement des données la concernant à des fins de prospection et celui d’être informée préalablement à leur première communication à des tiers ou de leur utilisation par eux, afin de pouvoir s’y opposer.

Pour ce qui concerne le démarchage, un ensemble de règles s’est mis en place sur la base du principe général du droit d’opposition, ou opt out, sauf pour des cas limités.

Tout d’abord, le droit de s’opposer, sans frais, à l’utilisation des données personnelles à des fins de prospection, est opposable tant au responsable actuel du traitement qu’à celui d’un traitement ultérieur. Il s’applique notamment à la réception des appels téléphoniques dans le cadre d’opérations de démarchage effectuées par une personne. Son efficacité est, cependant, liée à la connaissance qu’en ont les intéressés.

En revanche, toute personne physique doit manifester expressément son consentement en matière de prospection directe réalisée au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique. Je rappelle que la prospection directe est définie comme « l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services ».

Les abonnés à un service téléphonique disposent, pour leur part, de plusieurs protections. Si toute personne « ayant souscrit un abonnement au service téléphonique au public a le droit de figurer gratuitement » dans l’annuaire, elle dispose aussi, dans les mêmes conditions, de celui de ne pas y être mentionnée : c’est ce que l’on appelle la « liste rouge ». L’abonné dispose aussi de la faculté, par son inscription sur la « liste orange » – à la renommée très confidentielle –, d’obtenir gratuitement de l’opérateur l’interdiction d’utiliser ses données personnelles dans des opérations de prospection directe, soit par voie postale, soit par voie de communications électroniques. Mais la constitution des annuaires téléphoniques obéit à la technique d’opt out, puisque les abonnés doivent effectuer une démarche pour protéger leurs données personnelles.

Je ne voudrais pas omettre de mentionner que, au moment où la commission des lois est saisie de la présente proposition de loi, le Gouvernement met en place un dispositif qui entend répondre aux mêmes préoccupations, dénommé Pacitel. Il s’agit d’une liste d’opposition recensant, à leur demande, les consommateurs qui refusent d’être démarchés par les entreprises volontaires, c’est-à-dire les principales fédérations professionnelles du secteur de la prospection et de la vente par téléphone. Pacitel obéit donc, comme la « liste orange », au principe d’opt out.

Saisie de la proposition de loi, la commission a souhaité adapter le dispositif proposé à l’objectif affiché par ses auteurs.

Tenant compte de l’encadrement existant et du but à atteindre, elle a retenu un système protecteur à la source pesant sur les opérateurs téléphoniques.

Les trois articles de la proposition de loi ont été réécrits en ce sens.

L’article 1er, établi par la commission, tend à prescrire le principe du recueil du consentement exprès de l’abonné à un service téléphonique au public, fixe ou mobile, pour l’utilisation de ses données à caractère personnel à des fins de démarchage, que l’utilisateur soit l’opérateur lui-même ou un tiers.

Parallèlement, le nouveau droit de l’abonné devrait figurer sur le contrat d’abonnement téléphonique au titre des informations obligatoires fixées par le code de la consommation.

Point très important, le dispositif préserve la faculté, pour la personne concernée, de manifester son refus à tout moment au traitement de ses données, même après y avoir consenti, conformément au principe institué par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La rédaction de cet article 1er commandait la suppression de l’article 2.

L’article 3 vise à sanctionner d’une peine d’amende de 45 000 euros le non-respect du consentement préalable de l’abonné à l’utilisation de ses données personnelles à des fins de démarchage.

Sans vouloir anticiper le débat qui pourrait survenir sur ce point, j’indique que la commission est restée ouverte à ce que la répression s’effectue également par la voie d’une amende administrative. Mais, dans ce cas, un système binaire doit rester en place afin que le consommateur ne soit pas privé du droit de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, ce qui permet alors la poursuite pénale.

En outre, un article 4 est ajouté, ayant pour objet d’appliquer le nouveau principe aux abonnements téléphoniques en cours.

Il tend également à confier au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les moyens les plus appropriés au recueil du consentement de l’abonné, dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi. Le pouvoir réglementaire trouvera d’ailleurs quelques idées sur le sujet en lisant le compte rendu des débats de la commission.

Afin de ne pas bloquer indéfiniment la pratique du démarchage par l’inaction de l’abonné, l’accord de celui-ci serait considéré comme acquis à défaut de réponse dans un délai de deux mois.

La commission ne prétend pas ainsi régler définitivement la question du démarchage téléphonique agressif, mais elle estime que cette pratique devrait être normalisée et régulée par l’application des nouvelles dispositions.

Ces propositions constituent une avancée juridique, dans la mesure où elles retiennent le principe de l’opt in pour alimenter la source normale du démarchage téléphonique, c’est-à-dire les listes d’abonnés. Elles complètent les outils existants – droit d’opposition, liste orange, dispositif Pacitel –, dont l’utilité n’est pas contestable, mais qui ne permettent pas de résoudre la question essentielle du consentement à ces diverses pratiques entamant la vie privée de chacun.

La profession a manifesté une certaine opposition, en tout cas sur le texte d’origine. Elle a notamment invoqué le risque, selon elle, que cette évolution ferait peser sur les emplois du secteur. Nous avons noté que la démonstration n’était pas faite de cette affirmation et je n’ai pas pu obtenir de précisions sur ce point.

En réalité, le texte de la commission des lois rééquilibre, dans le cadre contractuel classique de notre droit, les relations entre démarcheurs et consommateurs, en offrant à ceux-ci une protection réelle contre des comportements devenus particulièrement intrusifs du fait de pratiques commerciales agressives.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu’elle a établi.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier M. Jacques Mézard, ainsi que tous les auteurs de la proposition de loi, et saluer cette initiative qui porte sur un sujet essentiel, les pratiques dont nous débattons polluant la vie de bon nombre de citoyens et de consommateurs.

De nombreux abus sont effectivement constatés en matière de démarchage téléphonique, et il est évidemment du devoir du législateur d’y mettre un terme.

Le texte issu des travaux de la commission – je salue à ce titre la contribution de M. le rapporteur – vise à renforcer les droits des consommateurs afin que ces derniers ne soient plus victimes de démarchages téléphoniques qu’ils n’ont pas sollicités.

