Intervention de Jean-Paul Amoudry

Réunion du 7 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales suite

Photo de Jean-Paul AmoudryJean-Paul Amoudry :

Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord saluer à mon tour votre nomination au ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité et vous souhaiter beaucoup de réussite dans l'exercice de cette haute responsabilité au service de l'agriculture française, en formant le voeu de voir s'établir une fructueuse coopération entre vos services et le Sénat.

Je me permettrai également de saluer l'action de votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, qui a eu, entre autres mérites, celui d'engager une action réformatrice par le biais de l'élaboration du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et de la mise en chantier de la future loi de modernisation agricole.

Mon intervention portera sur l'agriculture de montagne. Celle-ci connaît actuellement une période de lourdes incertitudes et craint de subir durement les effets de la réforme de la PAC, malgré les efforts considérables accomplis depuis deux décennies par les exploitants de montagne pour s'engager dans la voie d'une production de qualité et de la modernisation de leurs équipements et de leurs installations.

Sur le plan des orientations, ce projet de budget comporte une innovation qui était très attendue, mais il suscite aussi certaines interrogations quant aux moyens prévus.

Tout d'abord, la réforme de l'aide à la modernisation des bâtiments d'élevage était très attendue depuis plusieurs années. A cet égard, le relèvement substantiel du plafond pour chaque exploitation prévu par ce projet de loi de finances est accueilli avec beaucoup de satisfaction.

Toutefois, des incertitudes subsistent, et ce pour deux raisons.

Premièrement, les crédits affectés aux bâtiments de montagne sont désormais incorporés à un fonds unique concernant l'ensemble du territoire. Or si les modalités d'octroi des subventions devraient permettre d'identifier l'enveloppe spécifique aux exploitations de montagne, rien n'indique, à ce stade, quel sera le montant de celle-ci. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements utiles sur ce point ?

Deuxièmement, cette ligne de crédits globale de 80 millions d'euros, la part des financements communautaires étant comprise, apparaît insuffisante au regard de l'effort de modernisation à accomplir sur tout le territoire, effort d' autant plus indispensable et urgent que la réforme de la PAC réservera le bénéfice des financements européens aux exploitations qui auront pu précédemment se mettre aux normes. Quelles assurances pouvez-vous nous donner pour l'avenir, monsieur le ministre, notamment pour les deux prochaines années, quant au niveau des moyens affectés à la modernisation des exploitations ?

Une autre question prioritaire pour les exploitations de montagne concerne la revalorisation des indemnités compensatrices de handicap naturel.

A la grande satisfaction de la profession agricole, le Gouvernement s'était engagé, voilà deux ans, à relever à hauteur de 50 % le montant de cette aide spécifique à l'agriculture de montagne pour les vingt-cinq premiers hectares exploités, et un relèvement de 10 % avait déjà été prévu dans le budget initial pour 2004 de votre ministère.

Cependant, lors de la présentation du projet de budget pour 2005, votre prédécesseur avait indiqué qu'à la suite des arbitrages budgétaires cette réévaluation ne serait pas reconduite l'année prochaine. Puis, le 21 octobre dernier, le Président de la République a assuré que le processus engagé l'an dernier se poursuivrait. Et M. Hervé Gaymard a annoncé le 8 novembre, devant nos collègues de l'Assemblée nationale, qu'un nouveau relèvement de 10 % de l' ICHN serait effectif dès 2005 et figurerait parmi les mesures inscrites dans la loi de finances rectificative pour 2004. Afin de rassurer pleinement les nombreux exploitants de montagne concernés par cette mesure, je vous serais reconnaissant de bien vouloir confirmer cette décision.

Enfin, la décision de l'ONILAIT de se désengager des actions destinées à accompagner la politique de qualité en montagne, dans les filières laitière et porcine, cause un profond désarroi au sein de la profession agricole.

Chacun connaît l'importance vitale de la « démarche qualité » pour les productions de montagne, principal facteur de différenciation pour compenser les surcoûts et handicaps et gage de pérennité des exploitations.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les moyens prévus pour compenser les diminutions de moyens financiers qui, du fait de la décision prise par l'ONILAIT, affectent ces actions à hauteur de 6, 2 millions d'euros pour le lait.

Je voudrais maintenant évoquer quelques problèmes, pour la plupart d'ordre financier, qui préoccupent fortement la profession agricole.

Je ne peux manquer de soulever ici la question, restée sans réponse, des demandes de remboursement partiel de la prime à l'herbe adressées par le CNASEA à 400 éleveurs français, dont 60 Haut-Savoyards. Cette situation est d'autant plus mal vécue qu'elle concerne principalement des subventions versées lors de la campagne 1998-1999 à des exploitations déjà fragilisées.

En dépit des appels lancés par la profession à différents niveaux de l'Etat, aucune décision n'a, semble-t-il, été prise. Voudriez-vous, monsieur le ministre, éclairer notre assemblée sur ce dossier ?

Une autre difficulté a surgi récemment dans les départements de montagne.

Sur la base d'une circulaire du 2 juillet 2004, le CNASEA effectue actuellement une campagne de contrôles sur les exploitations agricoles ayant bénéficié de prêts bonifiés, en particulier pour la construction de bâtiments d'élevage.

Or cette circulaire prévoit que les investissements doivent être réalisés et payés dans un délai maximum de deux mois à compter de la libération du prêt. Ce délai est évidemment irréaliste dans des secteurs où les conditions climatiques limitent considérablement les périodes de l'année pendant lesquelles les travaux extérieurs peuvent être réalisés.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, rechercher toutes les solutions appropriées, afin d'éviter aux exploitations concernées de se trouver dans une impasse et, parfois, d'être gravement fragilisées ?

Avant de mettre un terme à mon intervention, je tiens à évoquer deux sujets d'une importance primordiale pour la pérennité de l'activité agricole en montagne.

D'une part, la question foncière est devenue fondamentale dans de nombreux départements, notamment la Haute-Savoie. Il est en effet à craindre que les effets conjugués de la hausse des prix des terres et de la nouvelle PAC, qui instaure un découplage presque total entre les aides à l'agriculture et les productions, ne viennent menacer la pérennité de nombreuses exploitations.

D'autre part, il est important de différencier les produits et de mettre en place des signes de qualités spécifiques à la montagne. Désormais, des productions AOC se trouvent directement concurrencées, sur certains segments de leur marché traditionnel, par des produits industriels fabriqués à de lointaines distances de la zone de production. Ces produits introduisent habilement une confusion dans l'esprit du consommateur, en profitant d'imprécisions ou de failles de la législation.

Je tenais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à soumettre à votre réflexion ces deux problèmes graves, auxquels la future loi de modernisation agricole devrait apporter les solutions attendues. Confiant dans votre action, je voterai le projet de budget de ce ministère. Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez m'apporter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion