Notre collègue Yvon Collin, qui a le mérite de présenter cette proposition de loi, dit que les groupes ont trouvé place expressément au sein de la Constitution lors de la révision votée à Versailles le 23 juillet 2008.
Oui, mais cette reconnaissance s’accompagnait de la tentative de faire passer cette révision pour ce qu’elle n’est pas à notre sens, à savoir un renforcement des droits du Parlement !
Notre groupe a de la constance. Nos prédécesseurs se sont opposés à la Constitution de 1958, car elle portait en germe la présidentialisation de nos institutions et la subordination du Parlement à l’exécutif. Les gouvernements qui se sont succédé nous ont confortés dans cette analyse et n’ont fait qu’aggraver cette logique.
Mes amis et moi n’avons eu de cesse de souligner le recul du pouvoir législatif face au pouvoir exécutif. La loi constitutionnelle de 2008 n’a pas du tout remis en cause cette situation, elle l’a entérinée.
L’hyper-présidence de Nicolas Sarkozy depuis quatre ans confirme la difficulté croissante que rencontre le Parlement à remplir deux missions essentielles à nos yeux : représenter les citoyens et faire la loi.
Le divorce entre les citoyens et leurs représentants est aujourd’hui particulièrement inquiétant. En tant que parlementaires, c’est ce qui doit nous préoccuper le plus.
Le partage de l’ordre du jour, présenté comme le point d’orgue du renforcement du pouvoir des assemblées, a surtout permis à la majorité parlementaire d’accompagner les initiatives du Gouvernement. Le nombre de propositions de loi déposées à l’initiative de la majorité, qui ne sont en fait que des projets de loi recyclés pour des raisons conjoncturelles et opportunistes, le montre de façon manifeste.
De plus, comme il n’est pas possible d’examiner la question institutionnelle en dehors du contexte politique, comment ne pas constater que cette initiative parlementaire, dans le cadre d’une inflation législative gouvernementale renforcée, du développement de la législation d’affichage et d’opinion, met une pression permanente sur l’institution parlementaire, au point de dégrader fortement la qualité de l’intervention et du rôle du Parlement ?
L’adage « trop de lois tue la loi » se vérifie chaque semaine depuis plusieurs années, comme l’a d’ailleurs souligné le rapport de la commission des lois sur l’application des lois.
Soyons francs, l’initiative parlementaire, le fameux droit de tirage, se trouve marginalisée par cet activisme législatif du pouvoir et, de surcroît, elle est méprisée, en particulier à l’Assemblée nationale, par la majorité parlementaire.
Le dépôt systématique de motions de procédure sur les textes déposés par l’opposition confirme cette conception réductrice de l’initiative parlementaire. En réalité, il n’y a pas d’équivalence entre les propositions des parlementaires et les projets du Gouvernement.
Comment parler de renforcement des pouvoirs des groupes politiques, sources de structuration du débat politique, alors que le régime du « crédit temps » à l’Assemblée nationale réduit de plus en plus les débats à des déclarations de principe, abandonnant le travail législatif aux commissions ?
Au Sénat, malgré des tentatives de la majorité, l’équilibre des forces politiques n’a pas permis une telle restriction du débat démocratique – certains, sans doute, le regrettent –, même si l’utilisation extensive et excessive de l’article 40 de la Constitution, le développement de la règle dite « de l’entonnoir » limitant le dépôt d’amendements en deuxième lecture ou l’épée de Damoclès de l’irrecevabilité dite « réglementaire » de l’article 41 de la Constitution brident petit à petit la place des groupes parlementaires dans le travail d’élaboration législative.
Cette description de l’évolution, selon nous négative, du travail parlementaire, que la réforme de 2008 n’a pas permis de corriger, vise à souligner que les propositions du groupe RDSE concernant l’activité de contrôle des groupes, donc du Parlement, sont peu compatibles avec les rapports actuels entre les pouvoirs exécutif et législatif. Pour notre groupe, la question est ailleurs, elle est dans le déséquilibre, inhérent à la logique présidentialiste, qui prévaut aujourd’hui entre ces deux pouvoirs.
Les auteurs du texte indiquent dans l’exposé des motifs qu’« il est temps désormais de passer à l’étape suivante en donnant aux groupes politiques les moyens de leur mission constitutionnelle au service d’une démocratie parlementaire effective ». Je ne peux être en accord avec cette approche qui valide la révision constitutionnelle de 2008, ce que je me refuse à faire.
Pour restaurer les droits du Parlement et combattre le déséquilibre institutionnel actuel, dans la perspective des échéances électorales à venir, il faut élaborer, j’en suis convaincue, un autre projet constitutionnel qui rende réellement au peuple et à ses représentants leur souveraineté. Cela me paraît essentiel.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a démontré la conception de la démocratie parlementaire en vogue à l’Élysée : un Parlement aux ordres, une majorité convoquée régulièrement à l’Élysée pour se faire rappeler à l’ordre, une marche forcée dans les travaux législatifs.
Bien entendu, nous approuvons tout ce qui peut permettre aux groupes politiques de remplir leur mission, mais nous alertons également sur un renforcement excessif du travail de contrôle qui se ferait dans le cadre actuel, au détriment de l’essentiel, compte tenu des conditions dans lesquelles nous travaillons aujourd’hui.
Lorsque les auteurs s’interrogent sur le suivi des finances publiques, avec mon groupe je m’interroge sur le recul progressif de la participation du Parlement à l’élaboration du budget et de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous avons critiqué la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Celle-ci semble convenir à tout le monde, mais, au fil des années, on constate un amoindrissement considérable du rôle du Parlement en matière budgétaire. Vous proposez même de constitutionnaliser le fait que le Parlement ne soit plus libre en matière de décisions budgétaires et de finances publiques, ce qui est pourtant un droit essentiel du Parlement, pour les confier à Bruxelles. Comme vous pouvez le constater, des questions de fond nous séparent.
Pour renforcer le pouvoir des groupes politiques en matière budgétaire, commençons par supprimer les articles 40 et 41 de la Constitution…
Pour conclure, j’annonce dès maintenant que nous voterons contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité défendue par la majorité, qui utilise souvent ce procédé pour ne pas discuter sur le fond des propositions de loi de l’opposition. Un immense chantier constitutionnel est nécessaire pour démocratiser en profondeur les institutions. Toute proposition tendant à améliorer les moyens des groupes politiques, et donc du Parlement, mérite d’être prise en considération parce qu’elle aborde un sujet sur lequel nous aurions fort à gagner.