Qui n’a pas été victime de telles pratiques ? a demandé tout à l’heure M. le rapporteur. Oui, nous avons tous subi des démarchages abusifs et nos concitoyens sont nombreux à dénoncer, de plus en plus fréquemment, les sollicitations téléphoniques intrusives et répétées dont ils font l’objet à domicile de la part d’entreprises commerciales. Beaucoup de réclamations parviennent jusqu’à mes services via la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Le Gouvernement, cela a été souligné précédemment, est sensible à cette question, car le démarchage téléphonique peut parfois aboutir, notamment chez les personnes âgées ou fragiles, à la conclusion de contrats qui ne sont pas expressément consentis. Il est donc de notre devoir d’agir.

En tant que secrétaire d’État chargé de la consommation, j’ai déjà expliqué dans cet hémicycle que mon action reposait sur trois piliers : la qualité, la transparence et la protection des consommateurs. En l’occurrence, il s’agit dans la discussion qui nous occupe cet après-midi de protéger les consommateurs.

Un meilleur encadrement des pratiques en matière de démarchage électronique permettrait de répondre à cet objectif. C’est pourquoi je me félicite qu’une telle réflexion soit engagée aujourd’hui sur le sujet. Néanmoins, nous devons être prudents sur les modalités concrètes permettant d’atteindre ce but.

Pour renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique, les auteurs de la proposition de loi avaient initialement envisagé de mettre en œuvre un dispositif généralisé de recueil du consentement exprès des consommateurs à l’utilisation de leurs données personnelles.

Cette rédaction faisait basculer le régime actuel dit d’opt out, par lequel un consommateur peut s’opposer à être démarché, vers un régime dit d’opt in, par lequel un professionnel voulant exercer une activité de démarchage doit recueillir au préalable le consentement exprès du consommateur.

Si le régime d’opt in peut apparaître protecteur pour les consommateurs – chacun ici est évidemment sensible à cette question –, il présente de forts risques de déstabilisation du secteur du démarchage téléphonique. Or, si les abus sont bien réels – les orateurs précédents ont eu raison de les souligner –, certains professionnels du démarchage font aussi leur travail de façon respectueuse, à la plus grande satisfaction de nos concitoyens et des clients.

Je rappellerai tout de même quelques chiffres, car nous devons être conscients de ce que représente l’activité des centres d’appels dans notre pays.

Ce secteur totalise aujourd’hui 260 000 emplois, dont tous ne concernent pas les démarchages proprement dits.

En moyenne, près de 160 000 emplois sont consacrés à la gestion des appels entrants : appels émanant des clients vers les centres d’appels et portant essentiellement sur des sujets liés au service après-vente des produits.

En revanche, près de 100 000 emplois sont consacrés à la gestion des appels sortants, qui visent deux objectifs différents. Certains sont destinés à fidéliser une clientèle existante – j’y reviendrai à l’occasion de la présentation d’un amendement que je défendrai au nom du Gouvernement – et d’autres à trouver de nouveaux clients.

Il faut donc veiller à ne pas menacer ces 100 000 emplois par des mesures qui ne seraient pas proportionnées à l’objectif louable, commun à la Haute Assemblée et au Gouvernement, de protéger les consommateurs.

Sur l’initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté le 11 avril dernier une nouvelle version de la proposition de loi, dans laquelle le régime d’opt in, cher à l’auteur du texte, a été conservé, tout en étant principalement ciblé sur les opérateurs téléphoniques. Cette restriction du champ aux opérateurs téléphoniques, que je salue, permet de diminuer très clairement l’impact sur l’emploi du secteur.

Il m’apparaît cependant indispensable de préserver la capacité des opérateurs téléphoniques de pouvoir se mettre en contact avec leurs propres clients, notamment pour que les dispositifs actuels de protection du consommateur soient préservés. Je pense, par exemple, aux dispositifs d’alerte, que les consommateurs appellent de leurs vœux et qui sont aujourd’hui généralisés, ou aux dispositifs de conseils personnalisés, qui vont également dans l’intérêt du consommateur.

Le dispositif retenu dans la proposition de loi ne doit donc pas empêcher les opérateurs téléphoniques d’avoir des échanges réguliers avec leurs propres clients. C’est une évidence, et c’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement sur ce sujet.

Au-delà de la nécessité de préciser le champ d’application, conviction qui est partagée par la commission – M. le président de la commission montre d’un hochement de tête qu’il est favorable à cet amendement –, le Gouvernement demeure réservé sur le dispositif retenu, car il ne semble pas répondre totalement à l’objectif de protection des consommateurs. Cela ne nous empêche pas, je le redis, d’approuver l’essentiel de la démarche ayant conduit au dépôt de cette proposition de loi.

En l’état, le texte limite les facultés de démarchage à partir des annuaires des opérateurs.

Toutefois, les acteurs économiques autres que les opérateurs téléphoniques pourront continuer à démarcher les consommateurs puisque les numéros de téléphone utilisés dans le cadre de ces opérations proviennent majoritairement des fichiers détenus par les entreprises ou achetés à d’autres entreprises, et non des annuaires téléphoniques réalisés par les opérateurs téléphoniques.

Pour mieux répondre à l’objectif de protection des consommateurs, il me paraît opportun de ne pas rejeter, comme vous en avez peut-être donné le sentiment tout à l’heure, les initiatives qui ont été prises par le secteur.

Quand et comment le démarchage pourra-t-il avoir lieur ? Je vais tenter d’éclairer la Haute Assemblée sur cette question puisque la démarche engagée est suffisamment importante et volontariste pour qu’on s’arrête quelques instants sur ce point. Cela a été souligné, les professionnels reçus dans le cadre des auditions par la commission admettent eux-mêmes la nécessité de réguler leur démarche. Leur idée est d’établir une liste d’opposition au démarchage téléphonique sur laquelle les consommateurs ne souhaitant plus être sollicités peuvent s’inscrire et que les professionnels auraient obligation de consulter avant toute action. Elle ne me semble pas devoir être rejetée.

En réponse aux députés qui, comme vous, avaient interpellé le Gouvernement sur le sujet, Hervé Novelli avait, à l’époque, souhaité renforcer la protection des consommateurs dans ce domaine. À cet effet, le Gouvernement a créé un groupe de travail avec les professionnels concernés pour réfléchir à la mise en place d’un dispositif permettant aux consommateurs de s’opposer à l’utilisation de leurs coordonnées téléphoniques à des fins de prospection commerciale, à l’instar de ce qui existe déjà avec la liste Robinson pour les publicités écrites nominatives, dispositif qui fonctionne parfaitement.

Cette initiative a rencontré un écho favorable auprès des principales fédérations professionnelles représentatives du secteur.

Les travaux du groupe de travail ont débouché sur la proposition de créer une liste d’opposition dite « Pacitel », du nom de l’association formée à cet effet et regroupant les fédérations concernées.

Les professionnels ont lancé un appel d’offres pour les prestations techniques de construction de la liste le 18 avril dernier, et le prestataire sera choisi dans le courant du mois de mai. L’assemblée générale de création de l’association regroupant les fédérations pour la gestion de cette liste s’est tenue hier et le dépôt des statuts en préfecture a eu lieu ce matin. Le lancement opérationnel de la liste est prévu dès cet été.

Ce dispositif s’appliquera à toutes les entreprises membres des associations. Au total, ce sont environ 90 % des entreprises françaises de tous les secteurs d’activité qui, en tant que membres de ces associations, seront tenues de consulter cette liste d’opposition avant de démarcher téléphoniquement les consommateurs et devront exclure de leurs fichiers toute personne inscrite sur la liste.

Cette liste d’opposition applicable aux fichiers « clientèle » échangés par les entreprises entre elles complétera les listes d’opposition déjà mises en place par les opérateurs téléphoniques – je pense aux listes orange –, qui permettent aux abonnés ne souhaitant pas que leurs coordonnées téléphoniques soient utilisées par l’opérateur à des fins commerciales de se protéger de ce type de démarche.

La combinaison de deux listes d’opposition, l’une s’appliquant aux fichiers commerciaux des entreprises et l’autre aux annuaires des opérateurs téléphoniques, devrait permettre d’offrir aux consommateurs qui ne veulent plus être sollicités par téléphone une protection plus efficace contre l’usage commercial de leur numéro de téléphone. C’est l’objectif que vous visez avec ce texte.

Le nouveau dispositif permettra, me semble-t-il, de répondre efficacement, mais il faudra en juger par son application dans la durée, au principe inscrit dans la loi du droit de chacun de s’opposer à l’utilisation par un tiers de ses propres données. Ce sujet me tient tellement à cœur que j’ai signé avec la CNIL, voilà quelques mois, un accord devant permettre au Gouvernement, via la DGCCRL et la CNIL, de travailler à la protection des données personnelles.

Cette démarche d’opt out, qui n’est pas celle que vous entendez défendre au travers de cette proposition de loi, a l’avantage d’être suffisamment générale pour pouvoir être efficace.

C’est la voie qui a été retenue par d’autres pays, notamment par le Canada. Je pense, en particulier, au site canadien « www.lnnte-dncl.gc.ca », qui rencontre un vrai succès. Cette liste d’opposition fonctionne et permet à ceux qui ne veulent plus être démarchés de ne plus l’être.

Je demanderai à mes services d’obtenir du Canada un bilan de ce dispositif qui, visiblement, donne parfaitement satisfaction et de le transmettre, car je pense que ce sera utile pour la poursuite des débats, au rapporteur et aux auteurs de la proposition de loi.

Je sais, monsieur le rapporteur, que la commission a relevé que cette liste ne s’appliquerait qu’aux seuls adhérents des associations concernées. Pour garantir que tous les professionnels auront l’obligation de consulter cette liste, je suis tout à fait prêt à ce que ce dispositif soit inscrit dans la loi.

Grâce à votre initiative, une démarche législative est engagée. Elle nous permettra, dans les prochaines semaines, à la lumière des informations que nous vous fournirons et à la suite des dispositions prises et qui seront appliquées dès cet été par les fédérations professionnelles, de travailler de nouveau sur cette question. Compte tenu de l’éclairage de l’exemple canadien, nous verrons alors laquelle des deux solutions – celle que vous proposez, et sur laquelle vous allez retravailler, monsieur le rapporteur, et celle qui est défendue par les professionnels – est la plus à même de répondre à notre objectif commun de lutte contre le démarchage abusif.

Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le régime de sanctions prévu à l’article 3 de la proposition de loi.

Il est proposé une amende pénale plafonnée à 45 000 euros. Ce seuil me paraît élevé. Je considère, en outre, qu’une sanction administrative prononcée par la DGCCRF serait plus efficace qu’une sanction pénale.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

J’ai plutôt tendance à m’inscrire aujourd’hui dans cette logique – je parle sous le contrôle du président de la commission des lois – qui a pour avantage de faire cesser rapidement l’abus dont est victime le consommateur. Une sanction pénale, compte tenu de l’engorgement du système judiciaire, allongerait encore les délais, qui peuvent être très longs, et rendrait inopérant un dispositif qu’au demeurant vous avez voulu efficace et rapide, monsieur Mézard.

Franchement, je suis très réservé sur la rédaction actuelle de l’article 3. Nous aurons l’occasion, au cours de la discussion de la proposition de loi, de revenir sur cette question. Je vous invite néanmoins à une réflexion approfondie sur le sujet, car la voie de la sanction administrative me semble plus efficace. C’est ce que j’ai vérifié lorsque la DGCCRF, voulant convaincre un des opérateurs d’interdire tel ou tel site afin de mettre fin à des actes illicites, des manquements graves, répétés dont étaient victimes les usagers, a recouru dans un passé récent à la sanction administrative. Elle a pu immédiatement faire cesser le trouble et protéger les victimes. On gagne ainsi du temps et de l’énergie.

Enfin, l’article 4 du texte issu des travaux de la commission vise à gérer le stock d’abonnés en prévoyant l’obligation pour les opérateurs de recueillir leur consentement, l’absence de réponse valant approbation. Cette voie paraît équilibrée, tant pour les opérateurs que pour les consommateurs.

Au final, le Gouvernement estime que cette proposition de loi soulève un certain nombre de problèmes, mais il partage les objectifs qui la sous-tendent. En tout état de cause, compte tenu des dispositifs mis en place et de la nécessité d’évaluer leur efficacité, l’initiative de la Haute Assemblée doit pouvoir continuer à prospérer et à être discutée.

Sensible à la nécessité de progresser sur le dossier et de trouver des solutions adaptées aux problèmes que soulève le démarchage, et sous réserve des remarques que j’ai formulées, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette proposition de loi.

Je ne doute pas que vous aurez à cœur, les uns et les autres, dans les semaines et les mois qui viennent, d’étudier les dispositifs qui se mettent actuellement en place. Je comprends que la Haute Assemblée veuille juger sur pièces de ce qui sera le plus efficace. L’essentiel, quand il s’agira de légiférer en dernière instance, sera de le faire en étant parfaitement éclairés sur les dispositifs qui peuvent exister au-delà de nos frontières et que nous appliquerons d’ici à quelques mois dans notre pays.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’usage du démarchage abusif est aujourd’hui tel qu’il est impossible de passer à travers les mailles de ce type de pratique agressive de vente, dont les principales victimes restent les plus fragiles d’entre nous.

