Intervention de Philippe Marini

Réunion du 19 novembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Articles additionnels après l'article 6

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

C’est un vrai sujet qu’évoque Mme Bricq. Pour autant, sa proposition apporte-t-elle la bonne réponse ?

Il est clair que pendant toute une période, notamment entre 2004-2007, les opérations de rachat à effet de levier, les LBO, ont fleuri. Les effets de levier ont souvent été supérieurs à 4 ou à 5.

Le secteur auquel se sont appliquées ces opérations a suivi le cycle économique. La crise et les baisses d’activité ont conduit à des situations qui peuvent apparaître difficiles.

À l’époque où ces LBO ont été montés, régnaient la surabondance des liquidités, une assez faible aversion aux risques et des pratiques d’enchères, voire un enchaînement de LBO successifs, des rachats sur rachats, qui ont impliqué, à chaque stade des opérations, un relèvement de l’effet de levier, en d’autres termes, un relèvement des exigences de rentabilité de l’entreprise pour garantir la faisabilité du montage.

Certaines sociétés-cibles ont été exagérément pressurées d’intérêts, malgré les qualités intrinsèques dont elles disposaient. Certaines se retrouvent aujourd’hui ou se retrouveront demain devant ce « mur du LBO », qui a été souvent évoqué dans les enceintes spécialisées ou dans la presse.

La question évoquée est tout à fait pertinente. Pour autant, alors que l’ambiance des affaires n’est pas aujourd’hui – à certains égards, hélas ! – celle des années 2004-2007, la bonne formule est-elle l’adoption d’une limite de déductibilité à un effet de levier de 1, 5 ? Il aurait sans doute fallu le faire à l’époque dont je parle.

Une telle mesure ne prépare-t-elle pas, dans une certaine mesure, la guerre précédente ? Ce n’est pas une critique, c’est une interrogation, que nous partageons avec vous, madame Bricq.

L’effet de levier raisonnable est-il de 1, 5 ? N’est-il pas un peu plus haut, à 2 ou à 3 ? En tout cas, c’est certain, il n’est pas à 4 ou à 5, ou même au-delà.

Les LBO ne sont pas nocifs par nature. Ils peuvent, si le mélange dette-capital est adéquat, permettre à la société-cible de franchir des paliers de croissance, mais il faut bien entendu éviter trop de rapacité et des montages trop tendus.

J’avoue mon incertitude. J’aurais souhaité que le Gouvernement puisse nous faire part de son analyse sur le sujet.

Je ne crois pas que la mesure soit adéquate ou pertinente aujourd’hui. Je crois, en revanche, qu’il convient de nous intéresser à cette question de manière réaliste, pour proposer une solution appropriée.

En conclusion, se pose aussi la question du dénouement des anciens LBO, trop exigeants pour les entreprises. Comment en sort-on ? C’est un sujet sans doute du ressort de Mme Christine Lagarde et sur lequel elle devrait être interrogée. Il serait en effet utile de connaître son estimation de ce risque pour l’économie. Il y a certainement un risque substantiel, en nombre d’entreprises et en volume d’emplois. Il ne peut pas être sous-estimé.

Sans doute faut-il enfin, par ailleurs, éviter que les dispositifs ne soient trop pousse-au-crime. Est-ce le dispositif imaginé par Nicole Bricq qui convient ? Faut-il regarder dans d’autres directions ? Nous aurions besoin d’un peu d’imagination et de capacité d’expertise.

Sous réserve de l’avis du Gouvernement, je ne crois pas que cet amendement puisse être adopté à ce stade.

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