Monsieur le sénateur, je partage votre souci de voir les enseignants mieux respectés dans notre pays.
Si nous voulons qu'il en soit ainsi, il faut que nous leur reconnaissions une liberté pédagogique que je tiens à inscrire dans la loi, que nous leur redonnions les instruments d'une autorité souvent fragilisée ces dernières années et qui, sans se réduire à leur pouvoir de sanction, passe par cette aptitude qui doit leur être donnée face à leur classe d'adapter leurs méthodes, leur manière d'envisager la discipline en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés.
Vous le savez, les enseignants ont été encadrés par des normes, par des textes toujours plus contraignants qui ont contribué à leur donner le sentiment qu'ils n'étaient pas respectés par la société, voire par l'institution qu'ils servaient. C'est en tout cas ce qu'ils me disent lorsque je parle avec eux.
Je prendrai l'exemple, qui a donné un éclairage inexact des orientations qui sont les miennes dans la lutte contre l'échec scolaire, du redoublement.
Je ne considère pas - et je le redis devant le Sénat - que le redoublement soit en lui-même une solution aux problèmes que rencontrent les élèves qui sont en difficulté. En revanche, je pense que le fait d'avoir retiré aux enseignants et à l'équipe éducative le droit de décider, dans un certain nombre de cas, de ce redoublement a été ressenti par les enseignants comme un manque de respect vis-à-vis de leur rôle et de leur travail.
Il n'est pas question, monsieur Signé, de réduire l'ambition de l'école au socle des connaissances et des compétences fondamentales qui, d'ailleurs, ne reprendra pas la formule de Jules Ferry. En effet, il sera plus large puisque je propose, dans le projet de loi d'orientation, que ce socle soit composé de la maîtrise de la langue française, des bases des mathématiques et du calcul, d'une culture générale humaniste et scientifique, indispensable pour comprendre le monde, des bases d'une langue étrangère et de la maîtrise des outils de communication modernes.
Ce socle ne résume pas l'ambition de l'école. Non seulement elle demeure ce qu'elle est aujourd'hui, mais nous la faisons monter d'un cran. En effet, je vous proposerai d'ajouter aux 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat les 100 % de qualification, mais aussi les 50 % d'une classe d'âge dans l'enseignement supérieur, sous toutes ses formes.
Il s'agit, non de sacrifier au plaisir de proposer un slogan, mais de nous rapprocher de tous les pays développés, notamment les Etats-Unis et le Japon, où le taux de diplômés de l'enseignement supérieur par rapport à la population est déjà supérieur au nôtre.
Ce socle est constitué en réalité par les outils de communication nécessaires à la transmission des savoirs, qui est l'ambition de l'école. Si l'on ne possède pas ce socle, on ne peut pas acquérir les savoirs, et là réside la cause de tant d'échecs dans notre système scolaire.
Cette notion de socle est, je le crois, fondamentale. C'est autour d'elle que tournent tous ceux qui réfléchissent aux questions pédagogiques depuis des années sans jamais avoir trouvé les outils adéquats, que nous n'avons pas non plus encore complètement définis. Nous devons attendre, pour cela, que se soit tenu le débat au Parlement sur le projet de loi d'orientation sur l'école, que la haute autorité de l'éducation que nous allons créer ait rendu son avis et que le ministère ait accompli le travail final d'établissement précis du périmètre du socle.
L'objectif essentiel est d'élever le niveau général en donnant les outils qui permettent d'acquérir la maîtrise des savoirs. Nous avons, monsieur le sénateur, une grande ambition pour notre école ; il nous faut trouver ensemble les moyens et les méthodes pour que cette grande ambition ne soit pas simplement un objectif inatteignable.