La proposition de loi de nos collègues du RDSE prévoit d’inverser le système prévalant aujourd’hui en termes de protection des consommateurs, selon lequel il revient à ces derniers de manifester leur refus de subir ces pratiques. Elle prévoit également qu’à défaut de consentement exprès le consommateur doit être épargné.

De telles mesures, que nous jugeons fondamentalement utiles, risquent cependant de ne pas être suffisantes. En effet, si la législation actuelle est déjà répressive, elle ne permet pas pour autant d’atteindre les objectifs escomptés.

L’article 6 de la loi « Informatique et libertés » précise, notamment, que les données « sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».

À ce titre, il est intéressant de noter que le Gouvernement lui-même fait preuve d’assez peu de scrupules en la matière puisque c’est en toute tranquillité qu’il a fait voter en 2009 la vente du fichier des cartes grises à des fins commerciales.

De plus, l’article 32 de ladite loi prévoit que « la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l’a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant : 1° De l’identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ; 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ; 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d’un défaut de réponse ; 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ».

Par ailleurs, l’article 38 de cette même loi précise que « Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur. »

En outre, le code de la consommation interdit et sanctionne déjà les pratiques commerciales agressives, parmi lesquelles figure le démarchage téléphonique.

De surcroît, l’article 39 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, transposant en droit français la directive européenne 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales, pose désormais le principe d’une interdiction générale des pratiques commerciales déloyales des professionnels à l’égard des consommateurs.

Or cette même directive européenne comporte en annexe une liste « noire » de pratiques commerciales déloyales prohibées, parmi lesquelles figurent, au titre des pratiques agressives, le fait de se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone ou d’effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur en ignorant sa demande de voir le professionnel quitter les lieux.

Sur le fond, nous considérons bien évidemment qu’il n’est pas normal que ce soit au citoyen consommateur de mettre en place les dispositifs pour ne plus être importuné. Il serait plus opportun que le citoyen donne expressément son accord afin que ses données personnelles soient utilisées à des fins commerciales. À défaut, celles-ci devraient être considérées comme strictement confidentielles et donc inutilisables.

Nous estimons à ce titre, contrairement à M. le rapporteur, que la réponse gouvernementale n’est pas à la hauteur des enjeux. Elle se limite seulement à la mise en place du projet Pacitel, évoqué par M. le secrétaire d'État, qui prévoit la création d’une nouvelle liste spéciale d’opposition, en accord avec les fédérations concernées, sur laquelle les consommateurs pourront s’inscrire.

Par ailleurs, les professionnels se sont engagés à ne plus téléphoner au-delà de vingt heures trente et à limiter la prospection entre neuf heures et dix-huit heures le samedi. Ainsi, 90 % des entreprises françaises ont avalisé le respect de cet engagement par le biais d’un accord de leurs fédérations qui précise clairement que « lorsqu’une entreprise envisagera de mener une campagne de prospection téléphonique, elle expurgera de ses fichiers les coordonnées des personnes inscrites dans la liste, excepté celles qui lui auraient été volontairement transmises par les consommateurs eux-mêmes ».

Nous concédons que l’unique point positif d’une telle mesure réside dans la prise en compte du fait que les fichiers utilisés dans les opérations de prospection ne sont pas toujours issus de l’annuaire téléphonique, mais qu’ils sont parfois constitués par les entreprises elles-mêmes.

Cependant, nous ne pouvons être que sceptiques : cette future liste se greffe sur des dispositifs déjà existants – listes rouge, orange, Robinson – au risque de créer de la confusion chez les particuliers.

La procédure demeure compliquée puisqu’il faudra envoyer un courrier avec le numéro de téléphone concerné, les nom et prénom du titulaire de la ligne, son adresse postale ainsi qu’une copie de sa carte d’identité, ce qui signifie que l’on sera amené à fournir des informations supplémentaires.

Par ailleurs, je m’interroge sur les pratiques qui consistent maintenant pour les consommateurs à donner de manière volontaire des informations permettant à des sociétés de relayer ces renseignements à des fins commerciales. Il en est ainsi, par exemple, des réseaux sociaux tels que Facebook.

Ces pratiques inquiètent les défenseurs de la vie privée. En effet, ce réseau constitue la plus grande base d’informations personnelles pouvant être utilisées à des fins commerciales. D’ores et déjà, de nombreux utilisateurs se plaignent du ciblage publicitaire dont ils sont victimes par le biais de Facebook, à la suite de visites de sites internet.

Nous le voyons bien, la question fondamentale réside dans la valeur marchande des informations portant sur les consommateurs. À ce titre, nous estimons qu’il faudrait définir comme illégale toute vente de données relatives à des consommateurs, ce qui permettrait de mieux garantir le respect des libertés individuelles.

D’autre part, les agents de la DGCCRF sont habilités à contrôler le respect des dispositions législatives. Or, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes subit également les affres de la RGPP, si chère à notre Gouvernement, et n’a tout simplement pas les moyens d’effectuer l’ensemble de ces contrôles.

Je déplore les évolutions préconisées par la commission et par le rapporteur, qui réduisent la portée de la proposition de loi initiale de nos collègues du RDSE.

Alors même que la lutte contre le démarchage abusif à des fins commerciales est un sujet plutôt consensuel, la réécriture préconisée du texte revient sur le principe selon lequel l’interdiction doit devenir la règle et l’autorisation l’exception : en effet, le consentement du consommateur est réputé acquis s’il n’a pas répondu dans un délai de deux mois à la sollicitation de l’opérateur. L’assentiment exprès est ainsi limité aux nouveaux contrats passés par les opérateurs téléphoniques.

La rédaction préconisée englobe l’application de ces dispositions aux instituts de sondage ainsi qu’au démarchage téléphonique dont la visée ne serait pas de nature commerciale. Il s’agit d’un élargissement dangereux.

Pour toutes ces raisons, nous préférions, je le répète, la proposition de loi initialement déposée par le groupe RDSE. Cependant, reconnaissant que ce texte participe à une prise de conscience des méfaits du démarchage téléphonique, même s’il ne constitue qu’une avancée extrêmement limitée dans la bonne direction, nous le voterons. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous remercions M. Mézard d’avoir présenté cette proposition de loi, à laquelle nous souscrivons pleinement. Celle-ci vise à renforcer les droits de la personne, et le respect de l’intimité et de la vie privée du consommateur, plus généralement des citoyens que nous sommes tous.

