Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous abreuverai pas de chiffres, qu'ils s'expriment en milliards d'euros ou en pourcentage. Nous les connaissons. Personne n'est dupe, comme le démontrent le mouvement de grève de ce jour, dont le taux de participation atteste la forte mobilisation qu'il a suscitée, et les centaines de milliers de cartons rouges que vous avez reçus au sujet de ce budget.
J'aborderai cependant la question des personnels.
Dans le prolongement des lois de finances initiales précédentes, les mesures que vous proposez vont aggraver l'érosion des effectifs : dans le primaire, 1 000 postes d'enseignants sont affectés, dont 300 destinés à la pérennisation d'un corps de fonctionnaires en poste à Mayotte, pour 51 000 élèves supplémentaires. On crée donc un poste d'enseignant pour soixante-douze nouveaux élèves, alors qu'un réel déficit existe déjà dans ce secteur.
Sont supprimés 5 450 postes d'enseignants dans le secondaire, dont 3 350 postes de titulaires et 2 100 postes de contractuels, pour 41 000 élèves de moins. Et alors même que l'on enregistrera 18 700 départs à la retraite, vous ne mettez au concours que 14 000 postes ! Là encore, l'écart renforcera l'érosion des effectifs.
Sont également supprimés 50 emplois de conseillers d'orientation et 600 postes d'administratifs. Et en ne prévoyant aucune création de postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales, vous ne donnez pas suite non plus à la priorité affichée par votre Gouvernement.
Les 800 postes d'assistants d'éducation créés ne remplaceront pas la totalité des postes de maîtres d'internat-surveillants d'externat, les MI-SE, et d'aides éducateurs qui ont été supprimés.
Les conséquences de cette diminution du nombre d'adultes au sein des établissements se font d'ores et déjà sentir : selon les résultats de l'enquête Signa, l'année scolaire 2003-2004 accuse en effet une hausse de 12, 8 % de la violence scolaire.
Par ailleurs, la crainte de la communauté éducative que ces postes ne soient pas occupés par des étudiants se trouve confirmée, puisque seuls 60 % de leurs titulaires affirment poursuivre des études. Lors du vote de la loi relative aux assistants d'éducation, je m'étais fait l'écho, dans cet hémicycle, de ces différentes inquiétudes.
Un système éducatif dont l'objectif est la réussite de tous doit poser la question du service public de l'éducation et des conditions d'exercice des différents métiers de l'éducation nationale.
La conception du service public de l'éducation du parti communiste français implique la volonté de mettre fin à toutes les inégalités, non au nom d'un pseudo conformisme, mais bien pour donner à chaque être humain les mêmes chances d'accéder aux savoirs, afin de développer ses potentialités culturelles, professionnelles et citoyennes. Elle implique aussi une politique familiale et sociale audacieuse et respectueuse du principe de gratuité.
Nous avons des propositions à formuler, monsieur le ministre, notamment la mise en place d'un fonds d'action contre les inégalités, afin que chaque enfant puisse bénéficier de conditions d'études équivalentes, ou encore la définition de la base commune des besoins indispensables dans tous les établissements pour assurer un enseignement de qualité.
Cette conception implique enfin de se donner pour ambition de faire acquérir à chaque élève une culture commune de haut niveau. Cette visée présuppose que l'on se fonde sur le principe d'éducabilité de tous, l'objectif étant l'élévation du niveau de formation générale de chacun, quelle que soit l'orientation choisie, et que l'on sorte de la logique d'une école au service de l'économie.
Je vous proposerai dans quelques mois de faire de la lutte contre les inégalités l'élément décisif d'une politique résolument tournée vers la démocratisation de l'accès aux savoirs, qui doit s'accompagner d'un plan ambitieux de recrutement et de formation des personnels.
Cet enjeu mérite toute notre attention, monsieur le ministre, car, sans instruction, saurons-nous voir au-delà de nous-mêmes, dépasser notre quotidien et appréhender les réalités mondiales ? Sans instruction, comprendrons-nous que les peuples appartenant à d'autres cultures ou d'autres religions ont les mêmes rêves ou les mêmes espérances que nous ?
Sans instruction, enfin, nous sommes incapables de reconnaître l'universalité des aspirations humaines. L'éducation est donc bien un élément fondamental de paix et d'épanouissement à l'échelon local, national et mondial.
Cette conception de l'école présuppose aussi une autre société, où la justice sociale, qui va de pair avec la justice scolaire, prendrait le pas sur l'intérêt économique, où la misère ne serait plus acceptée dans un monde d'abondance, où le peuple serait éclairé, comme le souhaitait Condorcet, et non pas réduit à n'être que « des temps de cerveau disponible à la vente », comme semblent le croire certains !
Bien évidement, une telle transformation du système éducatif doit s'inscrire comme une priorité dans les dépenses de la nation.
Monsieur le ministre, avec ce budget, comment comptez-vous financer les mesures que vous proposez et qui doivent être, pour une part d'entre elles, effectives dès la rentrée de 2005 ? Que proposez-vous aux enfants issus des milieux populaires, qui subissent particulièrement les inégalités que l'école contribue à renforcer ?