Intervention de Jacques Valade

Réunion du 7 décembre 2004 à 21h30
Loi de finances pour 2005 — I. - enseignement scolaire

Photo de Jacques ValadeJacques Valade, président de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis que j'ai l'honneur de vous présenter, au nom de la commission affaires culturelles du Sénat, se fonde très largement sur le rapport pour avis qu'a établi et présenté notre collègue Philippe Richert, et qui a été distribué à l'occasion de la présente discussion budgétaire.

Comment ne pas mentionner une fois encore, à l'occasion de l'examen des crédits de l'enseignement scolaire, que nous entrons dans une phase stratégique pour le système de formation de notre jeunesse ? M. le rapporteur spécial, dans son exposé, et vous-même, monsieur le ministre, dans votre réponse, l'avez évoqué. En effet, vous nous présenterez prochainement un projet de loi qui rénovera les objectifs et les méthodes de l'école, au moins pour les quinze années à venir. A cet égard, peut-être pouvez-vous, dès aujourd'hui, nous indiquer le calendrier prévu pour les débats au Sénat ?

Premier poste de dépenses de l'Etat, le budget de l'enseignement scolaire pour 2005 traduit la priorité du Gouvernement en faveur de l'éducation, sans pour autant négliger le souci de bonne gestion de l'appareil éducatif. Il poursuit les efforts engagés depuis deux ans pour recentrer l'action de l'école sur des priorités clarifiées, ce qui répond, de façon bienvenue, à un besoin certain de stabilité.

J'attirerai votre attention, monsieur le ministre, sur quatre sujets d'interrogation relatifs à l'ambition d'une école à la fois plus juste, plus efficace et plus ouverte : le dossier des bourses ; l'organisation de la vie au sein de l'établissement scolaire et notamment le rôle du chef d'établissement, en vue d'apporter des réponses adaptées aux problèmes que rencontre l'école ; les carences en matière de formation des maîtres ; enfin, le devenir des enseignements artistiques, dont se sont inquiétés plusieurs commissaires de la commission des affaires culturelles.

Sur le premier point, notre commission a salué les efforts engagés dans le projet de loi de finances en faveur des crédits d'aide sociale, par l'inscription d'une mesure nouvelle, destinée à l'extension du dispositif du fonds social aux lycéens de l'enseignement privé et à la revalorisation de 1, 7 % du montant des bourses et des primes de lycée.

Nous regrettons, toutefois, que cette actualisation, de même que celle des barèmes de ressources, se limite au niveau de l'inflation. En outre, à la modestie des bourses se conjuguent des fonds sociaux aux dispositifs d'attribution peu formalisés, inégaux d'un établissement à l'autre. On constate chaque année, malgré une amélioration récente, des volumes importants de reliquats, dans la mesure où il appartient aux familles de faire une démarche compliquée pour obtenir ces aides.

Alors que vous comptez, monsieur le ministre, dans un souci fort positif d'équité scolaire, relancer les bourses au mérite, ne faudrait-il pas envisager, dans le même temps, une refonte du système d'aide sociale aux familles, notamment pour améliorer l'utilisation des fonds sociaux, et réexaminer le montant des bourses ?

Ma deuxième question porte sur ce que la commission Thélot a désigné très justement, dans son rapport, comme la « clef de voûte » du système éducatif, à savoir l'établissement scolaire. N'est-il pas, en effet, comme cela a été évoqué, le niveau le mieux adapté pour créer les conditions favorables à la réussite des élèves et apporter des réponses de proximité aux problèmes que rencontre l'école ?

La diversité des contextes scolaires et des élèves accueillis suppose une plus grande souplesse des modalités de pilotage, pour combattre l'échec scolaire ou lutter contre les incivilités. Or la rigidité du système actuel et le « harcèlement textuel » que vous dénoncez vous-même, monsieur le ministre, conduisent le plus souvent à déresponsabiliser les acteurs éducatifs et à brider leurs initiatives.

En outre, comme l'ont souligné les jeunes enseignants de l'académie de Créteil que vous avez rencontrés en novembre dernier, la clé de la réussite repose sur la qualité de l'encadrement, ainsi que sur la cohésion et la stabilité des équipes éducatives.

Vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, le chef d'établissement joue pour cela un rôle pivot, tant pour organiser les relations avec les partenaires extérieurs - les parents, les entreprises, les collectivités, les institutions - que pour créer les conditions les plus favorables à l'amélioration des performances des élèves et à la qualité de l'ambiance de vie et de travail. Cela implique notamment que le chef d'établissement bénéficie de marges de souplesse pour utiliser au mieux les compétences des personnels placés sous son autorité, afin de gérer les besoins de remplacements ponctuels ou d'organiser des aides plus personnalisées pour les élèves en difficulté.

A ce titre, notre collègue Christian Demuynck préconise, dans son rapport sur les violences scolaires remis au Premier ministre le 15 juin dernier, de donner une « autonomie accrue aux établissements et plus particulièrement aux chefs d'établissement ».

Quelles suites comptez-vous donner à ces propositions, notamment en vue de conférer de plus grandes capacités d'action, pour ne pas dire de liberté, aux chefs d'établissement et rendre ces fonctions plus attractives - outre la mesure statutaire d'extension de la hors classe inscrite au présent budget - alors que les besoins de renouvellement du corps seront massifs dans les années à venir ?

Ces réflexions nous renvoient, par ailleurs, aux enjeux de la formation des maîtres. Alors que la formation initiale, trop théorique, qui est dispensée aux futurs enseignants ne permet pas de les préparer aux réalités du métier, les professeurs stagiaires demandent eux-mêmes « mieux et plus de terrain ». En écho à cette prise de conscience quasi générale, la conférence des directeurs d'IUFM, de même que la commission nationale du débat sur l'école, dont nous avons, en commission, auditionné les présidents respectifs, plaident en faveur d'une formation professionnelle renforcée, en deux ans, fondée sur une alternance accrue entre la classe - dans des lieux qui doivent être divers - et l'IUFM.

Il est choquant, en outre, que l'institution scolaire persiste à nommer les professeurs les moins expérimentés sur les postes les plus difficiles. Quelles sont, monsieur le ministre, vos intentions pour pallier ces carences en matière de formation initiale et d'entrée dans le métier et dans la vie active ?

En effet, si le budget de l'enseignement scolaire pour 2005 marque un signal en ce sens, en inscrivant une dotation spécifique pour améliorer l'attractivité des carrières enseignantes, la situation devient urgente et les difficultés de recrutement sont déjà sensibles dans les disciplines scientifiques. Ne serait-il pas souhaitable de réadapter, dans certaines conditions, le système des Instituts de préparation aux enseignements de second degré, les IPES, ou encore d'élargir les viviers de recrutement, en direction de personnes ayant une expérience professionnelle préalable ? L'IUFM de Lyon paraît être le seul, actuellement, à proposer des modules spécifiques dit « de reconversion », pour préparer ces candidats aux concours d'enseignants. Une telle expérience ne mériterait-elle pas d'être étendue ?

Enfin, je terminerai mon propos en vous interrogeant, monsieur le ministre, sur le devenir des enseignements artistiques. Certes, il n'est pas souhaitable de diluer les missions de l'école, au risque de perdre de vue l'essentiel, qui est de conduire les élèves à la maîtrise des savoirs fondamentaux, et, en premier, de notre langue.

Toutefois, comme ont tenu à le souligner plusieurs sénateurs de la commission à l'occasion de l'examen du présent rapport, l'ouverture culturelle sur les arts plastiques ou le spectacle vivant participe pleinement à la formation de l'individu et du citoyen. Or la diminution du nombre de classes à projet artistique et culturel, PAC, est constante ces dernières années. Pouvez-vous nous éclairer sur le devenir de ces classes à PAC ?

En outre, ne serait-il pas opportun de diversifier, en partenariat avec les institutions, associations, ou médias, les activités proposées, sur le modèle de l'expérience la Main à la pâte qui permet d'initier les enfants aux sciences et de susciter de nouvelles vocations ?

Quelles sont vos intentions en ce sens, le cas échéant, en concertation avec le ministre de la culture ?

Voilà, monsieur le ministre, les principales questions que je souhaitais vous poser à l'occasion de l'examen du budget de l'enseignement scolaire pour 2005.

En conclusion, je vous indique, avec plaisir, que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

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