La question qui nous occupe aujourd’hui se posait peu il y a quelques décennies et se posait différemment il y a quelques années. J’ai évoqué récemment auprès d’interlocuteurs de mon département cette proposition de loi : elle a recueilli l’assentiment spontané d’une très forte majorité d’entre eux. Beaucoup m’ont dit qu’il était grand temps d’agir. Les témoignages abondent de personnes constamment dérangées dans la journée, voire, de manière abusive, tôt le matin ou tard le soir, par toutes sortes de démarchages à caractère commercial.

Ces prospections provoquent un effet de lassitude et même une sorte de colère chez nos concitoyens, qui ne supportent pas ces intrusions répétitives, d’autant que les techniques se sont énormément améliorées ! On m’a signalé que des systèmes très puissants permettaient dorénavant d’appeler automatiquement des centaines de milliers de numéros depuis des pays éloignés, contribuant ainsi à développer des pratiques intrusives extrêmement désagréables. On m’a même parlé de harcèlement.

Si nous avions les moyens de le vérifier, nous constaterions que cette proposition de loi serait très certainement plébiscitée par tous ceux qui subissent les inconvénients de ces agissements. C’est pourquoi je peux d’ores et déjà vous faire part de l’accord de notre groupe sur la proposition présentée par M. Mézard.

Il est nécessaire que ce texte prenne en compte la commercialisation des fichiers d’abonnés, institue des amendes – faute de quoi la loi serait inopérante – et prévoie que l’accord explicite des personnes soit demandé par l’opérateur pour transmettre les coordonnées à des fins de prospection commerciale.

Je ferai simplement deux remarques.

Ma première remarque a trait à une question déjà évoquée par ma collègue Odette Terrade : il s’agit des démarches liées aux élections. En effet, le phoning, ou campagne téléphonique, se pratique désormais dans un certain nombre d’endroits. Sans porter de jugement sur cette pratique, qui s’est beaucoup développée dans d’autres pays et est maintenant utilisée en France, il serait opportun à la faveur de l’examen de ce texte de préciser comment le dispositif prévu sera appliqué aux démarches à caractère électoral. Le plus simple serait certainement que le dispositif ne s’applique qu’aux démarches à caractère commercial. Cela étant, quand un candidat fait appel à une entreprise, s’agit-il de commerce ? Nous aurions intérêt à préciser les choses.

S’agissant de la pratique des sondages par téléphone, nous avons adopté, à une très large majorité, une proposition de loi déposée par Hugues Portelli et moi-même, visant à réviser la loi de 1977, qui n’est plus conforme aux pratiques actuelles. Monsieur le secrétaire d'État, je profite de votre présence ici, au Sénat, pour vous dire combien nous serions sensibles au fait que l'Assemblée nationale examine prochainement ce texte, afin que la nouvelle législation puisse s’appliquer lors des prochaines élections présidentielles. Ce serait extrêmement positif.

La proposition de loi que j’ai présentée avec Hugues Portelli a pour objet de mieux encadrer les sondages. Il nous semble tout à fait légitime d’effectuer des sondages par téléphone. Nous avons proposé aux instituts de sondages, avec lesquels nous avons beaucoup dialogué, de travailler en toute transparence et avec rigueur. Mais nous avons aussi pris en compte leurs préoccupations. Il serait dommageable de porter atteinte à la possibilité de mettre en œuvre des sondages, notamment à caractère politique, par téléphone. Des précisions doivent donc être apportées sur ce point.

Ma seconde remarque concerne la proposition de M. le rapporteur d’appliquer le dispositif non seulement aux nouveaux contrats qui seront signés entre les usagers et les opérateurs, mais également aux contrats en cours. Si ces derniers n’avaient pas été intégrés, la loi n’aurait eu que peu d’effet. Cet important apport de la commission nous paraît opportun, mais nous proposons de le compléter par un amendement que défendra M. Yung tout à l’heure. Il est bon que l’opérateur soit dans l’obligation d’interroger son client pour savoir s’il souhaite ou non faire l’objet de prospections à caractère commercial. Mais nous estimons que l’absence de réponse de ce dernier dans un délai de deux mois – je reprends l’idée défendue à l’instant par Mme Terrade – doit être considérée comme un refus de toute prospection commerciale.

Telles sont les quelques remarques que je souhaitais formuler au nom du groupe socialiste. La démarche de M. Mézard nous paraît excellente ; c'est la raison pour laquelle nous voterons avec une grande conviction cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous en avez certainement tous déjà fait l’expérience : en matière de démarchage téléphonique, les pratiques commerciales s’avèrent de plus en plus agressives, importunant le consommateur contre son gré, en lui soumettant une multitude d’offres et d’informations commerciales qu’il n’a pas sollicitées. Cela m’est d’ailleurs arrivé pas plus tard que ce matin !

Les appels sont souvent à répétition, parfois très matinaux, voire très tardifs, y compris le week-end. Ces méthodes importunent trop fréquemment nos concitoyens et nourrissent parfois chez eux un sentiment d’insécurité, personne n’ayant connaissance des potentiels détenteurs de données personnelles.

Un droit spécifique à la protection des données personnelles a été instauré dans notre pays. Dès 1978, le Parlement a souhaité agir. La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés a institué une autorité indépendante, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, chargée entre autres d’autoriser le traitement des données et de garantir les droits d’accès et de rectification de chacun aux informations le concernant.

Ce droit spécifique à la protection des données personnelles s’est construit progressivement sur le plan tant européen que national.

Outre les droits essentiels que sont le droit d’accès et le droit de rectification, la loi « Informatique et libertés » garantit également un droit de s’opposer, sans justification, à ce que les données personnelles soient utilisées à des fins de prospection, en particulier commerciale.

En effet, la législation et la réglementation actuelles prévoient que le consommateur peut, s’il en fait expressément la demande, s’opposer à ce que ses données personnelles soient utilisées dans des opérations de prospection directe, c’est-à-dire en matière de démarchage téléphonique ou de télémarketing, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur.

Ce droit d’opposition, dit opt out, s’applique notamment à la réception des appels téléphoniques dans le cadre d’opérations de démarchage effectuées par une personne. Son efficacité est cependant liée à la connaissance qu’en ont les intéressés. En outre, les abonnés doivent effectuer une démarche pour protéger leurs données personnelles.

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui a pour objet d’inverser cette situation. Le consommateur devra donner son consentement exprès préalablement à tout traitement de ses données personnelles à des fins de démarchage téléphonique commercial : il s’agit du principe dit opt in.

