Monsieur Legendre, chacun sait le rôle qui est le vôtre dans la réflexion que mène le Sénat à la fois sur la modernisation de l'apprentissage des langues, sur la défense de la diversité culturelle et sur le rôle particulier que la France joue en Europe et dans le monde pour défendre cette diversité culturelle et linguistique qui est, de notre point de vue, nécessaire à un ordre mondial dans lequel chaque peuple peut exprimer ses aspirations.
Dans cet esprit, m'inspirant des rapports du Sénat et des conclusions de la commission Thélot, je propose un plan très ambitieux en matière de rénovation de l'apprentissage des langues.
D'abord, nous avons choisi, écoutant vos remarques et vos interrogations, de ne pas privilégier l'anglais mais d'introduire dans le socle des compétences la connaissance d'une langue étrangère. Cette connaissance d'une langue étrangère fera l'objet d'une évaluation tout au long de l'école primaire et du collège et d'un contrôle à l'occasion du brevet rénové.
Par ailleurs, nous avons décidé d'avancer la date de l'apprentissage des deux langues vivantes, notamment de la seconde langue, dont l'enseignement débutera désormais en cinquième. Tous les jeunes Français apprendront donc deux langues vivantes, ils commenceront la première dès le début de l'école primaire et la seconde en cinquième.
Nous voulons moderniser considérablement cet apprentissage des langues vivantes.
Premièrement, à l'école primaire, tous les professeurs des écoles devront avoir reçu une formation leur permettant d'enseigner une langue vivante. Une épreuve obligatoire de langue au concours de recrutement des professeurs des écoles ainsi qu'une formation renforcée en matière d'apprentissage des langues à l'institut universitaire de formation des maîtres seront désormais prévues.
Deuxièmement, au collège et au lycée, l'organisation de l'enseignement des langues va être radicalement modifiée. Nous voulons d'abord que la pédagogie s'appuie sur une pratique orale qui n'est pas aujourd'hui suffisamment développée et, à cette fin, j'ai proposé que les cours de langue soient progressivement dédoublés.
Dans les autres pays européens, dont l'investissement dans l'éducation, au moins dans le secondaire, est plutôt inférieur au nôtre, si, dans certaines matières, les professeurs ont devant eux beaucoup d'élèves, l'enseignement des langues, se fait par petits groupes. En effet, il n'y pas d'autre solution si l'on veut encourager cette pratique orale.
Nous allons donc dédoubler les cours de langue. Cela représentera évidemment un effort financier considérable qu'il nous faudra compenser par ailleurs ; sur l'ensemble des années, le coût est estimé à plus de 1, 5 milliard d'euros.
Deuxièmement, le dispositif d'apprentissage des langues que nous allons mettre en place aura pour cadre non plus la classe, mais des groupes de niveau qui s'affranchiront complètement des limites des classes, à l'intérieur du collège ou du lycée. Ces groupes seront fondés sur les systèmes d'évaluation européens, aujourd'hui généralisés, qui permettent de déterminer de manière très précise le niveau de maîtrise d'une langue étrangère par un élève.
J'insiste sur ce point, car j'entends souvent dire que la loi d'orientation que nous présentons manque d'ambition pédagogique et que nous ne révolutionnons pas suffisamment le système. Or, je constate que beaucoup de ceux qui ont voulu révolutionner le système se sont contentés d'inscrire dans les textes des principes - je pense, par exemple, aux cycles, dont l'objectif était de décloisonner le lycée et le collège - pour, ensuite, laisser l'école continuer son chemin sans que ces révolutions pédagogiques ne deviennent réalité.
Là, nous proposons une vraie révolution pédagogique dans un domaine précis, à savoir l'apprentissage des langues. Il n'y aura plus de classes ; il y aura des groupes de niveau. : des élèves de sixième ou de cinquième pourront se retrouver avec des élèves de quatrième ou de troisième. Au lycée, il en ira de même. Si cette manière d'apprendre les langues, déjà utilisée dans d'autres pays européens, se révèle efficace, rien n'empêchera qu'elle soit étendue à d'autres matières.
Dans le même esprit, monsieur le sénateur, nous allons engager un effort très important, qui fait déjà l'objet d'un travail commun avec nos amis allemands pour sauver l'apprentissage de l'allemand dans notre pays.
Il n'est pas anormal, compte tenu des liens qui nous unissent à l'Allemagne et de leur importance pour l'avenir de l'Union européenne, que nous mettions en place une sorte de discrimination positive en faveur de l'apprentissage de la langue allemande.
J'ai proposé que soit attribuée une sorte de prime à ceux qui choisiraient l'allemand. Destinée à avoir un effet d'encouragement, elle n'aurait cours que durant une courte période de quatre ou cinq ans.
Par ailleurs, j'ai également proposé que le baccalauréat franco-allemand soit organisé dans toutes les académies, que l'inspection académique mette sur pied, pendant les vacances, dans chaque département, une opération « école ouverte » en langues, et, enfin, que soit encouragée l'acquisition par les professeurs de disciplines non linguistiques de certifications complémentaires en langues, afin de leur permettre d'enseigner leur discipline dans une langue étrangère, soit dans le cadre de sections européennes, soit dans le cadre de sections internationales.
Enfin, toutes les universités devront prévoir des modules de langues dans leur parcours de licence.
Je crois que l'ensemble de ces mesures permettra à la fois de moderniser considérablement l'apprentissage des langues, mais aussi de répondre à votre souci de diversité culturelle.