Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir fait face à la massification de l'enseignement, nous devons relever le défi de sa démocratisation.
Après avoir ouvert les portes de l'école à tous les enfants, il nous faut leur offrir des chances égales de réussir. Il est regrettable que le monde enseignant subisse des critiques et voie ses moyens se réduire. Les sempiternels discours sur l'illettrisme et la crise de l'école ont culpabilisé injustement les enseignants.
On nous explique que « l'efficience de l'utilisation de la dépense publique est insuffisante dans l'enseignement scolaire ». Mais l'école n'est pas faite pour être rentable, elle ne peut être soumise à une obligation de résultat, surtout si elle n'a pas les moyens pour exercer ses compétences !
Il est vrai que 95 % des crédits de l'enseignement scolaire correspondent à des dépenses de personnels. S'il faut bien mesurer le poids de ces dépenses, il faut également être conscient de la responsabilité des enseignants et de l'importance cruciale de leur fonction pour l'avenir de notre jeunesse.
Ainsi, les enseignants ne peuvent être une variable d'ajustement. J'ai noté que l'augmentation de 50 000 élèves dans le primaire entraîne seulement la création de 1 000 postes, alors que la baisse de 45 000 élèves dans le secondaire provoque, elle, la suppression massive de 3 400 emplois de titulaires. On observe une suppression globale de 2 400 postes d'enseignants ; monsieur le ministre, nous ne devons pas avoir les mêmes chiffres, même si les vôtres sont sûrement vérifiés. L'encadrement sera bel et bien réduit, d'où une évidente pénurie.
La réduction des moyens d'encadrement des classes, par la suppression de postes, la disparition des aides éducateurs et des surveillants, a aggravé les conditions de travail. L'école pour tous, peut-être, mais pas les mêmes chances de réussite pour tous : la sacro-sainte égalité du service public est détournée.
Il paraîtrait pourtant logique de concentrer les moyens sur ceux qui en ont le moins et de gommer, autant qu'il est possible, les inégalités sociales accompagnant les inégalités territoriales. Aux deux pôles de la politique pédagogique, il y a des manques : dans l'enseignement supérieur, mais aussi - c'est ce que je veux souligner en cet instant - au niveau de la petite enfance, dans les zones rurales.
Il est évident qu'il faut soutenir l'enfant dès son plus jeune âge pour que les inégalités sociales ne créent pas des disparités criantes entre les enfants sollicités par leurs parents et ceux qui ne se nourrissent que de culture de rue ou de télévision. La capacité à apprendre dépend d'un capital cognitif que l'on acquiert entre zéro et six ans. La pauvreté des parents, leur manque d'instruction ne doivent pas pénaliser les enfants.
L'accès à la maternelle doit donc se faire dès le plus jeune âge puisque l'on sait que l'éclosion précoce de l'intelligence et la stimulation des facultés des enfants sont déterminantes quant à leur épanouissement et leur éducation. Je crains que cette analyse n'ait pas toujours été partagée.
L'éducation doit aller très au-delà de ce service minimum que vous rappeliez, monsieur le ministre, et qui s'appuie sur les bases fondamentales de Jules Ferry : écrire, lire et compter. Si l'école se réduit à ces principes, elle est loin d'assumer sa mission complète. En effet, l'émancipation, l'épanouissement, la qualification, l'apprentissage de la citoyenneté, l'éducation à la démocratie, au « vivre ensemble » lui incombent aussi. Ainsi se resserrent les liens sociaux et se renforce l'intégration sociale, car la violence qui se développe dans la société pénètre l'école elle- même.
L'école doit aller au-delà des fondamentaux, à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle doit tisser des liens entre culture et jeunesse, d'abord à la maternelle, ensuite tout au long de la vie scolaire, tout en développant des partenariats avec tous les acteurs susceptibles de l'assister, et, d'abord, les partenaires territoriaux.
Pour cela, il faut élargir les responsabilités et les périmètres pédagogiques en intégrant notamment des activités sportives, artistiques, théâtrales et musicales. L'établissement scolaire doit être le principal pôle de stabilité dans la vie de certains enfants.
L'organisation des activités périscolaires doit s'inscrire dans un projet d'éducation - qui figurera peut-être dans la loi d'orientation - rassemblant communes, parents, associations. C'est fondamental. Des zones entières du territoire ne sont pas pourvues d'équipements de proximité périscolaires et, surtout, ne peuvent fournir un personnel d'encadrement compétent pour l'exercice de ces disciplines.
De fait, monsieur le ministre, ma question est simple : pensez-vous que l'on puisse, dans cette mission d'intégration et d'égalité des chances, prendre en compte les difficultés des zones rurales, en particulier, en élargissant l'éducation nationale à un grand service qui, depuis la maternelle jusqu'au collège, se fixerait de hautes ambitions permettant à chacun d'apprécier l'égalité des chances ?