En édictant une telle obligation, ce texte a pour ambition de renforcer les droits du consommateur.

Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, tenir compte de l’encadrement existant et de l’objectif recherché, en retenant un système protecteur à la source. C’est pourquoi vous nous proposez une nouvelle règle pesant sur les opérateurs téléphoniques, désormais soumis à l’obligation du consentement exprès.

Nous souscrivons pleinement à cette démarche, qui constitue une avancée juridique en retenant le principe de l’opt in pour alimenter la source normale du démarchage téléphonique : les listes d’abonnés.

Comme vous nous l’avez rappelé, elles impliquent activement les personnes concernées puisque celles-ci devront consentir à l’utilisation de leurs coordonnées téléphoniques.

Ce système est donc plus protecteur que celui de l’opt out, qui est encore aggravé par l’absence fréquente d’information claire et d’une procédure simple pour faire valoir ses droits.

Le texte fixe ainsi dans le droit français le principe du recueil du consentement exprès de l’abonné à un service téléphonique, fixe ou mobile, pour l’utilisation de ses données personnelles à des fins de démarchage téléphonique commercial, que l’utilisateur soit l’opérateur lui-même ou une autre personne.

Ce nouveau droit devra être intégré dans les mentions figurant obligatoirement sur le contrat d’abonnement téléphonique.

Je m’arrêterai un instant sur la question des démarches téléphoniques à but électoral, dites de phoning, au sujet desquelles la commission des lois a longuement débattu. Ces démarches ne sont pas commerciales. Cette question a été réglée dans le « paquet électoral », récemment adopté par le Sénat, qui interdit le phoning le jour du vote.

Le texte que nous examinons prévoit une sanction pour tout traitement d’informations à caractère personnel concernant une personne physique qui n’aurait pas donné son accord exprès préalable, lorsque le traitement répond à des fins de prospection commerciale.

Notre rapporteur – que je tiens à saluer pour la qualité de son minutieux travail – a souhaité proposer de limiter cette sanction à une amende de 45 000 euros pour le non-respect du consentement préalable de l’abonné. Il semble, en effet, préférable de réduire la sanction initialement proposée.

Par ailleurs, un dispositif exceptionnel est prévu afin de régler la situation particulière des abonnements téléphoniques en cours.

Au pouvoir réglementaire est laissé le soin de déterminer les moyens les plus appropriés afin de recueillir l’accord de l’abonné pour l’utilisation de ses données personnelles à des fins de démarchage, dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi.

À défaut de réponse dans un délai de deux mois, le consentement sera réputé acquis afin de ne pas enrayer le système.

Enfin, le non-respect par les opérateurs de l’obligation fixée par le législateur sera sanctionné de la même peine d’amende que celle qui a été énoncée précédemment.

Comme l’affirme le Conseil national de la consommation, le CNC, l’efficacité de la protection des données et de la vie privée est devenue autant une condition du développement de la liberté individuelle qu’un facteur important de la confiance des consommateurs.

Mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une réponse importante à ces deux objectifs. Elle est nécessaire pour renforcer le droit des consommateurs, et donc de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle – monsieur Mézard, vous allez être heureux ! – le groupe UMP votera le texte issu des travaux de la commission.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

I. – Après l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 34-5-1. – Lors de la conclusion d’un contrat de fourniture de service téléphonique au public, l’opérateur de communications électroniques doit recueillir le consentement exprès de l’abonné, personne physique, pour l’utilisation par voie téléphonique, par lui-même ou par un tiers, de ses données à caractère personnel à des fins de prospection directe ».

II. – Après le septième alinéa de l’article L. 121-83 du code de la consommation, il est inséré un g ainsi rédigé :

« g) Le consentement ou le refus du consommateur à l’utilisation de ses données à caractère personnel à des fins de prospection directe. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n°3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

par lui-même ou par un tiers

par les mots :

par un tiers au contrat

II. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« g) la mention du consentement ou du refus du consommateur quant à l’utilisation de ses données à caractère personnel à des fins de prospection directe. »

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Cet amendement vise à préciser les champs du dispositif prévu par la commission pour permettre aux opérateurs téléphoniques d’entrer en contact téléphonique avec leurs propres clients.

Je l’ai évoqué tout à l’heure, il est indispensable de préserver les dispositifs actuels de protection du consommateur tels que les dispositifs d’alerte, plébiscités par les consommateurs, et les conseils personnalisés aux clients.

C’est une évidence, il ne faut pas que nous n’empêchions les consommateurs de disposer de services bénéfiques en essayant de les protéger des abus. Cet amendement est donc indispensable à l’équilibre du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement prévoit un assouplissement opportun et évite d’enfermer les relations directes entre l’opérateur et le client dans un cadre trop rigide. La commission a émis un avis favorable.

Je profite de la discussion de cet amendement pour confirmer, cela figurera au Journal officiel, que les sondages de nature politique ne sont évidemment pas concernés par la proposition de loi visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique. Seuls les sondages portant sur la qualité d’une lessive, par exemple, entreront dans le champ d’application de la loi.

Par ailleurs, le phoning, qui a déjà été encadré par le « paquet électoral », ne sera également pas touché.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous n’avons pas de difficulté avec la deuxième partie de l’amendement, qui vise à rédiger l’alinéa 4 de l’article 1er.

En revanche, la première partie de l’amendement, qui tend à modifier l’alinéa 2, nous pose problème.

La suppression de l’expression « par lui-même » exclut l’opérateur du champ de la loi et lui permet de mener des opérations de démarchage téléphonique auprès de sa clientèle.

Pourquoi l’opérateur bénéficierait-il d’un traitement privilégié ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Mais c’est le but de la manœuvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’opérateur a déjà les moyens de contacter sa clientèle et de la tenir informée, notamment grâce à l’envoi de factures sur lesquelles figurent trop souvent des messages commerciaux. Il peut également envoyer des mails.

Pourquoi lui permettre, ainsi que de nombreux orateurs l’ont souligné, d’entrer dans la vie privée des gens au moment de la préparation du dîner familial pour leur proposer des offres commerciales ? Pourquoi prévoir un tel traitement particulier alors que l’opérateur est en position de force par rapport au client ?

Je demande donc que nous pussions nous prononcer séparément sur les deux parties de l’amendement du Gouvernement, car notre vote ne sera pas le même dans l’un et l’autre cas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Mon cher collègue, scinder le vote n’aurait pas d’intérêt.

D’une part, la deuxième partie de l’amendement est purement rédactionnelle.

