Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 7 décembre 2004 à 21h30
Loi de finances pour 2005 — I. - enseignement scolaire

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur spécial :

Cela permettrait la coexistence d'une vie urbaine et d'une expression collective publique. Mais je crois que, malheureusement, le bonheur des uns repose très largement sur l'encombrement et la gêne qu'ils procurent aux autres.

Revenons-en au budget. Je ferai cinq observations.

La première n'entraîne pas de question. La commission des finances soutient la politique de maîtrise des dépenses que vous avez confirmée en 2005. Elle procède d'une définition plus rigoureuse des priorités, qui permet un redéploiement et donc une maîtrise des dépenses globales.

Je n'entrerai pas dans le détail : ces éléments sont repris dans le rapport écrit.

Après plusieurs années d'augmentation très importante du budget de l'éducation, il est responsable, monsieur le ministre, de revenir à des mouvements ciblés, sur des domaines définis, qui aboutissent à une augmentation raisonnable du pouvoir d'achat.

Je rappellerai que, en matière d'enseignement secondaire, le problème réside bien plus dans la mobilisation des moyens et leur utilisation que dans leur volume global.

En effet, l'OCDE l'a noté à plusieurs reprises, ainsi que d'autres organismes comme la Cour des comptes ou les différentes inspections de votre ministère, nous avions les moyens financiers de l'enseignement secondaire, mais leur utilisation n'était peut-être pas la plus judicieuse ni la plus pertinente, si bien qu'il n'y avait pas une adéquation parfaite.

Nous exprimons donc ici notre satisfaction, et la commission des finances encourage le Gouvernement à persévérer dans cette direction.

La deuxième observation est, en revanche, plus ouverte. Il s'agit de la lancinante question que pose l'adaptation, peut-être impossible, de l'offre d'enseignement à la demande d'enseignement.

Vous gérez des moyens considérables, monsieur le ministre : le ratio de professeurs par élève, en particulier dans le secondaire, est l'un des plus élevés d'Europe.

Pourtant, ces moyens donnent des résultats mêlés et l'on peut à bon droit se dire insatisfait.

On observe en effet un décalage que vous connaissez bien, monsieur le ministre, en tant qu'élu de terrain - président de région, président de département, vous êtes au fait de la vie locale - entre le dynamisme des territoires et la mobilité naturelle d'une grande administration centralisée.

Il n'est pas désobligeant de dire que l'administration va moins vite que les régions : l'administration centralisée évolue au rythme d'une gestion d'Etat, au rythme de carrières qui ouvrent des droits et méritent le respect, mais, de ce fait, les régions les plus vivantes et les plus dynamiques sont souvent moins bien servies que des régions à la démographie stabilisée voire déclinante.

Cette préoccupation des élus remonte vers vous parce que les moyens disponibles quelque part ne le sont évidemment pas là où de nouveaux besoins se font sentir.

Les questions pratiques que la commission souhaiterait vous poser dans ce domaine sont de trois natures.

Le monde rural, assurément, se défend. Les ministres successifs s'efforcent de ne pas appliquer trop brutalement des ratios nationaux. Les élus locaux, pourtant, considéreront toujours la disparition d'un poste comme une tragédie ou du moins comme un affaiblissement.

Nous vous interrogeons, monsieur le ministre, sur la stabilité des politiques d'inspection académique par département quant aux regroupements scolaires.

Les élus locaux s'organisent. L'intercommunalité est aujourd'hui une réalité. Les regroupements pédagogiques existent, regroupements éclatés d'abord, concentrés aujourd'hui.

Nous aimerions que l'expression des politiques scolaires reste cohérente : une vérité qui varie avec chaque changement d'inspecteur d'académie n'en est plus une. Nous faisons alors face à une absence totale de référence. Sur le terrain, cela jette le discrédit sur votre administration et sape la confiance.

En ce qui concerne le monde rural, nous souhaitons un partenariat stable. Lorsque les règles du jeu ont été acceptées par les élus locaux, qu'ils ont fait des efforts considérables pour admettre une fois pour toutes que l'école était faite pour les enfants et leur réussite plus que pour la gloire des communes, encore faut-il qu'ils n'aient pas le sentiment que ce qui est vérité un jour ne le sera plus le surlendemain, ou même le lendemain matin.

La deuxième question en ce qui concerne l'adaptation de l'offre et de la demande porte sur l'enseignement professionnel.

Dans les régions industrielles de notre pays, l'enseignement professionnel est un héritage souvent riche, mais disparate, d'unités d'origine et d'histoire différentes, qui aboutissent parfois à des spécialisations trop grandes ou à des tailles trop petites ou, en tous les cas, moins adaptées aux besoins en emploi.

