Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 28 avril 2011 à 15h00
Démarchage téléphonique — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, auteur de la proposition de loi :

… soit pour les favoriser, soit pour les réguler, soit parfois pour les interdire : dura lex, sed lex !

Mais une bonne loi est, par nature, une loi d’équilibre, qui préconise l’intérêt général tout en protégeant les libertés individuelles.

Les mutations profondes de nos sociétés ces dernières années ont entraîné des changements considérables, tant dans la vie quotidienne de nos concitoyens que dans les priorités des législateurs et des exécutifs.

Comparons la vie quotidienne des Français en 1911 et en 2011 : en un siècle, il y a eu plus de bouleversements que durant tous les précédents ! La loi précède de moins en moins ces mutations, et elle peine le plus souvent à les suivre et à les réguler.

Téléphone, téléphonie mobile, télévision, internet... ces moyens de communication ont plus qu’envahi notre quotidien ; ils sont pratiquement devenus des prolongements de notre corps, en attendant qu’ils s’y greffent !

Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que ces moyens de communication deviennent des instruments économiques, commerciaux et soient devenus des moteurs du développement. Légiférer dans ces domaines est difficile ; l’exemple HADOPI, qui est à l’ordre du jour, en est une illustration. Il n’en reste pas moins que cela est nécessaire.

Le démarchage téléphonique est aujourd’hui devenu une pratique courante et s’est développé de manière exponentielle et, il faut le dire, souvent anarchique, au mépris de la protection des usagers et de leur intimité.

Certes, la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés a apporté une première protection, mais ce rempart a été submergé par les nouveaux flux et les avancées technologiques.

La pêche aux clients, par le démarchage téléphonique, a pris une ampleur considérable et les mailles légales du filet sont tellement larges que le braconnage à toute heure et tous les jours de la semaine est devenu la règle.

Il faut reconnaître aussi que les quelques dispositions légales et réglementaires sont très souvent bafouées avec une impunité quasi totale. Je pense par exemple à l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, qui interdit le démarchage sans manifestation du consentement de l’usager quand il est réalisé au moyen d’un automate d’appels, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique.

La réalité du terrain, c’est d’abord que les usagers ignorent les quelques droits dont ils disposent et sur lesquels les opérateurs les informent le moins possible. On peut prendre pour exemple l’article R 10 du code des postes et des télécommunications sur la liste rouge et la liste orange.

La réalité du terrain, c’est ensuite que l’accroissement considérable du nombre d’appels intrusifs dans n’importe quelles conditions constitue un trouble excessif chez nos concitoyens, dérangés dans leur domicile à des heures et à des jours inopportuns et, pour certains, victimes d’abus de faiblesse, parfois même de pratiques relevant du harcèlement.

Mes chers collègues, il n’est pas crédible d’oser soutenir que le nombre d’appels téléphoniques de démarchage est raisonnable et de brandir en même temps, comme le fait l’Association française de la relation client, l’AFRC, le chiffre de 260 000 salariés dans 3 500 centres d’appel !

De même, dans certains cas, il est vrai très minoritaires, on peut s’interroger sur l’intérêt pour le développement économique de la France que nos concitoyens reçoivent des appels de la part de centres d’appel installés à l’étranger pour promouvoir la vente de produits fabriqués hors de nos frontières !

Mais soyons clairs : notre objectif n’est nullement d’interdire le démarchage téléphonique ; il est de parvenir à un équilibre entre la protection de l’usager et le souci légitime du développement économique. Nous avons des entreprises performantes à l’échelle internationale dans la technique des centres d’appel, des entreprises performantes avec des pratiques loyales dans le démarchage téléphonique. Mais il est temps de trier le bon grain de l’ivraie, dans l’intérêt même de ceux qui font du bon travail.

Pour cela, la régulation est nécessaire. D’ailleurs, plusieurs pays européens voisins, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, l’ont fait fermement sans mettre en danger leur économie. Il convient de légiférer rapidement avant même que l’exaspération des usagers n’entraîne dans l’urgence médiatique des réactions plus brutales.

Si la législation n’évolue pas aujourd'hui, elle le fera inéluctablement demain dans des conditions qui découleront des réactions très fermes de nombre d’usagers lassés de la situation. Je crois que c’est l’intérêt commun de travailler et de réfléchir en ce sens.

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