D’autre part, la première partie de l’amendement permettra à l’opérateur d’avoir une relation avec son client. Cette relation demeure uniquement contractuelle. Pourquoi l’opérateur n’aurait-il pas la possibilité de reprendre contact avec son client ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Vous affecteriez le droit d’une technique assez nouvelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout le monde n’a pas internet ! Vous vivez sur une autre planète que la plupart de nos concitoyens !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Lorsque nous en avons débattu en commission, l’auteur de la proposition de loi a parfaitement compris que l’amendement du Gouvernement était en réalité largement rédactionnel et ne gênait en rien la réalisation des objectifs visés au travers du texte.

Enfin, je rappelle que les relations de l’opérateur avec ses clients sont déjà encadrées lorsqu’il réalise un traitement des données relatives au trafic.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’ai en effet donné mon accord sur cette proposition de modification dans la mesure où l’article qui est visé dispose que « lors de la conclusion d’un contrat de fourniture de service téléphonique au public, l’opérateur de communications électroniques doit recueillir le consentement exprès de l’abonné, personne physique, pour l’utilisation par voie téléphonique, par lui-même ou par un tiers, de ses données à caractère personnel à des fins de prospection directe ».

Il y a donc une relation contractuelle entre l’opérateur et le client.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour y avoir réfléchi depuis, le danger serait qu’un opérateur se serve de cette possibilité pour développer des services annexes pour le compte d’un tiers.

Il est cependant clair – on peut d’ailleurs interpeller le Gouvernement sur ce point – que notre volonté n’est pas de permettre à l’opérateur d’utiliser cette disposition pour offrir des services pour le compte d’un tiers.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Bien sûr ! Il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Mézard a parfaitement raison quant à notre intention. Tout détournement de la loi pourra être sanctionné.

Je l’ai dit tout à l’heure, l’objectif du Gouvernement est le même que celui de la Haute Assemblée. Si cet amendement n’était pas retenu, nous ne serions plus d’accord.

En effet, sont créés avec les opérateurs eux-mêmes des dispositifs qui protègent les consommateurs. Sans cet amendement, on entrerait dans une logique absurde qui empêcherait les opérateurs de mettre en place des dispositifs de protection des consommateurs !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Sans cet amendement, le dispositif irait contre l’intérêt des consommateurs eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur Yung, maintenez-vous votre demande de vote par division ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Au vu des arguments fournis, j’y renonce.

Si vous nous dites que la relation entre l’opérateur et le client est déjà bien encadrée, je suis en grande partie satisfait. Je ne veux pas être un facteur de division sur un sujet pour lequel nous recherchons l’unanimité.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

(Supprimé)

Après l’article L. 39-3-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 39-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 39-3-2. – Les infractions à l’article L. 34-5-1 sont punies d’une amende de 45 000 €. » –

Adopté.

I. – Pour les contrats en cours, l’opérateur de communications électroniques recueille le consentement de l’abonné, personne physique, dans le délai d’un an à compter de la publication de la présente loi selon des modalités fixées par voie réglementaire.

À défaut de réponse de l’abonné dans le délai de deux mois à compter de la demande de l’opérateur, son consentement est réputé acquis.

II. – Le non-respect de cette obligation est puni de la peine d’amende prévue à l’article L. 39-3-2 du code des postes et des communications électroniques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 2, présenté par MM. Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le défaut de réponse de l’abonné dans le délai de deux mois à compter de la demande de l’opérateur équivaut à un refus.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à inverser l’interprétation du défaut de réponse de l’abonné.

Comme plusieurs orateurs l’ont souligné, il s’agirait de passer d’un opt in – comme l’on dit en français ! – à un opt out.

Nous aurons également ce débat lorsque nous discuterons de la proposition de loi sur les actions de groupe, texte qui sera certainement inscrit prochainement à l’ordre du jour de notre assemblée, car il recueille un soutien assez général.

Nous proposons que le défaut de réponse de l’abonné dans un délai de deux mois équivaille à un refus. Contrairement au dicton, qui ne dit mot, ne consent pas !

Certains silences éloquents peuvent transformer l’acte juridique en une acceptation tacite. Cependant, en la matière, nous ne voyons pas quelles circonstances permettraient de donner à ce silence une signification particulière d’acceptation.

La proposition de loi a pour objet fondamental – je me tourne vers son père – de protéger le consommateur. Tel est aussi le sens de cet amendement.

Naturellement, de nombreux abus ont été dénoncés par les uns et par les autres. Nous avons tous subi le démarchage téléphonique et ne savons pas toujours comment réagir. Après tout, la personne qui téléphone est un salarié – pas toujours d’ailleurs ! Elle fait son travail honnêtement et ne mérite pas d’être renvoyée brutalement, même si elle appelle au domicile à vingt heures. Que lui dire ?

Il faut, selon nous, accentuer la défense de la vie privée et familiale : c’est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La commission a décidé de régler le sort des contrats en cours, ce que la proposition de loi initiale ne prévoyait pas. Il va de soi que nous aurions affaibli la portée de la loi si nous avions procédé autrement.

Pour les contrats en cours, nous avons donc invité le Gouvernement à fixer par voie réglementaire les modalités selon lesquelles l’opérateur recueillera, dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi, le consentement de l’abonné pour utiliser ses coordonnées.

Le client pourra être informé par les factures qu’il recevra, éventuellement par un jingle lors de la première intervention du démarcheur, etc. Cependant, s’il n’a pas expressément répondu à la demande de l’opérateur au bout de deux mois, alors qu’il aura eu tout loisir de le faire, on considérera qu’il n’a pas exprimé de refus.

En agissant autrement, on ferait du consommateur un incapable majeur qui aurait besoin d’une protection totale !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Il faut responsabiliser le consommateur et l’amener à se prononcer dans un délai raisonnable.

J’ajoute qu’il ne s’agit nullement d’un opt in définitif : à tout moment, lorsqu’il estimera être harcelé, l’abonné pourra se rapprocher de son opérateur et l’informer qu’il ne veut plus que ses données soient utilisées.

Nous avons trouvé là un équilibre, qui permet notamment de rassurer les professionnels qui travaillent dans ce domaine, pour que cette loi ne soit pas totalement effrayante. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. le rapporteur a été très clair. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'objet de cet amendement est pertinent. Pour autant – je le dis comme je le pense –, si le texte qui est proposé par la commission pouvait entrer en application et si les dispositions prévues à l'article 4 suivaient le bon chemin législatif, cela constituerait un progrès considérable. En effet, des millions de contrats sont en cours : obliger l’opérateur à s’adresser à chaque client pour lui signifier qu’il a deux mois pour donner ou non son accord sur l’utilisation de ses données personnelles serait déjà une avancée notable par rapport à la situation actuelle, même si j’entends bien qu’avec l’adoption de cet amendement le progrès serait encore plus important.

J’en profite pour répondre plus directement aux propos de M. le secrétaire d'État. Si j’ai bien compris, il considère que ce texte est intéressant, mais qu’il convient de voir si le dispositif Pacitel qui sera mis en place prochainement est satisfaisant avant de recourir à des dispositions législatives.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que, avec le dispositif Pacitel, l’usager qui ne voudra plus être importuné devra faire preuve d’une attitude volontariste pour s’inscrire sur une liste, alors que le dispositif ne prévoit nullement que les abonnés devront être avertis qu’une telle possibilité leur est offerte. C’est de la poudre aux yeux !

Il n’est qu’à voir la procédure que devra suivre l’abonné et les pièces qu’il devra fournir ; j’ai le document sous les yeux. Il lui faudra adresser un courrier – on ne sait ni sous quelle forme ni à qui – avec le numéro de téléphone, les nom et prénom, l’adresse postale et la copie de la carte d’identité du titulaire de la ligne, ainsi que de la facture de la ligne. Nous savons très bien qu’une quantité infinitésimale d’usagers s’inscrira sur cette liste et que le dispositif a été élaboré – je le dis sans ambages, car le débat a été, comme à l’accoutumée, constructif et courtois – pour répondre à la volonté des professionnels.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à la suppression du démarchage téléphonique, qui permet à des entreprises de prospérer. Une telle pratique contribue au développement de l’économie, ce qui est positif. Il n’en reste pas moins que le dispositif Pacitel permet d’afficher que l’on se préoccupe de la protection des usagers, alors que nous savons pertinemment que seule une disposition législative claire permettra d’éviter les abus.

Si nous ne procédons pas ainsi, monsieur le secrétaire d'État, il nous faudra cent fois sur le métier remettre notre ouvrage, car la pression de nos concitoyens sera de plus en plus forte, comme nous le constatons sur le terrain et dans nos permanences, où le problème est souvent évoqué.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Contrairement à vous, monsieur Mézard, je ne veux pas jeter la suspicion sur le dispositif que sont en train de mettre en place les professionnels. Au contraire, cette démarche doit être saluée. Elle sera appliquée et nous verrons comment elle fonctionne.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je le répète, il me paraît opportun d’explorer toutes les pistes. Au Canada, un dispositif similaire au dispositif Pacitel fonctionne. Il nous reviendra alors de déterminer lequel de ces systèmes est le plus efficace.

Monsieur Mézard, vous avez raison d’insister sur la nécessité de renforcer l’obligation faite aux opérateurs d’informer les consommateurs. J’ai affirmé tout à l’heure que je suis tout à fait ouvert à l’idée de consolider le dispositif, éventuellement par voie législative. Mais encore faut-il qu’il fonctionne et qu’il se révèle aussi efficace qu’au Canada !

C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, j’ai salué votre démarche. Il me semble utile d’examiner la proposition de loi déposée par le groupe du RDSE, ainsi que le dispositif mis en place par les professionnels, éventuellement en le renforçant. Vous l’avez souligné à juste titre, un certain nombre d’obligations doivent figurer expressément dans la loi.

À la lumière de ce qui s’appliquera dans les mois à venir sur le terrain et de ce qui est déjà en vigueur dans un certain nombre de pays, chacun sera à même de juger quel dispositif est le plus efficace pour protéger les consommateurs sans fragiliser le secteur concerné. Je tiens à préciser que les professionnels ne commettent pas tous des abus. Pour la plupart – vous l’avez souligné –, ils accomplissent leur travail correctement. Par ailleurs, beaucoup d’emplois sont en jeu.

Au cours de la discussion générale, malgré les réserves que j’ai émises sur un certain nombre de points, j’ai déclaré que je ne m’opposais pas à cette proposition de loi, mais que je m’en remettais, au nom du Gouvernement, à la sagesse de la Haute Assemblée.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Gouvernement avait initialement proposé des sanctions administratives, mais il a retiré les amendements qui allaient dans ce sens. Dans un certain nombre de domaines touchant, notamment, au droit de la concurrence et de la consommation, on s’aperçoit pourtant que celles-ci sont extrêmement efficaces pour faire cesser les comportements anormaux, bien plus d’ailleurs que ne le sont les procédures pénales. Entendons-nous bien, disant cela, je ne mets pas en avant l’argument de l’encombrement des juridictions, car je pense qu’il faut laisser à chacun le soin de poursuivre éventuellement au pénal.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Selon moi, il serait judicieux de réfléchir à l’opportunité de prévoir des sanctions administratives au cours de la navette parlementaire. De telles sanctions existent pour le travail dissimulé et donnent des résultats plutôt satisfaisants. Si les abus se répètent, il sera toujours temps de transmettre au parquet et d’envisager des poursuites.

Prévoir une amende d’un montant de 45 000 euros est un peu excessif si une seule infraction est commise. En revanche, infliger régulièrement des amendes administratives de 15 000 euros est une mesure d’une efficacité redoutable, qui a fait ses preuves dans certains domaines de la concurrence.

Nous pourrons réfléchir aux sanctions pénales, mais il faut auparavant prévoir des sanctions administratives.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je l’ai souligné tout à l’heure, la sanction administrative est sans doute le dispositif le plus efficace. Il peut se conjuguer avec d’autres mesures. J’ai bien noté que le texte prévoyait initialement des peines d’emprisonnement de cinq ans.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Il sera toujours temps d’avoir un tel débat. Quoi qu’il en soit, je partage l’analyse du président de la commission des lois. Sur ce sujet, ce qui compte, c’est l’efficacité et la rapidité. De ce point de vue, la sanction administrative est beaucoup plus adaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 mai 2011 :

À quatorze heures trente :

1. Propositions de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine (nos 172 et 173, 2010-2011).

Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (454, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 455, 2010-2011).

Avis de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (423, 2010-2011).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques sur « La France et l’évolution de la situation politique dans le monde arabe ».

À dix-huit heures :

3. Suite de la proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine.

Le soir et, éventuellement, la nuit :

4. Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

5. Projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes (322, 2010 2011).

Rapport de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (386, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 387, 2010-2011).

6. Proposition de résolution européenne tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne, présentée, en application de l’article 73 quinquies du Règlement (n° 226, 2010-2011).

Rapport de M. Daniel Marsin, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (310, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.