Chère collègue, vous le savez, au sein de la commission des finances, les membres de la majorité et ceux de l’opposition ne peuvent raisonner de la même façon s’agissant de la prime pour l’emploi.
Pour les membres de la majorité, ce dernier dispositif devait être une sorte d’impôt négatif visant à favoriser le retour à l’emploi ; vous vous souvenez du débat qui a eu lieu à l’époque.
Or force est de constater que la prime pour l'emploi s’est très largement diffusée, qu’elle s’est diluée jusqu’à devenir aujourd’hui un instrument complémentaire de pouvoir d’achat.
Les conditions qui entouraient la création de ce dispositif – c’était lorsque M. Lionel Jospin était Premier ministre – ont substantiellement évolué au fil des années. Nous sommes aujourd’hui très loin des motivations d’origine, qui, à la fin des années quatre-vingt-dix, étaient assez consensuelles au sein de la Haute Assemblée. En effet, il ne faut pas oublier que, lors des premiers débats sur le sujet, la commission des finances avait formulé des propositions de crédit d’impôt dont les intentions ont été reprises par le Gouvernement de l’époque pour aboutir au dispositif de la prime pour l’emploi.
Cependant, l’« enfant » issu de cette gestation n’a pas été exactement celui que nous attendions et, surtout, au fil du temps, le dispositif s’est étendu jusqu’à recouvrir une diversité sociale sensiblement plus grande. Aujourd’hui, on constate que cette prime est versée à 9 millions de foyers, dont la moitié n’est pas imposable. En outre, ainsi que beaucoup d’études l’ont montré, cette prime a très peu d’effets sur le retour à l’emploi. Enfin, la réalité observée maintenant semble très éloignée de la motivation initiale.
Depuis des années, la commission des finances plaide pour que le dispositif soit concentré sur des catégories qui se trouvent à la limite de l’emploi ou sur les travailleurs pauvres, vis-à-vis desquels un effort est nécessaire. Malheureusement, cela n’a pas été fait.
Par ailleurs, madame Bricq, vous le savez, voilà quelques jours, lors de l’examen en commission des crédits de la mission « Travail et emploi », nous avons voté, sur l’initiative de notre excellent collègue Serge Dassault, un amendement qui va tout à fait à l’opposé de ce que vous avez préconisé. Cet amendement vise en effet à réduire de 10 % les taux de la prime pour l’emploi, ce qui représente une économie de 300 millions d’euros.
En d’autres termes, nous avons estimé que le rabot devrait passer sur la prime pour l’emploi…