Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit d'efforts importants - en effet, c'est le montant du produit de l'impôt sur le revenu des personnes physiques qui est mobilisé -, l'enseignement scolaire reste confronté à de nombreux défis.
L'école publique ne remplit plus assez efficacement la fonction qui lui est assignée. Les savoirs fondamentaux ne sont plus acquis par un assez grand nombre ; l'école n'est plus un sanctuaire ; la formation est inadaptée aux réalités économiques et sociales.
Votre projet de budget pour 2005, monsieur le ministre, confirme la volonté du Gouvernement de faire de son action éducative un objectif prioritaire.
« Instruire et rassembler », c'est, dites-vous, le projet porté par l'éducation nationale, et l'enseignant que j'ai été partage cette devise.
Instruire, c'est combattre l'illettrisme : vaste programme ! Comment atténuer l'influence négative que peuvent induire les nouveaux moyens de communication ?
Je déplore que, pour comprendre un texto, il faille le lire à haute voix ; je regrette que les « courriels » se moquent de l'orthographe et que l'appréhension du français haché, parlé à mi mots, en verlan et en argot, appelle, au moins pour le commun des mortels, l'aide d'un traducteur ! Quelle stratégie peut-on mettre en place pour éviter ces inconvénients ?
Il ne faudrait tout de même pas laisser s'installer une différence socio-éducative après avoir combattu la diversité linguistique de nos régions patoisantes au XIXe siècle.
Instruire, c'est pouvoir compter sur des maîtres bien formés : vaste programme également !
Votre projet de budget, qui adapte les effectifs à l'évolution du nombre d'élèves scolarisés, prévoit la création de 1 000 postes d'enseignants pour la prochaine rentrée dans l'enseignement primaire, auxquels viendront s'ajouter 138 contrats pour l'enseignement privé.
Si la création d'un nombre de postes adaptés aux besoins correspond à une action quantitative, elle ne peut, à elle seule, relever tous les défis, ainsi que l'ont prouvé les années passées. Il est urgent d'accompagner cette création de postes d'une action qualitative indispensable : je veux parler de la formation des maîtres.
A l'heure actuelle, à une première année de bachotage en IUFM, peu formatrice, suit une année de formation professionnelle insuffisante dans la pratique et dans le temps. En effet, alors que les premiers lauréats profitent d'un stage, les autres, inscrits sur la liste complémentaire, se voient propulsés du jour au lendemain, sans la moindre expérience, dans une classe.
Or les enseignants stagiaires ne sont malheureusement pas forcément aptes à la conduite d'une classe, aux relations avec les parents ou au travail en équipe, et cette lacune se ressent d'autant plus que certains maîtres exercent aujourd'hui ce métier sans en avoir la vocation.
Par expérience, je crois pouvoir dire que l'on ne s'improvise pas pédagogue, que l'on ne devient pas forcément pédagogue. La pédagogie du maître de l'enseignement primaire constitue l'élément moteur de l'estime, du respect, de l'écoute, de l'autorité naturelle, voire de l'affection que portera une classe à son enseignant. Or ce dernier est trop souvent confronté aux incivilités de ses élèves. §Dans ce cas, comment peut-il affirmer son autorité ? Par quels moyens peut-il assurer la discipline indispensable au bon fonctionnement de sa classe ?
Relever le défi de l'illettrisme, des sorties de l'école sans diplôme ne peut se concevoir sans la réorganisation de la formation des maîtres, exigeante, d'une part, dans les disciplines universitaires et, d'autre part, dans l'approche de la pédagogie. Quelle place accorderez-vous, monsieur le ministre, à la réforme de cette formation des maîtres ?
Enfin, point n'est besoin de rappeler pourquoi les acquis dans l'enseignement primaire sont déterminants pour la suite du cursus scolaire de chaque élève. Ils constituent les fondations indispensables à toute réussite ultérieure.
Le professeur des écoles, enseignant des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter -, formateur aux technologies de l'information et des communications, initiateur de la langue anglaise, éducateur sportif, animateur de soutien scolaire en vient, à travers cette pluridisciplinarité, à douter de l'efficacité de son action dans la transmission des connaissances !
En outre, il manque de la disponibilité indispensable au soutien des élèves qui connaissent des difficultés soit en raison des lacunes qu'ils ont accumulées, soit parce qu'ils vivent un conflit familial, ou encore en fonction de leur environnement social.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, prévoit la création de 9 000 postes d'assistants d'éducation pour 2005. Cette nouvelle mesure, qui vient consolider l'ancien dispositif attribué aux MI-SE, est élargie à des missions d'animation.
En 2003, lorsque ce statut à été crée, votre prédécesseur avait précisé « qu'il y aurait dans le service public des assistants d'éducation partout où sur le territoire français le besoin se ferait sentir ».
Or ce besoin est fortement ressenti dans l'enseignement primaire, et il est d'autant plus pressant que des habitudes ont été prises.
Ce projet de budget prévoit-il d'accorder au primaire les aides éducateurs ou les assistants d'éducation dont il a grandement besoin ?Ces derniers seraient chargés d'accompagner le maître, de le seconder auprès des élèves en difficulté.
A défaut de ne pouvoir répondre à cette demande, pourquoi ne pas envisager un autre dispositif qui doterait - en fonction de la configuration de l'école, bien entendu - les établissements primaires d'un maître supplémentaire, d'un maître « volant », c'est-à-dire d'un maître ou d'un stagiaire qui ne serait pas affecté à une classe déterminée mais dont le rôle consisterait à suivre les enfants fragilisés ou en difficulté auxquels leur instituteur ne peut répondre individuellement ?
Monsieur le ministre, considérant que ce projet de budget est pragmatique, je le voterai, mais je souhaiterais savoir quelle place vous réservez, d'une part, au problème urgent de la formation des maîtres, d'autre part, à l'aide que ces derniers sont en droit d'attendre pour remplir au mieux leur mission, et, enfin, à la reconnaissance nécessaire de leur métier afin que leur motivation se maintienne à la hauteur de l'ambition que nous nourrissons pour nos enfants, qui sont l'avenir de notre pays.