Intervention de Yvon Collin

Réunion du 28 avril 2011 à 15h00
Renforcement des moyens de contrôle et d'information des groupes politiques — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin, auteur de la proposition de loi :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. »

Voilà, madame la présidente, mes chers collègues, tout le fondement de notre pouvoir. Voilà toute la légitimité du pouvoir constitutionnel qu’est le Parlement.

L’exercice de la souveraineté part du peuple et, toujours, il doit y revenir ; mieux, il ne doit jamais s’en éloigner.

Le peuple est divers, le Parlement est divers, chacun des groupes politiques qui le composent l’est également, et le RDSE en est le meilleur exemple.

Mes chers collègues, c’est de par notre diversité que nous sommes vraiment les représentants de la nation souveraine. C’est de notre diversité que nos assemblées tirent leur essence d’assemblées démocratiques. Notre fonctionnement doit être fidèle à cette diversité. Il n’y a pas de Parlement démocratique qui ne la respecte.

Il s’ensuit que le Parlement ne saurait être le siège d’aucun monopole. La majorité exerce, si l’on veut, une forme de monopole, mais c’est un monopole ponctuel, fugace, qui se limite au moment très bref du vote. Or le Parlement n’est pas que le lieu des votes : c’est aussi et peut-être surtout le lieu des débats et des délibérations.

Dans les délibérations, tout doit être pluriel, tout doit être partagé. Le partage, c’est l’échange ; mieux encore, c’est le don. Les assemblées parlementaires, souvent décrites et parfois vécues comme des lieux d’antagonisme, sont avant tout des lieux de don. C’est à cette condition que la nation peut percevoir que le Parlement est à son image, l’image d’une société politique où la différence des points de vue et des préférences coexistent dans la communauté d’une association politique dans laquelle importe avant tout l’accord sur la nécessité de délibérations communes.

Toutefois, ce don ne peut être n’importe quel don. À l’évidence, il rayonne au-delà de nos hémicycles en direction de la nation. Le destinataire ultime, c’est elle. Or on ne fait pas n’importe quel don à la nation. Tout mandat électif implique l’engagement de lui faire le don de son attention, mais cela ne suffit pas. L’attention qu’il nous faut porter à la nation doit être une attention appliquée, sérieuse, informée. Le Conseil constitutionnel l’a, d’une certaine manière, reconnu en dégageant le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires.

De fait, l’engagement politique réclame cette vertu qui, à tout le moins, implique une forme de déontologie : s’engager à prendre soin de la nation, et mm à en prendre un soin rigoureux. C’est notre responsabilité collective et c’est la responsabilité de chacun d’entre nous.

Mais n’est responsable que celui qui est en état d’assumer ses devoirs. Pour remplir nos obligations, qui sont au cœur de notre mandat démocratique, nous avons besoin de moyens et, ces moyens, nous y avons droit !

Il n’y a point ici de distinction à faire entre un parlementaire et un autre. Face à notre responsabilité démocratique, nous sommes tous égaux. Partant, nous sommes tous égaux devant les droits qui sont nécessaires à l’accomplissement de notre devoir.

Chacun le sait ici, l’histoire parlementaire est traversée par la préoccupation de donner aux représentants du peuple la garantie des droits indispensables à leur mandat et par les luttes entreprises en ce sens. Toute l’histoire des parlements démocratiques est l’histoire d’un élargissement de leurs moyens et, même si nous respectons tous ici les équilibres du régime politique que dessine la Constitution, nous devons admettre que cette histoire n’est pas finie.

C’est dans cette histoire que, modestement, s’inscrit la proposition de loi que j’ai déposée avec l’ensemble des membres de mon groupe et dont tout l’objet est d’augmenter les moyens des parlementaires en vue de leur permettre d’exercer plus pleinement leur responsabilité élective, qui est leur responsabilité démocratique, ni plus, ni moins !

Mes chers collègues, notre pays souffre de sa politique, et nous ne sommes pas les derniers à éprouver cette souffrance. Il semble en effet qu’un nombre toujours plus important de nos concitoyens ait le sentiment diffus que les réponses du politique ne sont pas celles qu’ils en attendent. L’abstention progresse ; nous nous en lamentons. La confiance dans les institutions régresse ; nous le déplorons. L’influence des partis non républicains augmente ; nous nous en inquiétons et nous déclarons vouloir nous mobiliser pour endiguer ce que nous percevons à juste titre comme une montée des périls.

Les sentiments contre-démocratiques qui agitent certains de nos concitoyens ne sont pas seulement des sentiments de déception devant les résultats d’une politique donnée. Il y a plus grave : la percée d’un sentiment de défiance, particulièrement vis-à-vis des institutions.

Cette défiance ne s’ancre pas dans la considération d’un manquement à une obligation de résultat. Bien pis, elle met en cause notre capacité à satisfaire à nos obligations d’employer tous nos moyens au service du pays.

Plus que jamais, nous devons obvier à ce sentiment. Plus que jamais, nous devons nous préoccuper non seulement de mettre en œuvre les moyens dont nous disposons mais également, si c’est nécessaire et lorsque ça l’est, les réunir.

Or cette nécessité se fait toujours et encore plus sentir à mesure que les affaires du monde se complexifient et que les défis dont la société attend de nous que nous les prenions à bras-le-corps se diversifient.

Sans doute, presque par réflexe d’ailleurs, ne sommes-nous pas restés inertes face à la possible perte d’efficacité de notre mission que nous percevons. Dans certaines proportions, nous avons su voir le grave péril que représente cette perspective et, tous, nous ressentons la nécessité de le prévenir.

Des réformes, dont je ne citerai que les plus réussies, ont ainsi été adoptées.

Ce fut d’abord l’initiative, sur le moment passée un peu inaperçue, mais désormais considérée comme un exemple, qui a conduit à la réforme de l’ordonnance organique sur les lois de finances : c’est maintenant la fameuse LOLF.

Cette réforme était – faut-il le rappeler ? – d’origine parlementaire puisque issue d’une proposition de loi organique de Didier Migaud, relayé au Sénat par notre ancien collègue Alain Lambert, dont je veux saluer le rôle, notamment parce qu’il a alors témoigné d’un esprit transcendant les attaches partisanes pour promouvoir ce qui lui paraissait être l’intérêt du Parlement et finalement celui de la Nation.

Permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’associer à cet hommage celui qui est encore le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, sans le soutien duquel cette réforme n’aurait pas été possible.

Je crois pouvoir citer également la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale, dont la discussion a donné au président de la commission des affaires sociales et à notre collègue Philippe Vasselle de défendre les missions du Parlement. Il faut en effet savoir que le rôle joué alors par le Sénat n’a pas été seulement d’améliorer le texte de l’Assemblée nationale : il est allé très au-delà puisque notre assemblée a ajouté au texte transmis la totalité des articles relatifs à l’information et au contrôle du Parlement.

Malheureusement, un certain nombre d’évolutions récentes laissent plus sceptiques.

Je reconnais que les tentations de supprimer certaines délégations parlementaires dans lesquelles nos assemblées ont trouvé des vecteurs utiles à la réflexion du Parlement ont été écartées, et je m’en réjouis. Je m’interroge toutefois sur les moyens d’action de ces délégations. Je m’inquiète des réticences manifestées par le Sénat devant l’initiative prise par l’Assemblée nationale de créer un comité ad hoc d’évaluation des politiques publiques, réticences qui ne font que prolonger les échecs finalement rencontrés par les offices parlementaires d’évaluation des politiques publiques et de la législation.

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