Monsieur le ministre, il nous faut savoir, en liaison avec les régions qui ont en charge les lycées, quelle est votre politique d'adaptation de l'outil qu'est l'enseignement professionnel aux réalités du monde industriel d'aujourd'hui, les statistiques nous montrant, hélas ! chaque jour qu'il occupe de moins en moins de place dans notre pays.

Je représente une région dans laquelle, en 1970, 50 % des emplois étaient industriels. Aujourd'hui, ce pourcentage est inférieur à 25 %. La moyenne nationale se situant à 17 %, certaines régions en comptent donc beaucoup moins. Par conséquent, nous devons nous interroger sur l'avenir de cet outil de formation.

J'évoquerai un dernier sujet en matière d'adaptation de l'offre et de la demande.

Si la coexistence de l'enseignement public et de l'enseignement privé est pacifiée, elle n'est cependant pas complètement dénuée d'ambiguïté dans la mesure où, quantitativement, les postes de l'enseignement privé représentent, rectorat par rectorat, un pourcentage de l'évolution de l'enseignement public. La règle de proportionnalité méconnaît parfois les déplacements, voulus par les parents et acceptés par les élèves, d'un secteur à l'autre.

Il convient de ne pas raviver la guerre. Il faut donc non seulement tenir compte du fait que le déclin de l'un n'entraîne pas nécessairement le déclin de l'autre, mais aussi de la liberté de choix des parents.

La troisième question, qui recoupe en partie celle de l'adaptation de l'offre et de la demande de formation, est liée à la revalorisation des formations professionnelles.

Face une démographie déclinante, le Gouvernement affiche, à juste titre, des ambitions fortes en matière d'apprentissage. Nous avons entendu à cette même tribune M. le ministre évoquer une augmentation de 50 % des effectifs d'apprentis sur une période relativement courte.

Pour ma part, je n'y vois que des avantages, compte tenu, en particulier, de l'évolution de l'apprentissage vers des métiers nouveaux et des qualifications de plus en plus élevées.

Se pose quand même la question de la coexistence pacifique, non plus entre le privé et le public, mais entre les différentes filières de formation, y compris à l'intérieur du secteur public, à savoir l'apprentissage, les lycées professionnels, l'enseignement en alternance et les filières générales.

Nous craignons qu'une forme de sélection au bénéfice des structures les plus traditionnellement ancrées dans votre ministère ne s'opère au détriment même de l'objectif affiché de formation en alternance, de revalorisation de l'apprentissage et d'ouverture du lycée vers les formations professionnelles qualifiantes.

A cet égard, je voudrais vous poser une deuxième question d'ordre pratique, qui pourrait éclairer la première : comment assurer une coordination des différentes formes d'orientation des jeunes ?

En la matière, je pense à la coexistence entre les centres d'information et d'orientation, les conseillers d'orientation et les psychologues de l'éducation nationale, d'une part, les missions locales, les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, et, le cas échéant, les points d'information jeunesse, d'autre part. Ces derniers dépendent désormais de votre ministère, puisque le secteur de la jeunesse y a été rattaché. Cette coexistence ne va pas nécessairement de soi dans la vie quotidienne, d'autant que s'y ajoute le rôle d'orientation de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA.

Nous avons le sentiment qu'une coordination et une ouverture des orienteurs sur les réalités du monde économique d'aujourd'hui seraient certainement souhaitables, dans l'intérêt même des jeunes qui veulent bâtir leur carrière.

Je vous le rappelle, c'est une donnée spectaculaire qui est l'expression d'un échec, le taux d'abandon chez les jeunes en cours de formation en lycées professionnels est deux fois plus élevé que dans l'enseignement général.

Le quatrième point évoqué par la commission des finances concerne l'autonomie des établissements. Elle souhaiterait savoir, en particulier, jusqu'où le pouvoir du chef d'établissement pourrait aller vis-à-vis de ce que l'on appelle communément aujourd'hui la « communauté éducative », mais dont la définition n'est peut-être pas totalement claire pour tous.

Qui dit communauté dit partage et respect de valeurs et de règles communes. Quels pouvoirs envisagez-vous d'accorder à un chef d'établissement - le principal, le proviseur, le directeur d'un établissement d'enseignement agricole - afin qu'il exerce ce rôle de patron ?

Je voudrais terminer en faisant référence à la LOLF.

De l'avis général de la commission des finances, vous avez une administration exemplaire. Elle a su démontrer sa capacité sur le terrain à conduire des expériences : je pense aux rectorats de Rennes et de Bordeaux, et, pour l'enseignement secondaire, à l'application des principes de la loi du 1er août 2001.

Si tout va bien, pourquoi devrais-je vous interroger ?

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