Intervention de Jean-Marc Todeschini

Réunion du 7 décembre 2004 à 21h30
Loi de finances pour 2005 — I. - enseignement scolaire

Photo de Jean-Marc TodeschiniJean-Marc Todeschini :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis près de trois ans, les budgets défilent et se ressemblent. Le « miroir du débat », qui préfigure le projet de loi d'orientation sur lequel le Parlement aura à débattre, rapportait que l'école avait deux défis à relever.

Le premier concerne le passage de la massification à la démocratisation de l'enseignement : après l'égal accès à l'enseignement, il faut offrir aux jeunes une égalité réelle des chances de réussite.

Le second défi est celui du renouvellement de près de la moitié des enseignants dans les dix ans qui viennent, ce qui pose l'urgente question du recrutement et de la formation de milliers de nouveaux enseignants.

Puisque ces défis sont identifiés et qu'une loi d'orientation doit les concrétiser, il aurait été logique que ce budget pour 2005 les anticipe ou, au mieux, maintienne au moins ce qui existe. Nous en sommes loin, monsieur le ministre.

Derrière un budget de l'enseignement scolaire prétendument en hausse de 1, 9 % se cache en réalité un budget qui hypothèque le futur. Ces 1, 9 %, véritable trompe-l'oeil, sont simplement le résultat des augmentations mécaniques liées à celles des traitements et des pensions. Pire encore, si l'on se réfère au PIB, ce budget est en régression : notre société consacre aujourd'hui une part de ses richesses à l'éducation moins importante qu'il y a dix ans.

Pourtant, monsieur le ministre, vous affichez ici une vision très comptable de vos conceptions éducatives. J'en veux pour preuve votre façon, à vous et aux parlementaires de votre majorité, de brandir le rapport de la Cour des comptes ayant révélé que « dans le second cycle, le taux d'encadrement a augmenté de près de 10 % en dix ans sans que rien ne permette d'affirmer que cette politique a permis d'améliorer les résultats des élèves ».

Utiliser un tel argument est inconcevable ; il est le contresens de toute véritable politique pédagogique éducative. On le sait bien, plus les élèves sont encadrés, plus les effectifs des classes sont convenables et mieux se déroule l'apprentissage des connaissances.

Si vous ne voulez pas consulter les enseignants, reportez-vous au rapport Thélot, monsieur le ministre !

Avec ce budget, vous prorogez le plan social pour l'école engagé depuis trois ans et creusez encore plus les inégalités. Pour 2005, vous supprimez plus de 5 000 postes dans l'enseignement secondaire au motif que l'on assiste à une baisse des effectifs. Depuis trois ans, ce sont 60 000 personnes environ qui ont été retirées de l'enseignement secondaire.

Cette baisse est certes réelle, mais elle est, surtout et avant tout, provisoire, puisqu'un nouvel afflux affecte déjà l'enseignement primaire. Dès lors, comment, compte tenu de la diminution de postes d'enseignants que vous avez décidée, pourra-t-on faire face à cette situation, dans la mesure où il faut quatre ans pour former un enseignant et où vous avez abandonné le plan pluriannuel de recrutement engagé par certains de vos prédécesseurs ?

Par cette mesure, qui n'anticipe en rien l'évolution de notre système éducatif, vous êtes en train de rejouer la même scène que votre ami Alain Juppé, voilà quelques années, avec la formation des infirmières, dont les conséquences aujourd'hui sont bien connues : la pénurie. Vous allez provoquer une véritable crise du recrutement de jeunes enseignants dès 2007-2008.

Vous en serez responsable, car, monsieur le ministre, le gouvernement Jospin avait décidé une programmation pluriannuelle de recrutement prévoyant l'embauche de 185 000 enseignants sur cinq ans. L'une des premières mesures du gouvernement auquel vous appartenez fut d'abandonner ce plan.

Aujourd'hui, vous annoncez que 26 500 postes vont être ouverts aux concours externes, dont 14 000 dans le second degré. Or, dans le second degré, le nombre de départ à la retraite est estimé à 18 000. Comment ce déficit sera-t-il comblé ? Est-ce par un retour possible au plan pluriannuel de recrutement que vous avez récemment évoqué sans en décrire les contours, bien évidemment ?

J'en reviens, si vous me le permettez, aux emplois supprimés. Si je me réfère aux chiffres que vous annoncez, 1 000 postes seront créés dans l'enseignement primaire pour 51 000 élèves supplémentaires, 3 400 postes d'enseignants seront supprimés dans l'enseignement secondaire pour une baisse attendue de 44 700 élèves. Et je ne comptabilise pas ici, faute de temps, les suppressions des maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE, des professeurs contractuels et des emplois administratifs.

En d'autres termes, d'un côté, on crée un poste pour 51 élèves, et, de l'autre, on supprime un poste pour 13 élèves en moins. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, cette arythmie curieuse par laquelle vous diminuez les personnels ?

Cette diminution va avoir une incidence sur la pédagogie, vous le savez pertinemment, puisque le rapport Thélot le mentionne : « La nécessaire personnalisation des pratiques pédagogiques serait facilitée par le fait que l'équipe pédagogique n'est pas limitée au principe d'un maître par classe. »

Cette individualisation de la pédagogie n'est-elle pas nécessaire pour aider les élèves en difficulté et ouvrir à tous les voies de la réussite ? Ne passe-t-elle pas par l'engagement de véritables moyens en personnels formés ?

Or vos faibles moyens, vos suppressions sans nom entraînent aussi de graves conséquences sur l'enseignement des langues et de certaines disciplines artistiques.

En effet, on continue à voir s'afficher une diminution des crédits pédagogiques et la disparition des classes à projet d'action culturelle. Ne pénalisez-vous pas ainsi les élèves les plus défavorisés qui, de par leur milieu d'origine, n'ont pas accès à la culture ? De nombreuses options vont être également remises en cause.

Vous prenez, là encore, des mesures injustes, inégales, en pleine contradiction avec la commission Thélot, qui insiste sur la nécessité d'offrir des parcours diversifiés pour permettre la réussite de chacun.

Les exemples sont nombreux : vous ignorez les résultats des grandes consultations que vous lancez sur l'avenir de notre école, simplement parce qu'elles vont à l'encontre de votre vision libérale et comptable de notre système éducatif.

Vous tenez des discours vibrants de fougue démocratique, mais, sur le terrain, vos recteurs poursuivent la saignée de l'Ecole.

En résumé, monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier, aux conséquences de votre politique budgétaire de restriction à l'égard de la politique de l'emploi, du recrutement et de la formation des enseignants afin d'anticiper et de gérer les départs importants à la retraite ?

C'est d'ailleurs un membre de votre majorité, M. Richert, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire, qui a insisté, lors de votre audition le 3 novembre par la commission des affaires culturelles, sur la nécessité d'anticiper les besoins de recrutement par la mise en place d'une programmation pluriannuelle mieux calibrée.

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